5 décembre: grèves très suivies

La journée du 5 décembre verra tout à la fois des manifestations à Cahors, Figeac et Biars et des grèves qui devraient être particulièrement suivies dans les services publics, les écoles, les transports.

Pour mieux comprendre le projet du gouvernement et le débat, le journal Le Monde daté du 5 décembre répond à 48 questions

Qu’est-ce qu’un régime par répartition ?

Le système de retraite français fonctionne comme une assurance collective. Les travailleurs (et les employeurs) financent les caisses de retraite en s’acquittant de cotisations prélevées sur leurs revenus. Ces sommes servent ensuite à payer les pensions de retraite.

La durée d’activité (calculée par trimestre), le niveau de revenus et toute une série de facteurs sont pris en compte dans le calcul de la pension d’un retraité. Mais elle n’est pas directement payée par les sommes que cette personne aurait elle-même versées. C’est le « pot commun » alimenté par la population active qui paie les pensions des personnes effectivement à la retraite.

Quels sont les différents systèmes de retraite ?

Il existe aujourd’hui 42 caisses de retraite en France. Le régime général des salariés du privé est le plus courant : plus de 80 % des retraités en bénéficient. Viennent ensuite la Mutualité sociale agricole (MSA), pour les travailleurs agricoles, et le régime des indépendants (ex-RSI).

Derrière ces trois grandes caisses de retraite, il y a la grande famille des régimes « spéciaux ». Certains concernent la fonction publique, d’autres des entreprises et établissements publics, comme la SNCF et la RATP, et d’autres encore des professions libérales, comme celle des avocats.

Sans oublier les caisses complémentaires, obligatoires pour les salariés, qui versent une pension supplémentaire à certaines catégories de travailleurs. La plus répandue est l’Agirc-Arrco, la complémentaire des salariés du privé. Cet étage ajoute un peu plus de complexité au système puisque ces caisses ont elles aussi leurs propres règles de fonctionnement.

Peut-on cumuler plusieurs pensions ?

En changeant de travail au cours de sa carrière, on peut cotiser à différents régimes de retraite. Par exemple, en passant du secteur public au privé, ou l’inverse. Une fois à la retraite, un même travailleur peut donc percevoir des pensions versées par les différents régimes de base auxquels il a été affilié. On dit alors qu’il est polypensionné. Un retraité sur trois environ était dans cette situation en 2017.

De plus, bon nombre de retraités perçoivent une retraite complémentaire en plus de leur retraite de base. Si bien qu’il n’est pas rare de percevoir deux, trois ou quatre pensions différentes. En moyenne, un retraité percevait 2,5 pensions en 2017 (régimes de base et complémentaires confondus).

A quel âge peut-on partir à la retraite ?

L’âge légal du départ à la retraite est fixé actuellement à 62 ans dans le régime général. Il est possible de partir plus tôt dans certains cas (carrière longue, handicap, pénibilité). Des règles différentes existent cependant dans d’autres régimes.

Attention : s’il est possible de prendre sa retraite à 62 ans, cela ne garantit pas de pouvoir bénéficier d’une retraite complète.

Quelle différence entre âge légal et âge du taux plein ?

Tout le monde peut prendre sa retraite à 62 ans : c’est l’âge légal de départ. Mais cela ne garantit pas pour autant de bénéficier d’une pension à taux plein (50 % du salaire annuel de référence) : elle n’est accordée qu’à condition d’avoir cotisé suffisamment longtemps.

La durée exigée varie selon les générations : elle est fixée à 41 ans et 9 mois pour les actifs nés en 1958, et atteint 43 ans pour ceux qui sont nés en 1973 et après. La retraite à taux plein est cependant automatique à partir de 67 ans (pour les personnes nées en 1955 et après) : c’est ce qu’on appelle l’âge du taux plein.

Attention, des règles différentes existent dans les autres régimes.

Quel est l’âge moyen de départ en retraite ?

Les personnes qui sont parties à la retraite en 2017 avaient en moyenne 62 ans et 1 mois. Près de deux sur trois avaient 60, 61 ou 62 ans.

Ces situations varient cependant d’un régime à l’autre : environ 7 % des nouveaux retraités avaient moins de 60 ans, mais il s’agit essentiellement de bénéficiaires de régimes spéciaux (ils sont moins de 1 % à l’avoir fait dans le régime général cette année-là). Enfin, un peu plus d’un nouveau retraité sur dix avait plus de 65 ans.

Comment sont calculées les pensions actuellement ?

Les pensions sont composées d’au moins une retraite de base et de la retraite complémentaire. La pension de base tient compte des salaires — les vingt-cinq meilleures années dans le privé, les six derniers mois dans la fonction publique.

Si vous avez suffisamment cotisé, un taux de 50 % est appliqué au salaire annuel moyen brut dans le privé, il est de 75 % dans la fonction publique. La pension peut être minorée s’il n’y a pas le nombre de trimestres requis.

Les retraites complémentaires reposent, elles, sur des systèmes par points, convertis ensuite en euros, et s’ajoutent aux pensions de base.

Quel est le montant moyen des pensions en France ?

Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), en 2017, la pension moyenne s’établissait à 1 422 euros brut mensuels pour l’ensemble des retraités.

En moyenne, la pension des femmes (1 123 euros) est inférieure de 42 % à celle des hommes (1 933 euros). L’écart réel de pensions entre les deux sexes est plus faible (29 %) car bon nombre de femmes touchent une pension de réversion (c’est-à-dire une part de la pension de leur conjoint décédé).

A noter que les femmes partent plus tardivement à la retraite, à 62 ans et 4 mois, contre 61 ans et 9 mois pour les hommes.

Le système actuel est-il déficitaire ?

Le système de retraite français était déficitaire de 2,9 milliards d’euros en 2018, soit environ 0,1 % du produit intérieur brut (PIB), selon le Conseil d’orientation pour des retraites (COR). Ce déficit est cependant bien moindre qu’en 2010, où il avait atteint 0,7 % du PIB.

Mais selon un autre rapport du COR publié en novembre, le déficit du système pourrait atteindre entre 7,9 milliards et 17,2 milliards d’euros en 2025.

Ces perspectives ouvrent un débat politique : d’un côté, les partisans d’une stricte rigueur budgétaire estiment que ce déficit n’est pas tenable et plaident pour une réforme des retraites avant 2025. De l’autre, une partie de la classe politique considère qu’il ne s’agit au fond que d’une dépense de protection sociale parmi d’autres et que l’équilibre financier du système de retraite n’est pas une fin en soi.

Qu’est-ce que les retraites complémentaires ?

Les retraites complémentaires viennent s’ajouter aux retraites de base. Elles sont obligatoires pour les salariés et basées sur un système de points. Les salariés du régime général sont rattachés à l’Agirc-Arrco. Le régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) est, lui, réservé aux fonctionnaires.

Il existe là aussi des spécificités, comme les agents non titulaires de la fonction publique, qui cotisent à l’Ircantec. Les retraites complémentaires des salariés privés sont calculées selon un système de points issu des cotisations prélevées sur les salaires. Les points accumulés sont ensuite convertis en euros.

Quelles sont les règles propres aux fonctionnaires ?

Le régime de la fonction publique diffère du régime général. Selon les statuts et les catégories, les conditions d’accès à la retraite ne sont pas les mêmes. En règle générale, la retraite des fonctionnaires est calculée sur la base du dernier salaire brut (hors primes) perçu au moins six mois avant le départ à la retraite. Un avantage sur les salariés du régime général, dont le calcul prend en compte les 25 meilleures années, avec un taux moindre.

Certains fonctionnaires peuvent aussi bénéficier d’un départ anticipé, notamment dans la fonction publique militaire, où les départs avant 60 ans étaient largement majoritaires en 2017. Les pensions de réversion sont également régies par des règles particulières, sans conditions de ressources, ni d’âge. Les enfants peuvent aussi en bénéficier, contrairement au privé.

Qu’est-ce qu’une pension de réversion ?

La pension de réversion permet aux veufs et veuves de toucher une partie de la retraite de leur conjointe ou conjoint décédé. En 2017, plus de 4 millions de retraités, sur les 17 millions au total, en percevaient une, soit un quart des personnes à la retraite. Parmi elles, les femmes (88 %) sont nettement majoritaires.

Les conditions d’attribution divergent selon les régimes, mais les critères prennent généralement en compte le statut marital (les concubins et les personnes pacsées n’en bénéficient pas), l’âge (dans le privé, il faut avoir 55 ans), les revenus, etc.

Peut-on encore partir en retraite à 60 ans ?

Aujourd’hui, l’âge légal du départ à la retraite est fixé à 62 ans. Il est toutefois possible de partir plus tôt dans certains cas, par exemple les salariés avec une carrière longue.

Pour partir à 60 ans, une personne née en 1959 doit ainsi avoir cotisé quarante et un ans et neuf mois, dont au moins quatre ou cinq trimestres avant l’année de ses 21 ans, selon les cas. Ces conditions sont plus strictes pour les salariés nés après 1959 : la durée minimale de cotisation est ainsi de quarante-trois ans dont quatre ou cinq trimestres avant 21 ans.

Les salariés handicapés ou ceux qui ont une incapacité permanente d’origine professionnelle peuvent également partir plus tôt, toujours sous conditions.

Qu’est-ce qu’on appelle « régimes spéciaux » ?

L’étiquette « régimes spéciaux » est utilisée plus ou moins largement pour évoquer les caisses de retraite autres que celle du régime général, qui ont toutes leurs spécificités.

Il y a d’abord deux autres grands régimes de retraite de base : la MSA (pour les travailleurs agricoles) et le régime des indépendants (ex-RSI).

Viennent ensuite les régimes de la sphère publique : il s’agit de ceux appliqués aux agents de la fonction publique ainsi que ceux des travailleurs des entreprises et établissements publics, comme la SNCF et la RATP.

Enfin, d’autres sont plus autonomes et relèvent de la sphère privée, comme la caisse des professions libérales (CNAVPL) ou celle des avocats (CNBF).

Combien y a-t-il de caisses de retraites et lesquelles ?

Il y a 42 caisses de retraite en France (régimes de base et régimes complémentaires confondus). Parmi elles, on peut principalement retenir :

– les trois grands régimes de base (régime général, MSA, régime des indépendants) ;

– le régime de la fonction publique ;

– des régimes spéciaux de salariés (Banque de France, RATP, SNCF, etc.) ;

– des régimes spéciaux pour les indépendants (professions libérales, avocats, etc.) ;

– le fonds de solidarité vieillesse ;

– le service de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ;

– les régimes complémentaires, comme celui des salariés et cadres du privé (Agirc-Arrco).

A noter que certains régimes sont marginaux ou proches de l’extinction.

Combien y a-t-il de retraités des régimes spéciaux ?

Les régimes spéciaux concernent une minorité de retraités. Environ 700 000 retraités (soit 4 %) étaient affiliés à un régime spécial, au sens du ministère de la santé et des solidarités, en 2016. Cela inclut notamment les caisses de la SNCF, de la RATP ou encore la protection sociale des mines.

Par ailleurs, environ 300 000 personnes (2 %) bénéficiaient des régimes des professions libérales (CNAVPL et CNBF).

Les pensionnés des régimes de la fonction publique, qu’on peut considérer comme spéciaux au sens large, étaient, quant à eux, 2,9 millions (18 % environ).

A quel âge part-on en retraite dans les régimes spéciaux ?

Les cas de figure sont très variables, mais un constat s’impose : parmi les nouveaux retraités de 2016, ceux qui avaient moins de 60 ans étaient essentiellement des pensionnés de régimes spéciaux. Ils étaient ainsi 0,5 % dans le régime général, mais 17,7 % dans la fonction publique civile d’Etat, 86 % à la RATP, 91 % à la SNCF et 99 % dans la fonction publique militaire.

A l’inverse, on part plus tard en retraite au sein des professions libérales : 55 % des nouveaux pensionnés de la caisses des libéraux (CNAVPL) avaient 65 ans ou plus, contre 22 % dans le régime général.

Les régimes spéciaux versent-ils des retraites plus élevées ?

Une tendance se dégage dans les chiffres du ministère : qu’ils touchent une ou plusieurs pensions, les fonctionnaires civils d’Etat et militaires bénéficient de retraites en moyenne sensiblement supérieures à celles des salariés affiliés au régime général. Une conséquence logique de la différence de calcul entre les deux systèmes. Même chose pour les personnes rattachées aux régimes spéciaux comme ceux de la SNCF, de la RATP et des professions libérales.

A l’inverse, les travailleurs agricoles ont des pensions bien inférieures à celles du régime général, qu’ils soient salariés ou non. Tout comme les artisans et les commerçants.

Attention : ces constats ne permettent pas de comparer la situation des travailleurs des différents systèmes dans leur ensemble.

Pourquoi des régimes sont-ils déficitaires et pas d’autres ?

Le débat sur les régimes spéciaux prend parfois des airs de fable de La Fontaine : il y aurait d’un côté des caisses de retraite cigales, qui accorderaient trop de privilèges et seraient donc déficitaires, et puis de l’autre de vertueuses fourmis, qui gèreraient leurs comptes de main de maître.

Sauf que la réalité est plus complexe. Bien sûr, le niveau des pensions et les conditions de départ jouent sur les finances des caisses.

Cependant, d’autres facteurs entrent en jeu, à commencer par la démographie. Ainsi, il y avait environ 143 000 actifs qui cotisaient au régime de retraite de la SNCF en 2017, selon la Cour des comptes, contre environ 261 000 bénéficiaires (pensions de réversion incluses), soit 0,55 actif par retraité. A l’inverse, on comptait près de 67 000 cotisants pour 16 000 pensionnés dans le régime de retraite des avocats, soit 4,2 actifs par retraité.

Les élus ont-ils leur propre régime spécial ?

La retraite des anciens présidents est aujourd’hui alignée sur celle des conseillers d’Etat, soit environ 75 000 euros par an (hors autres avantages).

Les parlementaires sont affiliés à un régime spécial, mais certains de leurs avantages ont été réduits récemment. Jusqu’à 2018, par exemple, les sénateurs et les députés pouvaient cotiser deux fois, ce qui leur permettait de partir en retraite plus tôt et avec des pensions plus élevées. Le régime des députés est également, depuis peu, aligné sur celui des fonctionnaires, mais pas celui des sénateurs.

Les ministres, les secrétaires d’Etat, ainsi que les élus locaux (municipaux, départementaux et régionaux) relèvent, quant à eux, du régime général et de la caisse complémentaire des contractuels de la fonction publique (l’Ircantec).

Avec le nouveau régime universel, sénateurs et députés « relèveront des mêmes règles que les salariés », a indiqué Jean-Paul Delevoye, le haut commissaire aux retraites.

Que promettait Emmanuel Macron sur le sujet en 2017 ?

Lorsqu’il était candidat à la présidentielle, en 2017, Emmanuel Macron promettait de créer « un système universel des retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé ». Il s’est également engagé à ne pas modifier l’âge de départ à la retraite, à maintenir le niveau des pensions et à conserver un régime par répartition.

Qu’est-ce qu’un régime « universel » ?

Il existe actuellement 42 caisses de retraite, qui ont chacune leurs spécificités et sont administrées indépendamment. Résultat : les retraités qui ont cotisé à plusieurs régimes perçoivent plusieurs pensions différentes, versées par des organismes différents, avec des interlocuteurs différents. Créer un système universel vise donc d’abord à simplifier cette situation, mais ce n’est qu’une partie de la réforme envisagée par Emmanuel Macron. Elle vise également à gommer les particularités des anciens régimes pour que les mêmes règles s’appliquent à tous.

Qu’est-ce qu’un point de retraite ?

Le gouvernement défend une formule où les cotisations de retraite des travailleurs sont converties en points de retraite suivant la même formule pour tous. Le rapport Delevoye propose d’accorder un point pour 10 euros cotisés. Des points « bonus » peuvent également être accordés dans certaines situations (chômage, congé maternité, accompagnement d’un proche, etc.).

Ainsi, un travailleur accumule des points tout au long de sa carrière dans une sorte de cagnotte fictive, et c’est sur la base de celle-ci qu’est calculée sa pension de retraite lorsqu’il cesse de travailler.

Comment les points seront-ils convertis en pension ?

Dans ce système universel, un travailleur accumule des points de retraite pendant sa carrière. Le rapport Delevoye propose ensuite de les convertir suivant une règle de calcul unique qui serait de 5,50 euros de pension par an pour 10 points aux débuts de la réforme.

Par exemple, un salarié qui aurait travaillé quarante-trois ans avec un salaire moyen de 1,5 smic (1 813 euros net par mois) totaliserait 29 800 points et pourrait toucher environ 1 265 euros net de retraite par mois en partant à la retraite à 64 ans, selon les simulations du gouvernement. Cette somme varierait en fonction d’autres facteurs comme l’âge de départ en retraite, le nombre d’enfants et d’autres cas particuliers. De même, l’âge pivot et la valeur du point évolueront dans le temps.

Est-ce la fin de la retraite par répartition ?

Le système universel tel qu’il est envisagé aujourd’hui reste un système par répartition. En effet, il est toujours prévu que les pensions de retraite en France soient financées par les cotisations des actifs.

Il n’a jamais été question d’adopter un système par capitalisation, où c’est l’épargne constituée par le travailleur lui-même qui finance plus tard sa propre retraite.

A quel âge peut-on prendre sa retraite avec ce système ?

Emmanuel Macron s’est engagé à ne pas modifier l’âge du départ à la retraite dans sa réforme. Sauf revirement, il restera donc possible de partir à 62 ans – et à 60 ans dans certains cas grâce à l’attribution de points « pénibilité » ainsi que la prise en compte des carrières longues.

Reste cependant à savoir avec quel montant de pension. Le mode de calcul prévu par le rapport Delevoye sera largement favorable à ceux qui travailleront au-delà de l’âge légal. De plus, la retraite minimum envisagée de 1 000 euros par mois dans ce même rapport ne sera garantie qu’à ceux qui partiront au-delà d’un « âge pivot » ou « âge d’équilibre», qui sera au départ fixé à 64 ans et pourra évoluer par la suite.

Qu’est-ce que l’âge pivot ?

L’idée du rapport Delevoye est de maintenir le droit de partir en retraite à 62 ans (l’âge légal), mais d’ajouter une nouvelle référence : l’« âge pivot » ou « âge d’équilibre ». En dessous de cette limite, les pensions de retraite seraient minorées (– 5 % par an de décalage). Au-dessus, les retraités toucheraient davantage (+ 5 % par an).

Ce nouvel âge pivot, qui pourrait être au départ de 64 ans et reculer par la suite, inciterait donc les travailleurs à différer leur départ à la retraite, sans les y obliger formellement. C’est également cette date qui serait retenue pour le versement du minimum retraite à 1 000 euros par mois.

Cette réforme entraîne-t-elle le « travail sans fin » ?

La réforme envisagée fait disparaître la notion d’âge du taux plein auquel une pension de retraite complète est accordée de droit.

Cependant, il est difficile de prétendre que les travailleurs seraient contraints de travailler bien après cet âge. D’abord, en travaillant plus longtemps, on accumule davantage de points. De plus, il est prévu que les points soient bonifiés de 5 % par an au-delà de l’âge pivot, prévu au départ à 64 ans. Cela veut dire que les points d’un salarié qui partirait à 65 ans vaudraient 5 % de plus, puis 10 % à 66 ans… et 55 % à 75 ans.

Selon les promoteurs de cette réforme, ce mécanisme est à la fois un garde-fou et une manière de laisser chacun libre de choisir la date de son départ à la retraite. Pour ses détracteurs, à l’inverse, il encourage le « travail sans fin ».

Par ailleurs, une pension minimale de retraite de 1 000 euros par mois est promise pour les carrières complètes à partir de 64 ans.

Les fonctionnaires vont-ils y perdre ?

Aujourd’hui, les retraites du public sont calculées sur les six derniers mois de salaire. Il est envisagé de prendre en compte l’intégralité de la carrière dans le nouveau régime universel, ce qui aboutit à un montant moins favorable.

En contrepartie, les primes des agents du secteur public seraient intégrées au calcul des retraites. De quoi compenser pour ceux qui en perçoivent. En moyenne, les primes représentent 20 % de la rémunération dans le public, mais cela varie fortement d’un agent à l’autre. Ceux qui touchent peu ou pas de prime, notamment parmi les enseignants ou les infirmiers, ont fort à perdre. Le gouvernement s’est engagé à revoir leur situation.

Qui seraient les « gagnants » et les « perdants » ?

Les cas sont très variables et il est trop tôt pour se prononcer sur une réforme dont les contours exacts demeurent inconnus. Cependant, les pistes du rapport Delevoye pourraient globalement faire :

– D’un côté, des profils plutôt « gagnants », comme ceux qui ont des carrières dites « hachées » avec des périodes de travail qui n’étaient même pas prise en compte à cause de la règle des trimestres. De même, des règles de calcul plus favorables sont envisagées dans certains cas pour les parents, et par défaut les mères, ou encore les aidants.

– De l’autre, des « perdants » qui se trouvent plutôt parmi ceux dont la rémunération augmente sensiblement au fil de la carrière, les agents du public qui perçoivent peu ou pas de prime, ainsi que des bénéficiaires des régimes spéciaux actuels.

Quel est l’intérêt de la future retraite minimale ?

Le rapport Delevoye propose d’instaurer une retraite minimum à 1 000 euros par mois ou, plus précisément, 85 % du smic net en 2025 pour les personnes qui auraient eu des carrières complètes.

Contrairement à ce qu’on entend parfois, ce dispositif n’est pas redondant avec l’allocation de solidarité aux personnes âgées (le nouveau nom du minimum vieillesse).

D’abord, le montant est supérieur (l’ASPA doit atteindre 900 euros par mois en 2020). Surtout, il ne s’agit pas d’une aide sociale, ce minimum ne serait donc pas récupérable sur la succession des bénéficiaires, contrairement à l’ASPA, qui continuera par ailleurs d’exister après la réforme.

Le nouveau régime est-il vraiment égalitaire ?

La promesse initiale d’Emmanuel Macron est de créer un système où tout le monde serait logé exactement à la même enseigne. Un mot d’ordre simple et efficace, mais qui cache une réalité beaucoup plus complexe. En réalité, la réforme doit tenir compte de nombreux cas particuliers, collectifs comme individuels : les aidants, les situations familiales, les accidents de la vie, le chômage, la pénibilité…

Résultat : les préconisations de Jean-Paul Delevoye s’étalent tout de même sur 132 pages, et ce sans même répondre à toutes les questions que pose la réforme.

Qu’est-il prévu pour les carrières « à trous » ?

Dans le système actuel, il faut travailler au moins 150 heures pour valider un trimestre. Bon nombre de contrats courts ou de « petits boulots » ne donnent donc aucun droit à la retraite aujourd’hui, même lorsque des cotisations ont été versées.

La réforme envisagée dans le rapport Delevoye prévoit à l’inverse de tenir compte de toutes les périodes d’activité déclarées, mêmes les plus courtes. Si l’on prend l’exemple d’un étudiant qui travaillerait huit heures au salaire minimum durant quarante samedis dans l’année, il ne gagnerait aucun droit à la retraite aujourd’hui. Avec la réforme, il accumulerait 800 points de retraite environ, ce qui correspondrait à 36 euros de retraite annuelle.

Qu’est-il prévu pour les parents ?

Le rapport Delevoye préconise une majoration de 5 % des points de retraite pour chaque enfant dans le foyer, dès le premier enfant. Cette hausse bénéficierait par défaut aux mères, mais pourrait être attribuée à l’autre parent, ou encore partagée entre les deux.

Actuellement, il existe dans le régime général une majoration de 10 % uniquement pour les parents de trois enfants et plus, accordée aux deux parents. La règle envisagée serait donc plus favorable aux familles avec un ou plusieurs enfants, à l’exception de celles avec trois enfants.

Des points supplémentaires sont également envisagés pour les périodes d’interruption d’activité liées à l’éducation des enfants et pour les congés maternité.

Les pensions de réversion vont-elles disparaître ?

Le gouvernement s’est engagé à ne pas toucher aux pensions de réversion versées actuellement. Le rapport Delevoye propose en revanche une refonte du système de réversion, en garantissant au conjoint survivant 70 % de la somme des deux retraites du couple (là où divers taux existent aujourd’hui). Ce droit ne s’appliquerait qu’aux couples mariés.

Les retraites complémentaires vont-elles disparaître ?

Selon les préconisations de Jean-Paul Delevoye, les régimes complémentaires obligatoires font partie des 42 régimes amenés à être regroupés dans le régime universel, y compris le système Agirc-Arrco, qui concerne 30 millions de travailleurs du secteur privé.

La réforme peut-elle encore évoluer ?

Jean-Paul Delevoye a rendu un rapport détaillé en juillet 2019, qui dessine les contours de la réforme. Mais face aux questions et aux critiques, le gouvernement s’est ménagé ces derniers mois la possibilité de remanier son projet plus ou moins largement à l’issue d’une nouvelle phase de concertation. Les arbitrages sont attendus pour le courant de décembre.

Quand la réforme sera-t-elle votée ?

Après son élection, Emmanuel Macron entendait lancer sa réforme des retraites à la fin de l’année 2018 ou au début de l’année 2019. Les difficultés accumulées depuis, notamment le mouvement de contestation des « gilets jaunes », l’ont amené à repousser ce calendrier à plusieurs reprises. Après une deuxième phase de concertation qui doit s’achever le 9 ou 10 décembre, selon Edouard Philippe, la réforme pourrait être présentée au Parlement au début de 2020.

Quand la réforme entrera-t-elle en vigueur ?

Le rapport Delevoye propose que le futur régime commence à s’appliquer à partir de 2025 et que la transition se déroule sur une période d’environ quinze ans. Les futurs retraités qui sont nés avant 1963 ne seraient pas concernés, tout comme ceux qui sont à cinq ans de la retraite ou moins au début de la réforme. Pour les autres, le passage de l’ancien au nouveau système se ferait de manière progressive, dans des modalités qui restent à préciser.

Y aura-t-il une première réforme avant 2025 ?

Le gouvernement veut que son futur régime universel commence à être mis en place en 2025. Mais selon un rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) publié en novembre, le système actuel des retraites accusera un déficit de 7,9 milliards à 17,2 milliards d’euros à cet horizon.

Cette situation place l’exécutif face à un dilemme : faire une première « petite » réforme des retraites pour combler ce déficit (par exemple en reculant l’âge légal du départ), ou attendre la mise en place de la « grande » réforme pour rééquilibrer les comptes. Son choix n’a pas été arrêté pour l’heure.

Qu’est-ce que la « clause du grand-père » ?

Face à la contestation, des pistes pour adoucir l’entrée en vigueur de la réforme ont été envisagées ces derniers mois. Parmi elles, celles d’appliquer une « clause du grand-père », c’est-à-dire que la réforme ne s’applique qu’à celles et ceux qui entreraient sur le marché du travail après la date d’entrée en vigueur du futur système.

Cette hypothèse, qui pourrait s’appliquer à l’ensemble des régimes ou à une partie seulement, était évoquée par Jean-Paul Delevoye dans son rapport publié en juillet 2019, sans avoir sa préférence. Edouard Philippe a écarté le 27 novembre l’idée d’appliquer une telle clause à la réforme, tout en estimant que la réforme ne doit pas se faire dans la « brutalité ».

Age pivot ou durée de cotisation, quelle différence ?

L’idée de mettre en place un âge pivot revient à fixer une borne d’âge partagée par tous. En dessous, le calcul de la pension de retraite est moins favorable. Au-dessus, il est bonifié.

Mais Emmanuel Macron a publiquement évoqué l’hypothèse d’écarter cet âge d’équilibre pour ajouter plutôt une contrainte de durée de cotisations. Cela revient à fixer une durée minimale de travail comme il en existe une actuellement (172 trimestres soit 43 annuités pour celles et ceux qui sont nés à partir de 1973) pour bénéficier d’une pension de retraite complète.

Ce débat fait partie des questions qui restent à trancher par le gouvernement.

Y a-t-il des contreparties pour les fonctionnaires ?

Emmanuel Macron a promis le 26 août sur France 2 qu’il n’y aurait pas de réforme des retraites tant qu’aucune solution convenable ne serait trouvée pour des professions comme les infirmières, les aides-soignants et les enseignants.

Ces fonctionnaires font en effet partie des salariés du public qui ont le plus à perdre avec la réforme, car ils sont visés par ses effets négatifs, dont le fait que les pensions ne seront plus calculées sur les six derniers mois, mais sur l’ensemble de la carrière, et sans bénéficier de l’intégration de primes dans le calcul. On ne sait pas, pour l’heure, ce que le gouvernement prévoit les concernant.

Peut-on estimer sa retraite dans le nouveau système ?

C’est l’une des critiques récurrentes à l’encontre du gouvernement : alors que la réforme concernera à terme l’intégralité des travailleurs en France, il reste pour l’heure difficile d’en estimer les effets à l’aide de cas concrets, faute de disposer de suffisamment d’informations.

Faut-il y voir un manque de transparence ? Non, assure le gouvernement, qui explique que les contours de la réforme restent à définir, ce qui rend l’exercice de simulations prématuré. Contacté par Le Monde, le cabinet de Jean-Paul Delevoye promet une « maquette budgétaire détaillée de la réforme » pour 2020, qui permettra notamment de mieux en appréhender les effets.

Que disent les syndicats de la réforme ?

Le front syndical est en partie divisé face à la réforme. La CFDT est favorable à un système universel pour changer le système actuel qui « pénalise les femmes, les précaires, les bas revenus ». Mais le syndicat est opposé à l’allongement de la durée du travail. Il n’a pas appelé à manifester le 5 décembre, mais « appellera à se mobiliser si le résultat final ne correspond pas à ses exigences ».

La CGT est fermement opposée au régime par points, « qui fera baisser les pensions », et propose de revenir à un âge légal de départ à 60 ans. Le syndicat sera dans la rue le 5 décembre aux côtés de FO opposée elle aussi à ce projet. Le syndicat fustige à son tour le régime unique par points et la disparition des calculs actuels des pensions. « Les gouvernements seraient seuls décideurs (…) pour gérer les retraites en fonction des contraintes budgétaires et financières », déplore FO.

Que pense la gauche de la réforme ?

Les principaux partis de gauche sont unanimement opposés au projet gouvernemental. Tous soutiennent la mobilisation du 5 décembre et ont appelé à descendre dans la rue. La France insoumise (LFI) et le Parti communiste français (PCF) ont dénoncé l’injustice du système par points et une réforme qui va « précariser les plus âgés ». Ils estiment que le maintien de l’âge légal de départ à 62 ans est un « enfumage théorique » et une « aberration », et que celui-ci sera en réalité repoussé à 64 ans.

Du côté des socialistes, le parti a salué « les intentions », mais a dénoncé le « flou » entretenu par le gouvernement. Il s’est également montré inquiet quant au maintien des 62 ans.

Quelle est la position de la droite ?

A droite, le projet divise aussi, mais les critiques se font plus prudentes. Les Républicains (LR) n’appellent pas à manifester le 5 décembre, mais ils réprouvent les hésitations de l’exécutif. Ils dénoncent « la fausse promesse » de maintenir l’âge légal de départ à 62 ans, l’idéal pour eux étant de repousser à 64 ans, voire à 65 ans. Ils rejoignent le gouvernement sur la suppression des régimes spéciaux, tout en conservant des différences sur le calendrier d’application ou la question de la pénibilité.

Mais le parti a du mal à parler d’une voix. Le patron des LR, Christian Jacob, au regret de certains élus, semble vouloir attendre avant de proposer un contre-projet.

Quelle est la position du Rassemblement national ?

Du côté de l’extrême droite, Marine Le Pen a sévèrement critiqué le projet qu’elle qualifie de « hold up du siècle ». Elle craint notamment « une baisse massive des pensions ». En voulant soulever des points sensibles de la réforme, la présidente du Rassemblement national (RN) est parfois tombée dans la caricature. En revanche, elle n’a pas appelé à manifester le 5 décembre, tout en disant soutenir la grève en elle-même. « Il y aura sûrement des responsables du RN qui iront », a-t-elle affirmé.

Le Monde daté du 5 décembre