Développer le commerce de proximité, questions aux candidats

Le sujet du commerce local et de proximité ne fait pas vraiment partie des grands thèmes actuellement abordés durant la campagne présidentielle. Le 1er tour de l’élection présidentielle qui approche à grands pas (dimanche 10 avril), et la présentation à venir des programmes officiels des candidats vont sans doute changer la donne. Les commerçants du Lot ont des choses à dire aux candidats à l’élection présidentielle.

Les candidats auditionnés par CCI France

CCI France, l’établissement national qui fédère et représente le réseau des CCI (Chambres de Commerce et d’Industrie), le Medef (Mouvement des entreprises de France) et l’Institut de l’Entreprise ont prévu d’auditionner les candidats à l’élection présidentielle le lundi 21 février à partir de 9 h, en direct sur internet*. Les candidats sont invités à s’adresser aux entrepreneurs de France, donc aux commerçants.

Avant ce rendez-vous officiel, les organisateurs ont transmis aux candidats 8 propositions sur lesquelles ils devront se positionner. Ces propositions portent notamment sur la compétitivité de l’économie française, la réindustrialisation des territoires et la priorité donnée au Fabriqué en France.

La 3e porte sur le commerce de proximité. Intitulée « Développer le commerce de proximité pour reconquérir les centralités dans tous les territoires », elle comporte plusieurs points : la création d’un fonds d’aide national dédié au commerce de centralité urbaine et rurale ; la redynamisation des centralités commerciales (renforcement des volets Commerce des documents d’urbanisme) ; une meilleure équité fiscale entre les pure players et le commerce physique ; la différenciation tarifaire, favorisant la vente des produits dans les commerces physiques ; une meilleure logistique du dernier kilomètre via la création d’espaces de logistique urbaine dans les cœurs de ville, à destination des commerçants (stockage des biens, mutualisation des tournées et coordination du transport en flux tendu).

« Un choix politique fort »

Les propositions sur la défense du commerce de proximité trouvent un écho avec les préoccupations des commerçants du Lot, qui appellent les candidats à un « choix politique fort ». Les périodes de confinement ont mis en valeur ce commerce local. Les gens ont redécouvert son importance en termes de lien social et de solidarité. Mais la concurrence d’internet et des grands groupes vient le fragiliser.

« Durant le Covid, les gens ont redécouvert le commerce de proximité, mais c’est en train de disparaître. Dans les villes semi-rurales ou les petites villes comme Figeac, voulons-nous garder des centres-villes animés et équipés de commerces ? De quoi vont être fait nos centres-villes ? Uniquement de services ? Comment favoriser le petit commerce physique et conserver cet acte d’achat en présentiel ? Il faudrait des mesures de soutien, je pense à une fiscalité allégée. Il faut y réfléchir. Le petit commerçant a beaucoup de charges (électricité, fiscalité) et a de plus en plus de mal à se battre contre le commerce sur internet » explique Sylvie Jeanjean, gérante d’une société de pompes funèbres à Figeac.

Même son de cloche chez Laurence Vitrat, gérante d’un magasin de vêtements à Cahors et coprésidente de l’OCA (Office du commerce et de l’artisanat) « Ô Cahors ». « Nos élus, quels qu’ils soient, nous aiment et s’inquiètent du commerce de proximité. Dans la réalité, qu’en est-il vraiment ? C’est un choix de société à faire. Veut-on des centres-villes déserts avec un mitage de quelques commerces qui s’en sortent et des vitrines vides ? C’est un choix politique fort. Quel type de société veut-on ? » La commerçante insiste sur le rôle important du commerce de proximité d’un point de vue du lien social.

« Voulons-nous garder des centres-villes animés et équipés de commerces ? »

Les commerçants lotois appellent les candidats à les soutenir. « En tant que commerçant, j’attends un plan sur le commerce en ruralité pour contrer le commerce sur internet qui va tuer à petit feu le commerce de proximité. Avec la crise du Covid, nous avons bien vu que les gens ont besoin de conserver de la proximité. Il faut que l’on soit aidé et arrêter de promouvoir ces grands groupes qui nous tuent à petit feu. Il faut que les candidats à la présidentielle valorisent nos métiers, les mettent en avant, et arrêtent de valoriser le virtuel, le e-commerce » précise Thierry Scheid, buraliste à Cajarc.

Donner les mêmes armes à tous

La concurrence avec les opérateurs sur internet (plateformes et grands groupes) est au cœur des revendications des commerçants de proximité. Ils interpellent les responsables politiques afin qu’ils interviennent pour donner les mêmes chances à tout le monde.

Laurence Vitrat invite les candidats à « faire en sorte que les règles du jeu permettent à tout le monde de vivre » et leur demande en premier lieu à faire respecter les règles qui existent déjà en matière commerciale. Petit exemple parmi d’autres qui agacent les « petits » commerçants, la possibilité offerte à un client de renvoyer sans frais un article acheté sur internet. « Nous, on paie les frais de port. On ne comprend pas le décalage. » « Les gens me disent que les prix sont moins chers sur internet, mais il n’y a pas les mêmes charges sur internet et dans un commerce physique » rappelle Sylvie Jeanjean.

Les opérations commerciales comme le « Black Friday » et les ventes privées sont dans le viseur des commerçants lotois. Ils estiment que cela crée une concurrence déloyale entre géants du net et grandes enseignes d’une part et commerçants plus traditionnels d’autre part. « Les soldes doivent être sanctuarisées. Elles sont menacées. La preuve, les élus veulent les supprimer. Les soldes ont été créées pour permettre aux magasins d’éliminer les stocks en fin de saison. Il y a des promotions et des soldes toute l’année » précise Laurence Vitrat, qui propose de « taxer les Gafa », ces géants du web.

Sylvie Jeanjean invite les candidats à travailler sur « une réglementation pour limiter les « Black Friday » et les ventes privées proposés par les grands groupes et sur internet. Les soldes, ça ne veut plus rien dire. Des soldes, il y en a toute l’année. C’est une concurrence déloyale. Soit on freine des quatre fers et on évite les opérations toute l’année, soit on laisse faire à tout va. Soit l’un soit l’autre… ».

Dur dur de vendre sur internet

Face à l’essor d’internet, les commerçants tentent de s’adapter aux habitudes de consommation qui changent. Il est devenu incontournable d’être présents sur internet et les réseaux sociaux. Ces nouveaux outils leur permettent d’avoir plus de visibilité et de toucher une clientèle différente. Les associations de commerçants invitent d’ailleurs leurs adhérents à créer une page Facebook ou autre.

La création d’un site internet marchand est une autre affaire. Il est très compliqué pour une petite structure ou un commerçant seul de se lancer dans la vente sur internet, entre le coût de la création du site, la gestion des stocks, la trésorerie… « C’est un boulot de dingue ! » précise Laurence Vitrat. « Les boutiques qui font du présentiel et de l’internet peuvent tirer leur épingle du jeu. Mais tout ne s’y prête pas et cela demande une gestion au quotidien phénoménale. Parmi ceux qui ont lancé des sites marchands pendant le Covid, très peu ont continué. Cela demande une énergie folle. Le « click and collect », c’est compliqué » ajoute Sylvie Jeanjean.

Pour Thierry Scheid, « Le « click and collect », ce n’est pas dans la réalité de la ruralité. La clientèle urbaine et rurale, ce n’est pas la même chose ». Le buraliste fait du relais-colis dans son commerce, il touche une commission à chaque colis livré. « Mais la rémunération est tellement insignifiante par rapport au travail que ça donne. Ce n’est pas rémunérateur. »

Loyers commerciaux et retraites

Parmi les autres revendications des commerçants lotois aux candidats à l’élection présidentielle, figure le montant des loyers commerciaux et leur réglementation, un domaine dans lequel le politique peut intervenir estiment-ils. Une hausse de la Tascom, la taxe sur les surfaces commerciales, est également évoquée. Comme une gestion en concertation avec les commerçants de la piétonnisation des centres-villes, pour trouver un juste milieu au « 0 voiture ».

Thierry Scheid aborde le sujet des retraites pour le ou la commerçant(e) et sa ou son conjoint(e). « Il est important de les revaloriser. On travaille pendant toute une carrière. Vu le temps que l’on passe dans nos commerces par rapport à un travail standard, on n’aura que 1 200 ou 1 400 €, ce n’est pas digne pour vivre aujourd’hui. Le seul avantage que nous avons, c’est que nous sommes dirigeants de notre vie et de notre travail ».

Et les consommateurs dans tout ça ?

Au-delà du monde politique, les commerçants de proximité interpellent les consommateurs. Comme l’exprime Laurence Vitrat, « Le citoyen a sa carte bancaire, c’est l’arme la plus forte. Il a le pouvoir de changer les choses. 

Les ressortissants des CCI de France peuvent participer à cette audition en direct sur internet, via une pré-inscription

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