Grand Débat: les maires « On s’engage ou on s’engage pas? »

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Le « Grand Débat National » imaginé par l’exécutif pour réconcilier le pays doit démarrer mardi 15 janvier. Mais ses contours restent flous. Pour ne rien arranger, l’Association des maires de France a ouvert un nouveau front et demande à ses membres « de ne pas s’engager » Une stratégie qui diffère de celle des Petites villes qui souhaite, au contraire, « saisir l’occasion pour faire des propositions ».

Le débat n’est pas encore officiellement ouvert que déjà les postures font leur apparition et les positions des uns et des autres se crispent. « Les maires de France ne se sentent en aucun cas engagés par ce débat et ne sauraient être à quelque niveau que ce soit co-organisateurs » a ainsi assuré sur France Info le vice-président de l’Association des maires de France (AMF), dans un propos très essentialisant. Pour André Laignel, « chaque maire, en tant que citoyen, fera ce qu’il veut, participera ou ne participera pas, mais en tant que citoyen ».

Cela ne doit faire aucun doute, aux yeux du maire socialiste d’Issoudun, dans l’Indre : ce débat est surtout et avant tout celui de « l’État avec les citoyens » et il refuse donc d’« associer les élus locaux à l’échec gouvernemental ». Pouvoir d’achat, CSG, retraites, impôt sur la fortune : sur tous ces sujets – qui sont au cœur des revendications des Gilets jaunes – les collectivités n’ont pas la main, argue-t-il en omettant, par exemple, l’aménagement du territoire ou la qualité de l’offre et le prix des transports publics. Peu importe, donc, le vice-président de l’AMF cherche à renvoyer l’État à ses responsabilités. A tout prix.

Faire plus que prêter les salles ?

Du côté de l’Association des Petites Villes de France (APVF), le son de cloche se veut résolument plus constructif. Christophe Bouillon, député de Seine-Maritime, semble pousser pour que les élus locaux prennent pleinement part au débat et saisissent l’occasion « pour faire des propositions ». Sans faire preuve de naïveté pour autant. Interrogé sur le plateau de BFM TV, jeudi 10 janvier, ce dernier a ainsi déclaré : « il serait dommage de se priver de débat et de priver les habitants de débat mais en même temps, on n’est pas là pour servir la soupe et passer les plats. Il ne faut pas attendre des maires qu’ils soient seulement présents pour prêter des salles, mettre la lumière, allumer le chauffage puis rester les bras croisés. On doit saisir l’occasion qui nous est donnée pour faire des propositions ».

Une vision très « pro-active » du rôle que pourraient tenir les maires dans ce grand débat que partage pleinement le premier magistrat de Pau, François Bayrou. Le président du MoDem, ex-ministre de la Justice et toujours proche du président Macron, va même plus loin que l’APVF en estimant que c’est bien aux maires d’organiser cette consultation nationale, et non à la CNDP dont la « légitimité est nulle ». « Qu’est-ce que ça [NDLR : la Commission nationale du débat public] vient faire dans un débat profondément politique au sens le plus noble du terme  ? Il existe des intermédiaires absolument légitimes : les maires, qui peuvent ensuite faire remonter vers le président de la République et le Parlement » a-t-il expliqué sur France Info.

Des kits en stock

Si l’éphèmère ministre redevenu maire de Pau semble si remonté contre la CNDP, c’est que le dispositif qui avait été imaginé par cet autorité indépendante était loin, en effet, de placer les maires et les élus en première ligne ! Interrogée la semaine dernière par le Journal du Dimanche sur la place des ministres et des élus dans le grand débat, Chantal Jouanno répondait ainsi : « Ils peuvent parfaitement y participer. Mais ils doivent rester dans une posture d’écoute. Si ces réunions commencent par un discours d’une heure sur la politique du gouvernement, ce sera totalement contraire au principe du débat public. Le but, c’est d’éclairer le décideur. »

Chantal Jouanno est aujourd’hui hors-jeu – elle a préféré se retirer du pilotage du Grand débat suite à une polémique sur le montant « pas très Gilets jaunes » de son salaire, révélée par La Lettre A. Il n’empêche : les observateurs imaginent mal le gouvernement rebattre totalement les cartes à seulement cinq jours du début officiel de la consultation.

Apprendre en marchant

D’ailleurs, en l’état, sur le site du gouvernement, c’est bien l’organisation imaginée précédemment par la CNDP qui est toujours déclinée. Qu’est-il concrètement prévu ?

  • Des débats locaux « à l’échelle du quartier, du village ou de la région » pouvant être organisés par « des citoyens, des collectifs, des élus, des entreprises, des syndicats, etc. » avec mise à disposition d’un « accompagnement » (kits, stands, ateliers) pour la tenue des débats ;
  • Des conférences au niveau régional de citoyens « tirés au sort » pour débattre des retours locaux ;
  • La mise en ligne d’une plateforme numérique pour contribuer au débat via internet ;
  • Et un calendrier allant de mi-janvier à mi-mars.

Le Premier ministre consultait à Matignon organisations syndicales et patronales, avant d’avoir au téléphone le vendredi soir chacun des présidents d’associations d’élus, faute d’avoir pu les réunir via une invitation trop tardive à déjeuner. Le début de semaine prochaine sera donc crucial pour le gouvernement. Il devra dévoiler le nom du « successeur » de Chantal Jouanno qui s’occupera de l’animation, tandis que le président de la République devra envoyer comme il s’y est engagé une « lettre aux Français » destinée à « rappeler les thèmes du Grand Débat. » Au niveau local, Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des Territoires, sera chargée de la présentation d’un « kit » dédié aux élus… Il n’est jamais trop tard. Reste à voir si ceux-ci s’en empareront.

Courrier des maires

Lettre aux Français d’Emmanuel Macron