Le journal Le monde rapporte l’expérimentation du Lot

Dans le Lot, les services publics se déplacent en camping-car

Cette expérimentation a été lancée dans treize villages éloignés des administrations

 

Le camping-car a fait une halte à Saint-Pierre-Lafeuille, petit village du Lot situé non loin de Cahors. Les deux agents publics qui l’animent, Claire Vonarb et sa collègue, Lori Soulé, ont installé leur ordinateur portable sur une table de jardin, avec quelques chaises, à l’ombre des arbres. Le matin même, elles étaient à Cours, un bourg situé à dix kilomètres,  » sur le causse « . Le véhicule qui permet ces pérégrinations est un vrai camping-car que l’Etat a acheté pour lancer cette opération inédite d’administration itinérante. L’idée est simple :  » C’est un moyen de rapprocher les gens de l’administration, explique le maire de Saint-Pierre-Lafeuille, Joël Gilbert. Dans nos petits villages, il y a tellement de services publics qui sont partis… « 

 » Ne jamais dire non « Le  » car des services publics  » n’est qu’un des éléments d’une démarche d’ensemble, lancée en décembre  2017, dans le Lot, par le premier ministre. Lors de ce déplacement, Edouard Philippe a proposé à tous les acteurs du territoire de  » repenser entièrement le service public en partant des besoins de la population locale « . Plusieurs idées ont émergé de ce travail collectif et les expérimentations ont débuté en octobre. Ainsi, Pôle emploi va prendre en charge les ressources humaines de petites entreprises. Les moyens de transport alternatifs et fondés sur la solidarité locale seront également rendus plus accessibles. Et le  » car des services publics  » a donc débuté ses tournées.

Treize villages des environs de Cahors ont été sélectionnés. Le camping-car s’y rend deux fois par mois et se gare une demi-journée près de la mairie. Les deux agentes qui l’utilisent sont polyvalentes.  » Le principe, c’est de ne jamais dire non”, explique Claire Vonarb, même si on réoriente la personne vers le service qui pourra l’aider. «  Et c’est le cas pour ce monsieur, qui veut savoir si ses chats pouvaient, oui ou non, être considérés comme  » divagants alors qu’ils ne se déplacent pas à plus de cent mètres de chez moi « . Ou de cette autre personne, qui a  » un problème de fosse septique « . Mais, le plus souvent, il s’agit d’obtenir des renseignements sur une allocation, de régler un problème avec Pôle emploi ou de lancer les démarches pour changer une carte grise.

Pour ces villageois, il faut se déplacer à Cahors pour rencontrer l’administration.  » Quand on a des enfants, on est vite coincés, note Mme Gouasdon. C’est comme pour les personnes âgées. Aller à Cahors, c’est compliqué : il faut avoir un rendez-vous, prendre la voiture, puis le parking, une heure de file d’attente avec quatre enfants… Tout ça pour obtenir une réponse à une simple question. «  Certes, il y a Internet. Une technologie parfois excluante.  » Les formalités sur l’ordinateur, j’y arrive pas, reconnaît Mme Gouasdon, c’est trop compliqué. J’ai besoin d’avoir quelqu’un en face de moi qui m’explique. «  C’est aussi le cas, souvent, des personnes âgées.  » Elles me disent : “Je ne sais pas faire et je ne veux pas qu’on le sache” « , témoigne Joël Gilbert.

Lorsqu’il a dû monter son dossier de retraite, Michel Chastrusse, 64 ans, a eu toutes les peines du monde à obtenir en ligne une attestation de la caisse de retraite :  » On n’y est pas arrivé, se souvient-il. A un moment, il fallait un code confidentiel et là, c’était terminé… Impossible de l’avoir. Il a fallu que la mairie m’aide, mais il y avait de quoi se faire un ulcère. «  Internet ne lui fait pas peur, pourtant.  » J’arrive à me débrouiller, assure le jeune retraité, habitant de Cours. Le problème, c’est que je n’ai pas les moyens de m’acheter un ordinateur et que, de toute façon, j’habite en bout de ligne. Le technicien a dit que c’était pas rentable et que la ligne ne serait donc jamais modernisée. «  Ce jour-là, il est venu au  » car  des services publics  » pour avoir des renseignements sur la manière de procéder lorsqu’il aurait de nouveau des justificatifs à produire.

L’expérimentation s’achèvera en janvier  2019. Un bilan sera tiré.  » Si ça ne marche pas, ça ne marche pas ! On revendra le camping-car… « , explique Jean-Marc Vayssouze-Faure. Mais le maire PS de Cahors, qui préside la communauté d’agglomération, est persuadé du contraire. C’est d’ailleurs bien pour cela qu’il soutient activement ce projet, qui coûtera 35 000  euros la première année, dont la moitié est assumée par l’Etat et l’autre moitié par l’intercommunalité.  » Le besoin est là, c’est une évidence « , estime M. Vayssouze-Faure.

Benoît Floc’h

 

Le bus des services publics à la rencontre de la population