160 médecins sont à pied d’œuvre dans le Lot

Médecin coordinateur du conseil de l’ordre des médecins du Lot, Jean-Bernard Solignac tire son chapeau aux praticiens lotois et espère de nouvelles dotations en masques, en tests et en moyens.

Des 13 départements d’Occitanie, le Lot est l’un de ceux les moins impactés par le covid-19. Ce qui surprend autant que ça le rassure, Jean-Bernard Solignac, médecin coordinateur du Conseil de l’Ordre des médecins du Lot, qui a accepté de répondre par téléphone aux questions de La dépêche du Midi.

 

Mercredi soir, le dernier bulletin de l’ARS totalisait seulement trois patients lotois hospitalisés, dont un en réanimation. Comment expliquer de tels chiffres ?

 

Déjà parce qu’on ne teste plus les patients, depuis le déclenchement du stade 3 de l’épidémie, et qu’il y en a donc un certain nombre avec des pathologies suspectes dans la nature. Au moment où je vous parle, nous pouvons dire que le Lot est chanceux. Est-ce parce que nous avons une faible densité de population, que nous ne vivons pas dans une promiscuité urbaine comme à Montpellier ou à Toulouse ? Les médecins généralistes constatent aussi une certaine discipline des Lotois, respectueux du confinement et raisonnables. Il faut qu’ils continuent leurs efforts pour plusieurs semaines encore.

Qu’en est-il des tests et du dépistage dans le Lot ? Pourquoi personne n’est testée ?

Tester tout le monde serait judicieux, mais nous n’avons pas de test. Au départ, le Samu se déplaçait au domicile des gens qui présentaient des symptômes pour les tester et le CHU de Toulouse se chargeait des analyses. Mais il a été submergé de demandes. En phase 3, les tests sont réservés prioritairement à certains personnels de santé, aux patients présentant des signes de gravité et à ceux hospitalisés.

Pourquoi les laboratoires privés ne sont pas mobilisés ?

Ils le sont. Les tests commencent à s’élargir avec certains laboratoires qui ont désormais les réactifs et les machines. Sauf que pour faire les prélèvements, il faut les conditions de sécurité sanitaire et les équipements de protection des personnels. L’hôpital de Cahors pourrait être doté prochainement d’un dispositif d’analyses… On attend aussi des dotations de tests supplémentaires.

Le système des drive-tests est intéressant, tout comme la tactique de la Corée du Sud avec un dépistage systématique. Ils en avaient les moyens et c’est très bien. Nous, on ne s’attendait pas à cela.

Justement, à quand la fin de la pénurie des protections pour tous les soignants ?

C’est un problème. L’État en distribue au compte-gouttes dans les pharmacies. Depuis la semaine dernière, les médecins qui y sont référencés peuvent retirer 18 masques par semaine. En principe, un masque se porte 3 à 4 heures avant d’être mouillé et inefficace. Et il ne se recycle pas.

Cependant, l’ARS Occitanie vient de nous annoncer pour ce jeudi (hier) ou ce vendredi une nouvelle livraison grâce aux dons des entreprises, des mairies, …

Dans quel état d’esprit sont les 160 médecins libéraux de notre département ?

Je leur tire mon chapeau et je me réjouis qu’aucun d’eux ne soit sur la touche. Ils ont su être astucieux pour s’organiser, gérant par téléphone l’accueil des patients et la prise de rendez-vous. Les maisons médicales du Lot ont déployé l’usage de la télémédecine et pratiquent pour certaines des horaires différenciés entre les patients standards souffrant de diverses pathologies et les patients particuliers susceptibles d’être infectés par le virus. Les précautions mises en œuvres et le nettoyage de leur cabinet sont exemplaires.

Au moment où je vous parle, la charge de travail est raisonnable, mais il est important de ne pas faire perdre de temps aux médecins libéraux. C’est pour leur permettre d’être efficaces et d’avoir du temps utile, que des médecins en retraite ont repris du service. Non pas pour aller au contact des malades, mais pour assurer une régulation des appels téléphoniques et soulager leurs collègues en cabinets.

Un mot de conclusion.

Ce sera sans originalité : restez responsables et confinés.

Si la situation devait se dégrader, le Lot ferait-il face ?

Nous avons eu de nombreuses réunions avec l’ARS Occitanie, pour envisager cette possibilité. Face à un afflux de malades, il est prévu de mettre en place des centres dédiés dans les principales villes du département. Des médecins volontaires ont accepté d’y participer, aux côtés d’internes en médecine, en stage. La condition sera d’avoir le matériel adéquat.

Combien de temps résiste le virus sur une surface ?

Il semblerait qu’il soit fragile malgré tout. On considère donc qu’il a 3 à 7 heures de survie sur une surface sèche. La vérification scientifique est délicate. On a hélas beaucoup de questions, et peu de réponses sur ce nouveau virus.

Les masques en tissus protègent-ils ?

C’est généreux de fabriquer des masques en tissus, mais quelles sont les capacités de filtration des tissus utilisés face à un virus microscopique ? Ces masques sont bien pour des gens qui ne toussent pas, pour éviter de postillonner sur les pommes de terre ou les bananes. Ils ont cette utilité.

Que pensez-vous du traitement par la chloroquine défendu par le professeur Raoult, à Marseille ?

C’est un ponte de l’infectiologie, il est l’auteur de nombreuses recherches et publications et fait autorité dans le reste du monde. C’est donc une position très personnelle que je vous livre et elle n’engage que moi.

La rapidité de ce virus nous a pris tous à contre-pied. Mais la célérité du professeur Raoult a fichu la panique. Il a peut-être raison, mais nous avons un grand principe en médecine : c’est la preuve. Et la chloroquine n’apporte pas de certitude scientifique. Disons qu’on a une piste de recherche, un espoir raisonnable avec des atouts. Il faut avoir la patience d’attendre un petit peu encore… Car c’est un médicament avec des effets secondaires qui ne peut pas être prescrit comme ça.

30 à 40 % des patients atteints

En l’absence de test, nous avons demandé au docteur Solignac de nous préciser à combien les médecins du Lot estimaient le nombre de patients potentiellement porteurs du virus…

« C’est difficile à savoir. Mais depuis 10 jours que nous sommes en phase 3, on considère que toute personne fébrile, avec de la toux, une perte d’odorat et/ou de goût et quelques signes digestifs est considérée comme atteinte. Nous n’en avons pas la preuve, mais c’est probable. On considère donc qu’ils sont positifs. Les médecins du Lot tablent sur une moyenne entre 30 et 40 % de leurs patients ».

Laetitia Bertoni La Dépêche