La permaculture à Pontcirq

Rencontre avec deux jeunes du Lot, installés à Pontcirq, de l’association Unis Vers Terre.

Née dans les années 1970 en Australie, cette technique agricole qu’est la permaculture, a peiné à se faire une place en France. Or, ces dernières années, un nombre croissant de jeunes sont séduits par cette démarche et même des agriculteurs, visant l’autosuffisance alimentaire. Rencontre avec un couple installé à Pontcirq, membres de l’association Unis Vers Terre.

Diplômée de l’École supérieure de commerce de Paris, Émilie Galan a travaillé à l’international, avant de faire de la permaculture, un choix de vie. Avec Clément son compagnon, ils font partie de l’association Unis Vers Terre et sont installés à Pontcirq, au lieu-dit La Bouyssette, une clairière, en pleine forêt. Le couple habite une maison en ossature bois, dominant les 6 000 m2 de jardin, comptant une centaine d’arbres, 300 petits fruits, de nombreuses variétés de légumes, quelques pieds de vigne : un système agro-forestier.

 Comment définissez-vous votre jardin ?

Nous nous spécialisons en matière de plantes sauvages comestibles. Le jardin totalise plus d’un millier de variétés de plans, dont de nombreuses espèces mises à l’honneur, telles le salsifis sauvage par exemple, une plante méconnue, pourtant comestible depuis les fleurs jusqu’à la racine. En France, nous jouissons d’un biotope abondant avec un large éventail de plantes comestibles mais oubliées. L’agriculture traditionnelle a sélectionné les plantes par rapport à leur goût et non pas pour leurs propriétés. Ceci est bien dommage, car on compte de multiples plantes médicinales parmi les plantes sauvages ; des plantes bienfaisantes pour notre organisme.

Comment avez-vous procédé pour installer votre jardin ?

Nous avons commencé par planter des arbres fruitiers, en vue de réaliser « un jardin forêt », c’est-à-dire un jardin où est atteint un équilibre entre toutes ses composantes. Certes, ceci demande d’importants aménagements au départ.

« La rentabilité financière n’est pas la motivation qui conduit notre action »

Quels types d’aménagements ?

Nous avons épousé la configuration du terrain, avec une pente de l’ordre de 10 % en construisant un bassin de rétention d’une soixantaine de mètres cubes, nous permettant d’irriguer le jardin par gravité, avec des bassins et une mare, reliés entre eux ; les trop pleins se déversant les uns dans les autres. Nous avons créé des « Bessières », c’est-à-dire des fossés sur les courbes de niveaux. Le fossé est suivi d’une butte, sur laquelle sont plantés des arbres. L’hiver, plutôt que laisser l’eau ruisseler et drainer avec elle toute la matière organique, celle-ci est retenue dans les fossés et alimente les racines des arbres fruitiers.

D’où cet aspect général de jardin étagé ?

Exactement ! Nous avons l’arbre fruitier, les petits fruits, les plantes aromatiques, les plantes tapissantes, sans oublier les légumineuses, les plantes médicinales et quelques-unes ornementales. La disposition de ces plantes est censée favoriser la faune pour la biodiversité ; avec des chenilles, des vers, des larves, des coléoptères. Et puis il y a les fourmis, les abeilles et tous les pollinisateurs, les araignées, les sauterelles, les coccinelles, des punaises qui vont consommer les pucerons… Sans oublier les vers de terre, les digesteurs de nos sols.

Comment est organisé ce jardin ?

On ne dit pas : « Ici je veux ceci, là-bas je veux cela ». Il convient d’implanter les différentes essences en fonction de la nature et de l’exposition du terrain. Par exemple, côté nord, nous avons misé sur des végétaux qui supportent bien l’humidité, comme la sauge, les petits fruits, les consoudes, les blettes, de la menthe… Sur la zone la mieux abritée, nous avons opté pour des amandiers, des oliviers et des pacaniers. Un peu plus loin, on trouvera des noisetiers, des argousiers, des caraganas… Il y a aussi des fixateurs d’azote, tels des éléagnus, des féviers d’Amérique… Nous avons choisi certaines essences d’arbres en tant que fruitiers et d’autres pour le mulch destiné aux parcelles cultivées et favoriser le développement des autres arbres. Nous avons implanté du thé de moine de Crète, offrant des propriétés multiples, un antioxydant permettant notamment de soigner la maladie d’Alzheimer, combattre certains cancers…

Est-ce que vous arrivez à en vivre de tout ce travail ?

La rentabilité financière n’est pas la motivation qui conduit notre action. Pour l’instant, nous sommes dans « le don au vivant ». Nous serons bientôt en mesure de confectionner des produits cosmétiques, tels des baumes de consoude, des baumes à base de roses, des tisanes… Quant aux légumes, pour l’heure nous sommes principalement sur de la production domestique et réservée aux activités de l’association. Nous arrivons à vivre de ce que nous réalisons, parce que nous avons appris à réduire nos besoins.

Diriez-vous que vous êtes heureux de vivre ainsi ?

Oui, nous le sommes ; satisfaire nos besoins et échanger avec le reste du monde ! Ne pensez pas que nous soyons seuls. La permaculture se développe à l’échelle mondiale. Même au niveau du Lot, les initiatives se multiplient en ce domaine. De nombreuses personnes viennent nous voir. On peut inclure dans notre démarche ceux qui sont attentifs à recourir le moins possible aux emballages. Pour notre part, nous cherchons à atteindre la démarche 0 déchet au quotidien.

Quelles vont être les productions, que vous allez commercialiser ?

En attendant que les arbres fruitiers produisent, nous prévoyons de développer la confection de biscuits déshydratés et de fruits déshydratés. Nous ne ressentons pas la nécessité de produire, dans la mesure où les poubelles des supermarchés sont pleines. Personne ne manque de ce que nous ne produisons pas. Cependant, nous souhaitons nous orienter vers une petite production de fruits séchés, dans la mesure où il est tout de même aberrant de trouver sur le marché bio, des figues de Turquie, alors que la production dans le Lot est abondante.

Vous avez un rêve en tête ?

Oui, faire en sorte, avec le concours des mairies et des particuliers, que les espaces laissés en friche à travers les communes environnantes, soient recouverts d’arbres fruitiers, cela donnerait une sécurité alimentaire pour toute la région. Par rapport à la rétention de l’eau, il faut se souvenir que les arbres, la forêt, créent des masses d’eau qui restent sur place. L’arbre permet de remédier à la sécheresse ; planter des arbres c’est un engagement fort envers l’avenir.

JEAN-CLAUDE BONNEMÈRE

Contact : association Unis Vers Terre – www.unisversterre.wordpress.com  – asso.unisversterre@gmail.com

Plusieurs possibilités pour découvrir la permaculture
« Les personnes qui suivent nos stages apprennent des méthodes agricoles qui ne font pas appel au labour, qui préservent les vers de terre et toute la vie du sol.
Nous utilisons le jardin comme support pédagogique pour mener des activités de formation. Nous répondons aux invitations des écoles, pour enseigner aux enfants, la greffe des arbres. Nous proposons également d’autres types d’ateliers, tels des séances de filage, pour que les enfants prennent conscience de ce qu’est un tissu.
À l’intention des adultes, nous organisons des sorties plantes sauvages comestibles. Deux formations sur la permaculture sont proposées, dont l’une est un cours certifié de permaculture, ce qui signifie que la personne repart avec un diplôme. Il s’agit d’une formation étalée sur 15 jours (dont un jour de repos). L’enseignement embrasse tous les sujets depuis l’habitat, jusqu’à la ressource en eau, en passant par la biodiversité, les rapports humains… L’idée n’est pas de s’installer tout seul dans son coin et de rejeter le monde, mais de créer du lien. L’objectif est de favoriser la biodiversité dans tous les domaines ; dans le jardin et aussi entre les individus.
Le deuxième grand stage dure une semaine, sur le thème de la permaculture humaine. Il s’agit de mener des expériences sous forme de jeux, de discussions… par groupe de 12 à 15 personnes. Durant le stage, les participants deviennent auto-gestionnaires du lieu, ce qui leur permet de se rendre compte en quoi consiste concrètement ce choix de vie que nous menons. Dans un second temps, ils vont explorer leur relation au groupe, voir comment ils vivent individuellement, comment cela se passe intérieurement pour chacun d’eux, en fonction des sujets abordés. Le travail porte également sur des outils d’organisation collective. » Émilie Galan
Prochaines activités : introduction à la permaculture humaine du 17 au 23 juin ; en juin-juillet, activités nature – zéro déchets (parents-enfants) ; cours certifié de design en permaculture du 15 au 28 juillet.

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