Entretien.La reconversion de l’ancien député Jean Launay au service de l’eau en France et dans le monde

Après quatre mandats de député du Lot, Jean Launay s’est vu confier des responsabilités tant au plan national qu’international, concernant les enjeux liés à l’eau et au réchauffement climatique

De retour de Bonn en Allemagne, où il assistait à des travaux sur la COP 23, Jean Launay répond à nos questions, quant à ses engagements dans sa nouvelle vie post-parlementaire. Administrateur au plan local au sein de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne, voici également l’ancien député du Lot engagé en tant que président du Comité national de l’eau (1) et président du Partenariat Français pour l’Eau (voir encadré ci-dessous).

« Éviter de passer du trop-plein au trop peu »

Comment avez-vous vécu ce retrait de la vie parlementaire après quatre mandats consécutifs ?

Pour moi aucun traumatisme, puisqu’il s’agissait d’une décision choisie et complètement assumée. À partir du moment où l’on décide de tourner une page, il convient alors de se donner les moyens d’en écrire une autre. J’avais anticipé le fait de ne pas me représenter après quatre mandats de député en préparant ce retrait pour éviter de passer du trop-plein au trop peu d’activités. Il se trouve que ces dernières années en particulier, j’ai beaucoup travaillé sur les sujets de l’eau. Et en mars 2016 j’étais élu à la présidence de l’association nationale « Partenariat Français pour l’eau », qui fait du plaidoyer à l’international sur le lien entre l’eau et le climat, le droit à l’eau, les forums mondiaux de l’eau, le suivi des COP, le suivi des objectifs de développement durable de l’ONU dont un est entièrement consacré à l’eau. Jusqu’ici, je m’étais investi sur ce sujet au plan local et national, dorénavant s’ajoute pour moi la dimension internationale.

 

Notre pays serait-il lui aussi confronté à ce souci lié à l’eau, dans les années qui viennent ?

Je suis convaincu que ce sujet est prégnant partout. Les COP (Conférences of the Parties) (2) qui traitent du climat et du réchauffement climatique, et en particulier l’Accord de Paris (2015), ont été institués pour trouver les moyens et les réponses afin de ne pas dépasser un réchauffement de plus de 2 degrés, à l’horizon de 2050. Or, si ne sont pas prises dans chaque pays les mesures qui s’imposent, nous atteindrons ces deux degrés supplémentaires, voire davantage. Tout ceci a des conséquences qui impactent en particulier le domaine de l’eau.

 

Quel lien faites-vous entre la diminution de la réserve en eau et le dérèglement climatique ?

L’eau représente le marqueur de ce dérèglement climatique qui se traduit par un réchauffement. Le caractère subi, voire décalé du climat, par rapport à l’agenda normal des saisons, avec les inondations, les sécheresses ; l’excès ou le manque d’eau sont des marqueurs de premier ordre. La fonte des glaciers, la réduction de la banquise, le relèvement du niveau de la mer, nous alertent sur cette évolution inquiétante.

Tout ceci se passe déjà chez nous, évidemment de façon moins spectaculaire qu’en Afrique, particulièrement dans la zone sahélo-saharienne. Pour autant, le sud-est de la France connaît un stress hydrique majeur, suite à une absence d’eau depuis près de six mois.

« Ne pas sous-estimer la dégradation de la réserve en eau »

Quel est le principal symptôme de cette dégradation de la réserve en eau ?

En qualité de président du Comité national de l’eau, j’ai tenu deux réunions du comité sécheresse, au mois de mars et au mois de juillet, pour faire un point avec les services de Météo France et les différentes agences de l’eau de France, sur l’état des masses d’eau. Aujourd’hui par rapport aux nappes profondes, celles-ci se rechargent très vite, mais se déchargent très vite également. Le rôle d’éponge des masses d’eau souterraines ne joue plus comme c’était le cas auparavant. Les recharges sont rapides mais précaires. Nous sommes donc confrontés à un problème de ressource qui se pose à nous, avec tout ce que cela induit quant au partage de cette ressource entre les différents usages. Il ne faut donc pas sous-estimer ce sujet y compris pour notre pays.

 

Le fait que Nicolas Hulot ait annoncé que l’objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique d’ici 2025 serait impossible à tenir, vous inquiète-t-il ?

La loi sur la transition énergétique avait posé cet objectif il est vrai. Or, les services du Ministère et bien au-delà ont constaté que cet objectif était inatteignable. Ceci étant dit l’objectif demeure et il faut se donner les moyens de le rendre réalisable le plus près possible de cette date de 2025. Il s’agit d’une position pragmatique et non d’un désengagement par rapport à la volonté de limiter la part du nucléaire dans notre fourniture énergétique.

« Je partage la même analyse que Martin Malvy »

Maintenant que vous n’avez plus de mandat d’élu, comment percevez-vous la politique conduite par le Président Emmanuel Macron ?

Pour ma part, j’ai apporté ma contribution à l’élection d’Emmanuel Macron, en m’engageant à ses côtés le jour de sa déclaration de candidature. Je partage l’analyse de Martin Malvy, exprimée dans vos colonnes, considérant que cette recomposition de la droite et de la gauche va mettre du temps. Mais qu’on gouverne le pays avec des avis et de droite et de gauche, avec des gens de qualité et de droite et de gauche, me convient personnellement, tout à fait. La recomposition est en marche elle aussi, si j’ose dire.

 

Vous avez été membre de la commission d’investiture d’En Marche pour les élections législatives, avez-vous gardé des liens avec le mouvement ?

Il arrive effectivement que je sois consulté. J’ai l’occasion également de rencontrer le président de la République et d’échanger sur certains sujets, dont celui de l’eau. Je l’ai encore fait il y a quinze jours. Je suis tout à fait heureux à la fois dans cette position de retrait de mes différents mandats, et dans mon investissement à continuer de porter certaines préoccupations, notamment en lien avec Nicolas Hulot, qui m’a demandé de continuer à présider le comité national de l’eau. Pour tout vous dire, je ne risque pas de m’ennuyer.

Entretien réalisé par JEAN-CLAUDE BONNEMÈRE

 

(1) Le comité national de l’eau est consulté sur les grandes orientations de la politique de l’eau, sur les projets d’aménagement et de répartition des eaux ayant un caractère national et sur les grands aménagements régionaux, ainsi que sur les projets de textes législatifs et réglementaires.

(2) Les COP sont le lieu des négociations internationales sur le changement climatique.