Qui a découvert la grotte des Carbonnières?

.

Lorsqu’il découvre la grotte des Carbonnières en 2003, située sur le territoire de la commune de Lacave, près de Rocamadour, Serge Barlan n’imaginait pas que les documents d’authentification de sa découverte se perdent dans les dédales de l’administration…

Ancien des Beaux-arts de Toulouse et de Paris, Serge Barban a exercé le métier de designer, tout en poursuivant une formation en géologie. Il se forme à la préhistoire avec son beau-père préhistorien et architecte à Toulouse Roger Soler. Serge Barlan est co fondateur de deux clubs de géologie en Haute-Garonne, Tournefeuille et Castelginest. Il est également le créateur du salon Terre et Espace (Sciences appliquées) de Fonsorbes. Près de Rocamadour, il découvre la grotte des Carbonnières, en 2003.

 À quelle date situez-vous votre découverte de la grotte des Carbonnières ?

 De quoi s’agit-il ?

À l’occasion de l’un de mes déplacements à cette grotte, un beau jour, je suis tombé sur un seau de couleur blanche, rempli de tessons de poterie. Il se trouvait au-dessus de la grotte, dans un bosquet. Ce seau a-t-il été oublié ? Par qui ? Je ne sais toujours pas à ce jour qui est l’auteur de cette manipulation, ni a fortiori qu’elle était son intention.

 Pensez-vous que les poteries retrouvées dans ce seau proviennent de cette grotte ?

Oui, pour la bonne raison que lors de mes investigations, j’ai pris des photos et réalisé des dessins. Et la correspondance est parfaite pour plusieurs de ces tessons. En plus des tessons de poteries, ce seau contenait une plaquette de calcaire avec un dessin dessus, un galet d’une forme bizarre qui ressemble à un cheval stylisé, il y avait aussi deux dents.

 Et qu’est-il advenu de ce seau ?

Je l’ai enfoui en forêt fin 2004 où il y est resté jusqu’en 2016, date a laquelle je l’ai déterré, nettoyé son contenu à l’eau puissante, une partie a été offert à M. Touron et l’autre partie mise au dépôt de fouille de Cabrerets.

 Après avoir avisé les propriétaires de votre découverte, quelle a été votre démarche ?

Évidemment, je n’allais pas garder ça pour moi. J’ai pris contact avec les archéologues de la DRAC* de Toulouse, notamment Frédéric Maksud. Il a pris acte de ma découverte et m’a demandé de ne pas toucher à ce qui se trouvait à l’intérieur. Nous étions à ce moment-là, en début d’année 2004.

 Comment se présentait cette grotte au moment où vous l’avez découverte ?

D’abord l’orifice était plutôt étroit, au point qu’il m’était difficile d’y passer, à mains nues. Tout près de l’entrée se trouvait une salle qui avait l’aspect d’un éboulis. Au fur et à mesure de mon aventure souterraine, je tirais un fil d’ariane noir pour ne pas me perdre, je réalisais des photos, un film, dessins des poteries en place sur les foyers, croquis du plafond… Au total j’ai pris près de 300 clichés photographiques, j’ai tourné un film et bien sûr rédigé un rapport sur cette découverte dont j’ai envoyé le double à la DRAC Midi-Pyrénées. J’ai tout de même pris la précaution de placer l’original de ce rapport, comprenant les photos et le film, dans le coffre d’une banque. Puis les choses en sont restées là…

« Lorsque je me présente comme le découvreur de la grotte, on me répond qu’il n’y a aucune trace de mon nom »

Sauf qu’en 2016, l’histoire de cette aventure prend une nouvelle tournure, suite au rachat de Préhistologia par Jean-Max Touron ?

En 2016 en effet, des amis spéléologues m’apprennent que des engins mécaniques sont en train d’éventrer l’ouverture de la grotte. Je prends alors contact avec M. Touron, le nouveau propriétaire. Je me présente en tant que découvreur. M. Touron m’assure que personne ne lui a indiqué que je suis le découvreur de cette grotte, pas même l’archéologue avec qui j’avais été en relation ! Je suis tout de même fort surpris de cette déclaration.

Que faites-vous pour prouver à celui qui s’apprête à l’exploiter que vous êtes le découvreur de la grotte ?

Je lui explique dans quelles circonstances j’ai découvert cette grotte, je lui remets copie des papiers officiels attestant de tout ce que j’ai réalisé, dont un plan de la grotte et la lettre du Conservateur de la DRAC accusant réception du dossier que je lui avais remis. Néanmoins, M. Touron rétorque que rien n’atteste de la véracité de ce que je lui remets. Cette situation me paraît étrange, voire surréaliste…

 Alors comment faire pour convaincre le nouveau propriétaire de l’authenticité de votre démarche ?

Je prends contact vers la direction de la DRAC et je cherche à savoir, en me gardant bien de dire que je suis en possession de l’original que je leur avais remis en 2004, si elle dispose de documents relatifs à la grotte des Carbonnières. Mme l’archiviste me répond qu’elle consulte les bases de données. Puis elle revient vers moi, en affirmant qu’il n’y a strictement rien concernant cette grotte. Je tombe des nues ! J’essaie d’en savoir un peu plus et on me soutient que cette grotte n’a pas encore été découverte. Je dévoile alors mon identité en précisant que je suis le découvreur qui a remis le dossier en 2004. Mon interlocutrice m’assure que les recherches vont être menées de manière plus approfondie. Et une semaine plus tard, ne voilà-t-il pas qu’on me confirme que rien n’a été retrouvé et qu’est émise l’hypothèse que les documents se seraient peut-être perdus à l’occasion de la fusion des DRAC Midi Pyrénées et Languedoc-Roussillon, donnant naissance aux Services Régionaux d’Archéologie d’Occitanie.

 Que faire de plus ? L’affaire est entendue !

Sûrement pas ! Grâce à un contact sur Paris, renseignement est pris auprès de la DRAC Ile de France, pour savoir si des documents nationaux attesteraient de l’existence de la grotte des Carbonnières. Dans le fonds « Patriarche » l’inventaire des découvertes fortuites des sites et des grottes, aucune trace non plus de la grotte des Carbonnières. J’étais obligé de me rendre à l’évidence : les documents fournis en 2004 n’ont pas été pris en compte, à aucun niveau, quand bien même il m’en a été accusé réception. Pourtant, plusieurs archéologues confirment que la transmission d’un dossier relatif à une découverte, fait l’objet d’une inscription automatique dans ce fameux fonds Patriarche, avec mention de toutes les caractéristiques principales, dont le nom du découvreur, bien évidemment. D’ailleurs, cet archivage doit faire l’objet d’un envoi supplémentaire auprès de la DRAC de Nantes, regroupant la totalité des dossiers Patriarche de France. Évidemment, renseignement pris à Nantes, la grotte des Carbonnières n’existe pas non plus !

 Puisque cette grotte des Carbonnières n’est répertoriée nulle part, que pouvez-vous faire de plus ?

J’ai retourné une copie des documents initiaux, mais je ne suis pas le seul à me poser des questions sur une telle situation. Comment peuvent être déclarés perdus des documents, pour lesquels il a été accusé réception ? Se seraient-ils volatilisés volontairement ? Auraient-ils été détruits ?

Entretien réalisé par JC.Bonnemère ActuLot

* DRAC : direction régionale des affaires culturelles

Où en est le dossier ?
À ce jour, un démenti a été publié par la DRAC Occitanie, attestant que Serge Barlan est bien le découvreur de la grotte des Carbonnières. Par ailleurs, avec le soutien de l’association Racines d’Alvignac un collectif a été créé pour faire respecter l’intégrité de la grotte et demander un arrêt des fouilles clandestines, jusqu’à ce que celles-ci soient dirigées par des archéologues. Il est également expressément demandé que le nom de Serge Barlan soit officiellement reconnu, comme étant le découvreur de la grotte des Carbonnières. Enfin, Michel Lorblanchet, spécialiste de l’art pariétal, réclame que soient authentifiées les formes s’apparentant à des têtes de chevaux, à savoir si celles-ci relèvent de l’art pariétal. Une audience est sollicitée auprès de la DRAC qui jusqu’ici a dû repousser le rendez-vous, probablement pour des raisons d’agenda…