Indignation de deux élues : Le marketing territorial du Lot, « c’est de la poudre de Perlimpinpin »

Lorsqu’elles ont eu entre les mains l’invitation à la soirée de lancement du marketing territorial à Souillac, deux élues de la Bouriane sont tombées des nues… Selon elles, pour attirer de nouvelles populations dans le Lot il faudrait s’en donner les moyens !

Viviane Iragnes-Colin et Catherine Bénazéraf-Morin. © Amandine Héraud.
Viviane Iragnes-Colin et Catherine Bénazéraf-Morin. © Amandine Héraud.

« Sans même nous concerter l’une l’autre, notre réaction a été identique à la lecture de la plaquette-invitation qui nous a été adressée à l’occasion de la soirée de Souillac (*) consacrée au marketing-territorial » déclarent Viviane Iragnes-Colin et Catherine Bénazéraf-Morin, toutes deux conseillères municipales à Salviac et conseillères de la communauté de communes de Cazals-Salviac. Avant de faire valoir leurs droits à la retraite, la première a exercé le métier de fonctionnaire territorial et la seconde était enseignante au sein de l’Éducation nationale.

Trop d’écart avec les réalités du quotidien ?

Les deux élues encore toutes tourneboulées en en parlant, portent un jugement sans appel !

Elles déclarent : « On veut bien qu’il faille valoriser notre département, on n’est pas contre bien au contraire, mais faire la promotion du Lot avec un décalage aussi important avec les réalités qui sont les nôtres, ça en devient ridicule ! »

Particulièrement hérissées par les expressions employées dans cette démarche marketing, elles considèrent qu’il s’agit d’une opération de « poudre aux yeux, bien loin de ce que vivent les gens au quotidien, en Bouriane, comme dans bien d’autres zones rurales ».

À la seule lecture de quelques mots-clés relevés ici et là sur cette plaquette, tels « hédonisme », « imaginaire puissant », « naturalité », « attirer des jeunes », « recruter des ambassadeurs »… le sourire le dispute à l’agacement.

« Franchement, la vie au jour le jour sur le terrain est tout autre ! » s’exclament-elles

Elles égrènent quelques données, histoire de faire toucher du doigt les réalités : les transports collectifs n’existent quasiment plus, il faut se battre pour conserver les arrêts de train, les écoles ferment les unes après les autres, le désert médical avance au fur et à mesure que les médecins partent à la retraire…

« Où est l’attractivité du territoire dans tout ça ! » s’indignent-elles.

Renforcer les services publics, avant de faire de la communication ?

Pour l’heure, la communauté de communes Salviac-Cazals est engagée dans une démarche de création d’un centre intercommunal de santé. Côté culturel, Salviac compte une médiathèque et une bibliothèque en réseau fonctionne à travers les 15 communes de l’intercommunalité. Le domaine associatif et sportif reste encore vigoureux, malgré tout.

S’agissant de la démarche d’attirer des jeunes ? « Pensez donc ! Les jeunes fuient, car tout simplement ils sont confrontés aux réalités que nous décrivons » affirment-elles.

Comment attirer des jeunes, là où les services publics s’éteignent ? Quant à l’emploi, les seuls qui recrutent de temps en temps sont l’Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) et l’entreprise agroalimentaire.

Quant à l’idée de recruter des ambassadeurs ? « Pourquoi pas ! Mais quel discours vont-ils pouvoir tenir ? » se demandent-elles.

« Cette campagne de communication, de marketing territorial comme ils l’appellent, nous semble tout à fait hors-sol et ne nous paraît pas pertinente dans les conditions actuelles » lâchent-elles.

Les deux élues estiment que le Département devrait être beaucoup plus à l’offensive qu’il ne l’est sur l’ensemble des sujets touchant la désertification du monde rural. Selon elles, avant de faire de la promotion, il faudrait s’attacher à conforter le tissu des services publics.

« Les Gilets jaunes n’ont pas tort »

Pointant du doigt l’isolement du territoire, les deux élues mettent l’accent sur le handicap que représente l’entretien d’un véhicule, quasiment indispensable pour qui habite à la campagne. Et, ce ne sont pas les déclarations du président de la République qui semblent rassurer les deux élues. « Certes il a fait son mea culpa, il fallait bien calmer le jeu, mais ce ne sont pas les 100 € pour les smicards ou la suppression de la CSG pour les faibles retraites, ni la défiscalisation des heures supplémentaires… qui vont résoudre les difficultés des gens qui n’arrivent pas à boucler leurs fins de mois » assènent-elles. Les questions du pouvoir d’achat, de l’emploi précaire et la perte des services publics, sont considérés comme une double peine pour les habitants du monde rural.

J-C Bonnemère ActuLot

(*) Le lancement de la marque territoriale du Lot « Oh my Lot ! » a eu lieu le 4 décembre à Souillac, réunissant des élus, des entrepreneurs, des responsables d’associations, des membres du comité de pilotage (Département, État, communautés de communes, chambres consulaires, Lot Tourisme…) qui travaillent depuis plusieurs mois à la mise en place de différentes actions pour renforcer l’attractivité du Lot et faire face, en particulier, aux difficultés de transmission des entreprises et de recrutements dans certains secteurs et à la stagnation du nombre d’habitants.