Le béguinage: Faire passer l’humain d’abord

Béguinage de Courtrai

Le conseil communautaire du Grand Cahors a lancé une étude sur un nouvel habitat pour les seniors. Il serait plus adapté et collectif, sur le modèle de ce qui existe dans le nord de la France et en Belgique.

Le Grand Cahors voit sa population vieillir. Les cheveux gris sont de plus en plus nombreux ; en 2030, 40 % des habitants auront plus de 60 ans. C’est avec cette réalité démographique bien en tête, que les élus du Grand Cahors réunis lundi soir en conseil communautaire à Calamane, ont traité de la problématique du logement pour les seniors. Souhaitant sortir des schémas connus, la communauté d’agglomération est allée chercher un modèle d’habitat collectif dans le nord de la France. Le béguinage, qui a redonné aux corons une nouvelle utilité et une âme, serait la troisième voie à étudier pour le Grand Cahors. «Aujourd’hui, pour les personnes âgées, il n’y a que deux options : le maintien à domicile ou l’accueil dans un établissement médicalisé pour les personnes dépendantes, dans un Ehpad. N’y a-t-il pas un échelon qui manque, qui pourrait faire le lien et générer de l’innovation ?» s’interroge Jean-Marc Vayssouze, le président du Grand Cahors. Poser la question c’est y répondre. La forme que pourrait prendre cette structure médiane privilégierait un habitat collectif, adapté aux seniors, plutôt en rez-de-chaussée ou équipé d’ascenseurs, un habitat dans lequel les locataires se sentiraient plus en sécurité et bénéficieraient d’une animation collective.

«Les élus du Grand Cahors» comme le fait remarquer leur président, doivent «défricher un champ» pour trouver la solution innovante. «Les opérateurs, on les connaît, les bailleurs sociaux, les mutuelles aussi. L’étude est lancée, on entre dans la phase diagnostic, on peut avoir des projets à court et moyen terme», assure Jean-Marc Vayssouze.

Alors que la formule des logements foyers a vieilli, les élus communautaires ont bien l’intention de revisiter les anciennes maisons de retraite. Le béguinage du Nord calqué à l’habitat quercynois. Pourquoi pas, si, en prime, il y a du lien et de la convivialité.

La Dépêche


La fermette aux bleuets, précurseur du béguinage

Une forme d’habitat regroupé, ouverte sur l’extérieur, qui fait la part belle au vivre-ensemble et à l’intergénérationnel.

Depuis la fin des années 90, de nombreux bailleurs sociaux du nord de la France se sont lancés dans l’ouverture de béguinages.

Située dans le village rural de Lambres-lez-Douai (5000 habitants), la Fermette aux bleuets se caractérise, comme tous les béguinages, par un ensemble de maisons individuelles réparties autour d’une cour, avec une salle commune qu’on appelle ici salle de convivialité, et une hôtesse pour veiller sur les résidents. Autre élément essentiel : bien qu’il constitue un environnement protégé, le béguinage se situe toujours au cœur du village et doit être ancré dans le tissus local, car la formule vise avant tout à lutter contre l’isolement des personnes âgées qui, bien qu’elles soient aidées, doivent demeurer autonomes.
Avec ses 16 maisons individuelles en brique rouges de plain pied (de type 2 : cuisine + sejour + chambre ; et de type 3 : avec une chambre supplémentaire) pouvant accueillir chacune une personne ou un couple, la Fermette compte 16 locataires (14 femmes et deux hommes, âgés de 73 à 97 ans). Ils sont tous retraités, autonomes et proviennent, pour la très grande majorité, du village ou de ses alentours. La moitié d’entre eux sont d’anciens propriétaires qui, en prenant de l’âge, ont décidé de vendre leur maison devenue trop grande.

L’hôtesse : âme du béguinage
Présente en permanence, l’hôtesse du béguinage a pour rôle de veiller sur les résidents, de rendre de menus services et de faire de l’animation. Sa relation particulière avec les aînés est essentielle au fonctionnement du béguinage. Pour nombre de résidents, elle fait partie de la famille. C’est pourquoi chez Floralys, l’embauche des hôtesses ne se fait pas en fonction de leur formation, mais avant tout en fonction de leur cœur, de leur disponibilité et de leur écoute envers les aînés. Elle doit également être bien introduit dans la commune, le tissu local et bien comprendre les us et coutumes.
Chaque matin, l’hôtesse fait le tour des logements pour voir si tout va bien et si les résidents ont besoin d’elle pour les accompagner faire leur courses, les aider dans leurs démarches administratives, les emmener chez le médecin quand la famille ne peut pas le faire (la priorité est toujours donnée aux enfants, c’est seulement s’ils ne peuvent pas accompagner leur parent que l’hôtesse prend le relais). En effet, ici il n’y a pas de prise en charge médicale : les résidents sont suivis par leur médecin traitant. Ils peuvent également faire appel à des aides à domicile pour les soutenir dans leurs tâches quotidiennes. Car que se soit la lessive, le ménage ou les repas, chacun s’occupe de ses propres tâches ménagères.
L’après-midi l’hôtesse organise des sorties (ballades, théâtre, cinéma) ou des activités au sein de la salle commune (cela va de la belotte aux activités avec les enfants du village) auxquelles les résidents sont libre de participer. Dans les faits, sur les 16 locataires de la Fermette aux bleuets, ils sont toujours 14 en moyenne à être présents aux activités.
Mais chacun reste libre de toute contrainte car il s’agit avant tout de locataires. Ils peuvent donc se lever à l’heure qu’ils souhaitent, inviter des amis, partir en vacance’

Attribution des places
La seule obligation qu’ont les résidents, c’est d’être autonomes et sociables. Avant chaque arrivée, l’équipe de Floralys rencontre le futur locataire pour constater son autonomie et pour vérifier qu’il est bien en adéquation avec le concept du béguinage et de sa vie en collectivité.
Pour ce qui est des logements, les places sont attribuées par une commission d’attribution selon des critères de revenus, car il s’agit de logements sociaux. Ainsi, les loyers restent largement plus abordables que ceux d’une maison de retraite : compris entre 350 et 400 euros, selon la taille du logement (deux ou trois pièces). Auxquels il faut ajouter 150 euros mensuels pour les frais liés à l’hôtesse et aux activités. C’est Norevie, propriétaire du bâti qui s’occupe de la gestion locative. La coopérative HLM Floralys s’occupe quant à elle de l’accompagnement des personnes âgées à travers notamment l’embauche des hôtesses.

Une mission : créer du lien
La première motivation des résidents qui s’installent, c’est le refus de l’isolement. C’est pourquoi le béguinage cultive l’ouverture sur l’extérieur en travaillant notamment en partenariat avec l’école, la crèche et la MJC de Lambres-lez-Douai.
Une fois par semaine, les résidents reçoivent ou rendent visite aux bambins de la crèche : aînés et enfant, assis sur leurs genoux, jouent, chantent et dessinent ensemble. Au fil du temps, des liens forts se tissent entre les générations. Certaines deviennent même des mamies d’adoption.
Des rencontres chaleureuses sont également organisées, au sein du béguinage ou à l’extérieur, avec les enfants de l’école primaire. Les aînés confectionnent des masques, des sacs, font de la peinture’, avec les enfants. Ils rencontrent également les jeunes et les autres habitants. Carnaval, fêtes de noël, pique-nique’, toutes les occasions sont propices aux échanges intergénérationnels.
En interne aussi, la part belle est faite au lien social. En plus des activités quotidiennes, les aînés se retrouvent une fois par mois autour d’un repas préparé par l’hôtesse, toujours aidée dans cette tâche par plusieurs résidentes volontaires.

La plupart des locataires finissent leurs jours au béguinage, les autres, devenus dépendants, sont orientés vers des Ehpads. A la fermette, entre 1997 et 2012, seuls quatre résidents ont été orientés vers un Ehpad. Sur les 300 logements que compte Norevie en béguinage, on compte une trentaine de sorties chaque année : à peu prés 65% concernent des décès, les 45% étant des entrées en Ehpad.

Un modèle duplicable ‘

Situé à la jonction entre le domicile et la maison de retraite, le béguinage est beaucoup plus simple à mettre en place que cette dernière car il n’a pas à faire face aux difficultés de l’agrément.
Bien que cette forme d’habitat groupé s’adapte bien à la culture du Nord où la solidarité est une tradition, beaucoup pensent qu’il peut être dupliqué ailleurs en France. C’est d’ailleurs déjà le cas en Lorraine, en Franche-Comté et en Seine-et-Marne. Il peut également s’élargir à d’autres publics comme le béguinage de la ferme de Rouzé à Willems (consulter fiche Apriles sur le sujet).
Il existe cependant des contraintes foncières : le béguinage étant un ensemble de logements individuels, donc nécessitant un terrain spacieux, il suppose un foncier abordable, donc plutôt situé dans des bourgs ou des villages.
Cependant, en novembre 2012, Floralys a ouvert un béguinage ‘vertical’ en centre ville de Douai. La formule qui n’était mise en place qu’en milieu rural devient donc transposable en ville, sur un foncier plus restreint. Mais il faut adapter le profil de l’hôtesse et les animations au public citadin. Il en est de même en fonction de l’âge des résidents : dans les béguinages les plus anciens, occupés par des personnes plus âgées, les activités ne sont pas les mêmes que dans des béguinages où les publics sont plus jeunes, avec d’autres envies.
Pour encadrer le dispositif béguinage, Floralys rédige d’ailleurs un label avec le conseil général du Pas-de-Calais, histoire de poser les fondamentaux sur papier : toujours s’appuyer sur une hôtesse, être en centre ville et ancré dans la commune’

Impact(s) :
– Pour les personnes âgées autonomes, le béguinage constitue une solution d’hébergement située à mi-chemin entre le domicile et la maison de retraite. Son prix pour les résidents est d’ailleurs bien plus abordable que celui d’une maison de retraite.
– Le béguinage permet aux personnes âgées de ne pas être isolées géographiquement et socialement.
– Il contribue à tisser des liens intergénérationnels avec les habitants du village.
– On peut supposer que ce type d’habitat partagé contribue au maintien dans l’autonomie des personnes âgées. La plupart des locataires finissent d’ailleurs leurs jours au béguinage. A la fermette, entre 1997 et 2012, seuls quatre résidents ont été orientés vers un Ephad. Sur les 300 logements que compte Norevie en béguinage, on compte une trentaine de départs de locataires chaque année : à peu prés 60 à 65% concernent des décès, les 35 à 40% étant des entrées en Ephad.

Partenaire(s) :
Commune de Lambres-lez-Douai, Caisse des dépôts et consignations.

Moyens :
Les loyers sont compris entre 350 et 400 euros, selon la taille du logement (deux ou trois pièces), ils sont perçus par le bailleur social Norevie qui s’occupe de la gestion locative et de la construction du bâti.
Il faut y ajouter 150 euros mensuels par personne pour les frais liés à l’hôtesse et aux activités. Ces sommes sont perçues par Floralys qui s’occupe de l’accompagnement des résidents.

Apriles


Démarche participative chez Béguinage et Cie

Pour instaurer une vraie dynamique de groupe, maintenir l’intérêt et renforcer les liens entre les habitants, Béguinage et Cie a adopté une démarche participative.

« En amont de l’ouverture du béguinage, les futurs habitants se rencontrent toutes les deux semaines pendant 9 mois, pour définir ensemble leur futur mode de vie. Une véritable implication des premiers concernés, qui permettra, ensuite, de faciliter le quotidien au sein du béguinage.

Le premier de ces habitats regroupés nouvelle génération devrait ouvrir ses portes fin 2018.

agevillage


Béguinages flamands