Jean-Marc Vayssouze-Faure, maire de Cahors : «Ce serait une vraie perte pour la démocratie»

Avez-vous constaté sur le territoire régional ce phénomène du «blues des maires» ?

 Oui, c’est incontestable. On s’aperçoit qu’il y a une augmentation du nombre de démissions au niveau de notre région, même si ça peut fluctuer en fonction des départements. Et ce qu’on peut dire, c’est que c’était prévisible : on sent bien qu’il y a une forme de lassitude par rapport aux difficultés auxquelles les maires sont confrontés. C’est en partie un problème sociétal qui fait qu’on en demande toujours davantage à ses élus – et notamment au niveau local – alors que dans le même temps, la tâche des maires s’est complexifiée malgré le fait que ses responsabilités sont toujours engagées. De surcroît, la loi NOTRe de 2015 a privé les maires de certaines prérogatives pour lesquelles les administrés les interpellent toujours. Les maires ont l’impression de ne plus avoir les cartes en main.

Et le contexte financier n’aide pas…

Tout à fait. Il y a eu une baisse importante des dotations de l’État ces dernières années. Aujourd’hui, certes, elles sont gelées, mais l’inflation est toujours là, donc il y a de moins en moins de moyens pour les communes, c’est une évidence. Certains sont vraiment en difficulté, elles ne peuvent plus rien faire, plus rien engager.

Vous sentez aussi un manque de reconnaissance ?

D’une certaine façon, oui… Il ne faut pas oublier que pour la plupart des maires des petites communes, il s’agit d’un travail bénévole. Les rares et petites indemnités qui leur sont accordées passent directement dans l’essence qui leur sert à faire les déplacements nécessaires à l’exercice de leur fonction. C’est une tâche qui demande par ailleurs beaucoup de temps et qui est très rarement compatible avec une activité professionnelle.

Vous craignez 2020 ?

C’est vrai que ça risque d’être difficile en 2020 d’avoir autant de vocations de maire que ce qu’on a pu avoir par le passé et c’est une perte pour la démocratie. On ne mesure pas à quel point les maires peuvent être engagés pour leur commune. Je dis souvent que ce sont les «premiers de corvée». À la moindre difficulté, ce sont eux qu’on appelle, même si les problèmes ne sont pas de leur responsabilité (conflits de voisinage, incivilités, animaux errants, entretien du village…). Leur diminution coûterait très cher à la collectivité ou alors signifierait un affaiblissement important du service public. Donc il faut trouver un moyen d’entretenir cette vitalité.

Quelle solution peut être trouvée ?

Il y a la question du statut de l’élu qui mérite d’être posée. Je ne crois pas qu’ils veuillent davantage de rémunérations, mais simplement davantage de considération et la possibilité d’agir. Aujourd’hui, le couple commune-intercommunalité est sans doute trop déséquilibré. Ce sont les maires qui sont au plus près du terrain. Je considère qu’ils ont un rôle majeur à jouer parce qu’ils peuvent intervenir directement. Ce qui est parlant dans ce sens, c’est aussi que nos élus locaux restent les plus appréciés de la classe politique.

Risque-t-on de voir de plus en plus de communes nouvelles se former ?

Oui, c’est la tendance : des communes qui se regroupent pour en former une nouvelle faute de candidats. Réussir à constituer des listes entières s’avère en effet de plus en plus compliqué.

La Dépêche