La LGV Bordeaux-Toulouse sur les rails mais reportée de 4 à 5 ans

Le gouvernement devrait suivre les conclusions du rapport Duron, remis ce 1er février, qui la classe parmi les chantiers prioritaires

Les pro-TGV vont pouvoir respirer. Après des mois (voire des années) de chaud et de froid sur le projet de Ligne à Grande Vitesse, les élus des régions concernées ont, selon nos informations, reçus ces dernières heures des garanties concernant la construction de la ligne entre Bordeaux et Toulouse, ce qui permettra à terme de relier à grande vitesse la capitale de l’Occitanie à Paris.

« Prioritaire » mais reportée​

Mais cette bonne nouvelle est nuancée par l’annonce imminente du gouvernement de reporter ce chantier, tout de même classé « prioritaire », de 4 à 5 ans, selon nos informations.

Ce n’est pas satisfaisant (Carole Delga)

« Cela n’est pas satisfaisant » a indiqué la présidente de la région Occitanie Carole Delga à France 3 Midi-Pyrénées. Elle réclame un rendez-vous avec le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, qui selon elle « doit trancher dans ce dossier » et imposer que les délais soient respectés. Une position sur laquelle elle est rejointe par Jean-Luc Moudenc le maire de Toulouse et président de Toulouse Métropole, a indiqué son cabinet à France 3.

Ce nouveau report est donc à la fois une bonne nouvelle pour ceux qui « poussent » derrière la LGV et un nouveau coup dur car depuis que le projet est lancé, son échéance a été repoussée à plusieurs reprises. En 2004, alors maire de Toulouse et président du Grand Toulouse, Philippe Douste-Blazy avait obtenu de son ami ministre des Transports Dominique Bussereau que la LGV arrive à Toulouse en…. 2015 !

Le gouvernement de Manuel Valls avait validé le projet et la date de mise en service théorique était de 2024. Mais après les élections de 2017, Emmanuel Macron et le gouvernement ont annoncé un gel des projets parce que l’argent manque pour tout faire : les grandes infrastructures d’un côté, les transports du quotidien de l’autre.

Tronçonnée en petits morceaux ?​

Ce que dit le rapport Duron c’est que les secteurs les plus prioritaires dans le dossier de la LGV Bordeaux Toulouse sont les noeuds ferroviaires au sud de Bordeaux et au nord de Toulouse. Mais quid de la partie centrale entre le Lot et Garonne et le sud de Montauban ? Le risque c’est de tronçonner la LGV en petits morceaux ce qui produirait un retard sur la livraison finale : un scénario que refuse Jean-Luc Moudenc qui veut que le chantier se mène d’une traite.

Après des mois de tergiversassions…

Les signes donnés alors par Nicolas Hulot et Elisabeth Borne, les ministres en charge du dossier, étaient plutôt négatifs. Mais le rapport du conseil d’orientation des infrastructures présidé par Philippe Duron classe finalement la LGV Bordeaux Toulouse dans les projets prioritaires et le gouvernement pourrait suivre ses conclusions. Ce qui n’est pas le cas en revanche de la LGV Montpellier-Perpignan qui serait ainsi enterrée. Toutefois, au ministère des transports, on rappelle que rien n’engage le gouvernement à suivre point par point les recommandations du rapport Duron.

Suspens donc, avec aussi la question du délai pour mettre Toulouse à 3h10 de Paris. 2028, 2029, 2030 ? Les élus locaux et régionaux veulent mettre la pression sur le chef de l’Etat et sur le gouvernement pour que ce délai soit ramené à une date plus proche que celle qui était prévue jusqu’à présent.

France3


Soupirs de soulagement du côté des opposants à l’A45 entre Lyon et Saint-Etienne, grincements de dents chez ceux qui luttent contre le Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) ou le contournement est de Rouen. Telles pourraient être les premières réactions à la lecture du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), dévoilé ce jeudi 1er février à 10 h et très attendu des réfractaires aux grands projets inutiles et imposés – autoroutes sur des terres agricoles, ligne à grande vitesse écartelant forêts et zones humides, et autres chantiers titanesques destructeurs de biodiversité. « Tout n’est pas possible, il faut choisir, définir des priorités parmi les projets nombreux espérés par les territoires », a rappelé Philippe Duron, président du CIO, en introduction de cet épais document de 180 pages consacré à l’entretien et au développement des infrastructures de transport ces vingt prochaines années

Télécharger le rapport Duron

Extrait du Rapport Duron
Le rapport du Conseil d’orientation des infrasuctures

Le rapport se donne plusieurs lignes directrices : la modernisation des « transports du quotidien » très dégradés, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (une obligation de la loi de transition énergétique), le tout avec un budget contraint. Partant de là, il propose trois scénarios correspondant à trois niveaux de dépense, du plus bas au plus élevé, et qui conditionnent directement l’avenir des grands projets d’infrastructures :

Le scénario 1 prévoit d’affecter 48 milliards d’euros en vingt ans à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), soit 2,4 milliards d’euros par an. Ce budget, en hausse de 25 % par rapport à la période 2012-2016, reste néanmoins insuffisant pour remettre en état les infrastructures existantes. Surtout, il exige de mettre en pause tous les grands projets pour encore cinq à dix ans, et repousse ainsi leur achèvement à 2050 environ.

- Le scénario 2, « bâti pour permettre de satisfaire les priorités fixées par le président de la République », accorde 60 milliards d’euros en vingt ans à l’AFITF – une hausse de 55 % par rapport à 2012-2016. Il permettrait « d’améliorer les mobilités du quotidien pendant une dizaine d’années à un niveau d’ambition élevé » et d’avancer dans les premières phases des grands projets. Plusieurs possibilités de nouvelles recettes sont étudiées pour rendre cette trajectoire possible : affectation d’une part plus importante de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE – la taxe appliquée à la pompe pour le gazole et l’essence sans plomb notamment) à l’AFITF, application plus stricte du principe de pollueur-payeur, notamment pour les poids lourds et les utilitaires, moindres subventions aux transports en commun, etc.

- Le scénario 3, avec 80 milliards d’euros en vingt ans à l’AFITF – soit un doublement du budget 2012-2016 – permettrait de réaliser tous les grands projets tout en tenant les objectifs de modernisation de l’existant. Mais « la majorité du conseil s’interroge sur la possibilité d’atteindre un tel niveau de dépenses dans le cadre financier et budgétaire que connaissent actuellement l’Etat et les collectivités territoriales appelées à financer environ à parité ces projets ».

Plusieurs projets — Lyon-Turin, GCO de Strasbourg, Canal Seine Nord — passés à la trappe

extrait de Reporterre