Nocifs pour la santé, les produits phytosanitaires sont-ils en recul dans le Lot?

pesticide3Le vignoble lotois s’étend sur environ 22 000 hectares. Les vignes sont souvent voisines d’habitations, d’écoles. Nocifs pour la santé, les produits phytosanitaires sont-ils en recul ? Comment leur recours systématique est-il remis en question ?

 Les pesticides interviennent depuis des années dans la culture de la vigne. L’impact de ces produits sur la santé des agriculteurs et des riverains est certain, comme s’en est alertée l’association Générations Futures fin avril, en publiant une carte des victimes de pesticides. Dans le département voisin de la Corrèze, la préfecture publiera dans les semaines à venir un arrêté préservant du risque d’exposition aux pesticides les établissements accueillants des personnes vulnérables. Qu’en est-il dans le Lot ?

En 2008, le ministère de l’Agriculture a entamé une lutte contre l’usage des produits phytosanitaires, annonçant des objectifs ambitieux, parmi lesquels réduire de moitié leur quantité d’ici 2025, avec un palier intermédiaire de 25 % en 2020. Cinq ans après, la part des produits phytosanitaires n’avait pas baissé. Elle avait même augmenté : plus 5 % entre 2009 et 2013.

Le plan Écophyto

Le 19 avril, le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll a entériné la phase opérationnelle du plan Écophyto 2, dont l’arsenal d’actions se veut plus efficace que le premier. Une enveloppe de 30 millions d’euros par an s’ajoute aux 41 millions déjà octroyés pour aider les agriculteurs à réduire leur consommation de pesticides.

La chambre d’agriculture du Lot annonce être en attente des décrets d’application pour chacun des six axes du plan. Directrice adjointe à la direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt en Midi-Pyrénées (Draaf), Catherine Pavé assure que «le plan Écophyto 2 s’efforce de faire évoluer les pratiques en matière de pesticides en se concertant avec les professionnels».

Un des axes du plan Écophyto prône le développement du réseau de fermes Dephy. Ce dispositif permet de fédérer des agriculteurs voulant s’inscrire volontairement dans un système économe en pesticides. Un réseau est en cours de création dans la filière viticole lotoise. Un appel à projet a été lancé et une réunion de présentation s’est tenue lundi 25 avril à Anglars-Juillac.

Bientôt un réseau Dephy dans le Lot ?

Huit exploitations viticoles lotoises et deux du Tarn-et-Garonne se sont portées candidates pour former un réseau de fermes Dephy. Un groupement qui rassemblerait quatre appellations vinicoles, ainsi que des producteurs bio et conventionnels. Le dossier de candidature a été déposé auprès du ministère le 13 mai, pour une réponse mi-juillet. Ce premier réseau Dephy du Lot peut servir de base pour d’autres, et doit contribuer à la mutation de la filière viticole sur les cinq années à venir. «Le réseau tend à créer une émulation technique grâce à des fermes pilotes» déclare Vincent La Mache, conseiller viticole à la chambre d’agriculture. Le progrès technique est une des clés de l’usage raisonné des pesticides. Une étude réalisée par des chercheurs de Montpellier entre 2007 et 2009 démontre que les pertes de produits phytosanitaires dans l’environnement oscillent entre 40 % à 80 % selon l’état de développement de la vigne. Autrement dit, seulement 20 % à 60 % des pesticides appliqués atteignent le végétal. L’optimisation des technologies de pulvérisation est donc primordiale. «Le 8 juillet, nous ferons une démonstration de pulvérisateurs en partenariat avec la ferme expérimentale d’Anglars-Juillac», annonce Vincent La Mache. Des pulvérisateurs plus performants, et avec lesquels les pesticides s’échappent peu dans l’air ambiant. En 2013, une étude de l’Oramip, l’observatoire de la qualité de l’air en Midi-Pyrénées, révélait la présence de plusieurs de ces molécules à Douelle. «C’était lié à la dérive avec le vent et les anciens pulvérisateurs. Il n’y en a quasiment plus aujourd’hui. Il y a aussi une vitesse de vent légale, au-delà de laquelle il est interdit d’épandre des pesticides», explique le conseiller viticole.


Quels contrôles ?

Comment contrôle-t-on le bon respect du plan Écophyto ? Catherine Pavé, directrice adjointe de la Draaf Midi-Pyrénées, répond : «Le certiphyto est le premier niveau de suivi. Ensuite, nous vérifions les traitements, les produits utilisés et les doses appliquées, nous regardons comment sont stockés les produits phytosanitaires», précise-t-elle. Sur une année, le programme de contrôle de la Draaf concerne 40 à 50 agriculteurs du Lot, plus les distributeurs de pesticides. «Au minimum 1 % des demandeurs d’aide de la PAC sont contrôlés chaque année», confie Catherine Pavé.


Certiphyto et CEPP : informer pour mieux lutter

Les certiphytos constituaient l’instrument principal du premier plan Écophyto. Au 1er octobre 2015, toute personne utilisant des produits phytosanitaires dans son activité professionnelle devait être titulaire de ce certificat, obligatoire pour acheter et user de ces produits. «À chaque métier correspond un certificat. Il faut suivre une formation obligatoire de deux jours pour l’obtenir» explique la chambre d’agriculture. Celle-ci a formé plus de 2 000 agriculteurs lotois, dont beaucoup issus du domaine viticole, pour autant de certificats délivrés. «La formation se décompose en quatre demi-journées. Nous sensibilisons les professionnels aux équipements de protection, à limiter l’impact des pesticides sur l’environnement. Nous présentons la réglementation et les pratiques alternatives aux produits phytosanitaires» détaille-t-elle.

Douze conseillers agricoles de la chambre d’agriculture ont assuré les formations certiphytos, quasiment terminées dans le département.

Le plan Écophyto 2 va ramener la durée de validité des certiphytos à cinq ans au lieu de dix, et va surtout instaurer les certificats d’économies de produits phytosanitaires (CEPP). Ce nouveau dispositif vise essentiellement les vendeurs, mais son application semble encore coincer. «Les CEPP sont encore en négociation. Les distributeurs et les agriculteurs considèrent que c’est une trop grande contrainte pour le moment», précise Catherine Pavé, directrice adjointe à la Draaf. Pourtant, le comité d’orientation stratégique du plan Écophyto 2 a avancé sur ce point le 19 avril. À compter du 1er juillet, les vendeurs de produits phytosanitaires devront promouvoir l’utilisation raisonnée de ces substances auprès des agriculteurs, afin de réduire de 20 % leurs ventes sur les cinq prochaines années. «On ne peut pas dire à ce stade si cet objectif sera tenu», avoue Johann Sarcy, du groupe Capel qui figure parmi les gros distributeurs de produits phytosanitaires du Lot. «Nos ventes de pesticides ont diminué de 10 % ces dernières années et de 14 % l’an dernier. Tout cela est dû à une prise en compte des méthodes alternatives et de l’environnement», explique-t-il.

Une baisse provoquée aussi par une fréquence de traitement plus raisonnée. La chambre d’agriculture du Lot explique que celle-ci s’est réduite ces dernières années, notamment avec la création du bulletin de santé du végétal. Celui-ci informe, par filières agricoles, des maladies en vigueur et des phases de traitement à suivre, et s’inscrit dans la surveillance biologique du territoire.


«Il y a un renouveau de générations»

L’objectif de réduction de 50 % d’ici 2025 des produits phytosanitaires fixé par le plan Écophyto est très ambitieux. Il symbolise aussi une certaine urgence à agir. «Ce sera compliqué car les agriculteurs ont leurs habitudes. Mais cet objectif peut être tenu, car la filière viticole est en pleine mutation. Elle n’a rien à voir avec celle d’il y a vingt ans», affirme Vincent La Mache. «Il y a un renouveau de générations, une prise de conscience. On va de plus en plus vers une viticulture raisonnée», conclut le conseiller viticole.

Pour Catherine Pavé, un problème subsiste : «De nouvelles maladies apparaissent régulièrement, donc de nouveaux traitements d’urgence». La transition s’annonce donc délicate.

Nouvelles études de l’Oramip

De nouvelles études de l’Oramip sont programmées dans le Lot. Un partenariat avec l’ARS conclu fin 2015 va permettre à l’observatoire agréé de lancer des campagnes à Cahors, Figeac et dans la vallée de la Dordogne, dans la continuité des travaux effectués de mars 2014 à mars 2015 en Haute-Garonne et dans le Gers et publiés le mois dernier. Des études qui ont décelé la présence de produits phytosanitaires dans l’air ambiant, trois fois plus à la campagne qu’en ville. Les relevés qui seront pratiqués dans le Lot donneront peut-être une indication partielle de l’efficacité de la lutte contre les produits phytosanitaires.