Dans l’Aveyron il y a 176 500 ans Néandertal agence des structures circulaires

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L’homme de Néandertal a exploré le monde souterrain il y a 176 500 ans. Bien avant qu’Homo sapiens laisse sa trace dans les grottes de Chauvet (- 36 000 ans) ou de Lascaux (- 22 000 ans).

L’histoire débute en 1990, lorsque le jeune spéléologue Bruno Kowalsczewski met au jour la grotte de Bruniquel, au cœur de la vallée de l’Aveyron. Un site d’une trentaine de mètres de profondeur, parsemé de draperies de calcaire et de lacs souterrains. Des dizaines de bauges d’ours bruns et de nombreux ossements de mammifères témoignent de la présence d’une faune ancienne.

Surtout, à 336 m de l’entrée, le visiteur découvre six énigmatiques “structures” circulaires, composées de 400 tronçons de stalagmites et parsemées d’os calcinés qui devaient vraisemblablement servir de combustible pour le feu. Les chercheurs ont calculé que, mises bout à bout, ces concrétions brisées mesureraient 112 m de long pour un poids de 2,2 t. Une configuration hors norme, jamais retrouvée ailleurs, qui prouve indéniablement la présence de l’homme dans la grotte.

À quand remonte ces “structures” ? Dès 1995, une première étude publiée dans la revue de spéléologie Spelunca tente d’élucider le mystère en employant la datation au carbone 14. À partir d’un os brûlé, l’origine du site est estimée à plus de 47 000 ans. Seul souci : le carbone 14 empêche d’obtenir une datation fiable au-delà de 40 000 ans.

Pendant quinze ans, la grotte reste fermée. Jusqu’à ce qu’en 2011, la chercheuse Sophie Verheyden, de l’Institut royal des sciences naturelles, en Belgique, vienne à son tour l’explorer. Médusée par les “structures” circulaires, elle souhaite poursuivre les travaux de datation. Pour cela, elle fait appel à deux scientifiques du CNRS, Jacques Jaubert et Dominique Genty.  Pour pallier les limites du carbone 14, ils décident d’employer une technique appelée uranium-thorium, qui permet de remonter le temps jusqu’à plus de 600 000 ans.

D’après leurs résultats, publiés mercredi dans la revue Nature, le site remonterait à 176 500 ans. Une datation inouïe, qui ramène au temps des premiers néandertaliens et qui prouve que l’exploration des grottes n’est pas l’apanage de l’homme moderne, arrivé en Europe aux environs de – 40 000 ans.

“Nous avons été stupéfaits par cette découverte, relate le chercheur Jacques Jaubert. L’appropriation du monde souterrain par Neandertal est vraiment quelque chose de nouveau. D’autant que les structures de la grotte de Bruniquel ont nécessité selon toute vraisemblance une organisation complexe, avec la sélection des matériaux, leur transport, leur calibrage, leur agencement. Sans parler de l’indispensable maîtrise de l’éclairage lors des travaux.” Les réalisations témoignent en effet de l’habileté technique de l’homme de Neandertal et de son haut degré d’organisation sociale.

Pour le moment, les scientifiques se perdent en conjectures sur les raisons qui ont poussé ces hommes à réaliser de tels ouvrages. “On ne va pas à 35 m de profondeur par hasard”, souligne Jacques Jaubert. S’agissait-il d’un refuge pour se prémunir du climat relativement peu clément qui régnait à l’époque ? Difficile de croire que des hommes se soient aventurés si loin et dans des conditions périlleuses dans le seul but de s’abriter. Les paléontologues s’interrogent sur l’éventuelle symbolique du lieu. La grotte de Bruniquel est encore loin d’avoir dévoilé tous ses secrets.

Par Olivier Liffran National Geographic

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