La coque de Pâques . Petites et grandes histoires
20 avril 1919
La tradition cadurcienne voulait que les boulangers fissent cadeau – cadeau, moyennant une rétribution bien calculée néanmoins – à leurs clients, d’une Coque, le jour de Pâques. C’était une tradition à laquelle les clients tenaient beaucoup : les boulangers y tenaient peu, car, disaient-ils, elle était onéreuse pour eux. Une année, soit que les œufs fussent plus chers, soit que l’union cordiale régnât entre boulangers, ceux-ci s’entendirent et décidèrent de ne plus faire de Coque pendant 5 ans. Ils prirent et signèrent un engagement par lequel ils déclarèrent que celui qui romprait l’engagement serait tenu de payer une somme assez élevée à chacun de ses collègues. Le tollé fut grand parmi les Cadurciens, habitués, le dimanche de Pâques, à voir venir chez eux le boulanger leur apportant « lo Coquo » qu’ils gardaient pour aller festoyer à la vigne, le lundi !
Tous les boulangers tinrent l’engagement : la Coque fut supprimée. Mais la tradition ne se supprime pas, ne s’avale pas comme un morceau de Coque et comme un verre de vin blanc. Les Cadurciens, chaque année, à l’époque de Pâques protestaient auprès des boulangers ; ils réclamaient la Coque. Alors, soit parce que les œufs étaient revenus bon marché, soit parce que les clients mécontents n’étaient plus fidèles au même boulanger, et s’approvisionnaient tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, contrairement aux traditions cadurciennes, les boulangers décidèrent de refaire des Coques.
Et un beau dimanche de Pâques, après 3 ans de disparition, la bonne Coque fut apportée au domicile des clients. Cette année-là, elle fut même supérieure : il y avait un peu plus de sucre et de miel sur la croûte, un peu plus « d’écorce » dans la mie… Mais les boulangers eurent un lendemain moins sucré, moins mielleux. Un de leurs collègues avait refusé de rompre l’engagement : il ne fit pas de Coques. Naturellement, ses clients protestèrent et d’aucuns le quittèrent : d’où préjudice. Néanmoins, il attendit l’expiration du contrat, et alors, il assigna ses collègues en dommages et intérêts ou plutôt, il réclama à chacun la somme que le boulanger rompant le contrat s’était engagé à payer à ses collègues. Le procès eut lieu et les boulangers furent condamnés à payer le dédit. Mais ils continuèrent à faire des Coques.
Hélas ! la guerre est venue rompre la tradition. Plus de sucre, plus d’œufs, plus de farine blanche, plus de Coque ! …
23 mars 1932
ET LA COQUE ! : Dimanche 20 mars, est arrivé le printemps. Il fut accompagné par un petit vent un peu vif, mais il fut illuminé par un soleil radieux, du matin au soir. Un peu de pluie l’avait précédé, quelques jours auparavant et une légère crue du Lot – 35 à 40 centimètres – fut constatée. Mais, ce peu de pluie a été bienfaisant : les légumes poussent, les arbres fruitiers sont en fleurs. Profiterons-nous encore de ce beau temps ; les fêtes de Pâques seront-elles ensoleillées ? Les Cadurciens voudraient bien que ce temps durât encore pendant quelques jours, au moins juqu’après le lundi de Pâques.
Lundi de Pâques est attendu avec impatience. C’est la fête de la Coque, et lundi n’est pas jour de fête si la Coque doit être mangée à la maison. Il faut aller sur l’herbe ou clans les maisons des vignes. S’il fait frais, on fait flamber un fagot de sarments dans la cheminée et on profite du feu pour préparer un « tourin ». Le temps s’est maintenu au beau pendant près de 3 mois ; ce serait bien la guigne si, au moment où la fête cadurcienne de la Coque va être célébrée, la pluie venait à arroser le traditionnel gâteau pascal. Le vin blanc suffira. Tout de même, disait un agriculteur du Causse, nous sommes bien contents, à la campagne, que les fêtes ne soient pas gâtées par la pluie. Mais nous ne pouvons pas nous réjouir de ce beau temps continu, car nos citernes sont vides et ce n’est pas avec du vin blanc que nous abreuvons nos troupeaux. Ce qui prouve que dans la vie, le bonheur des uns fait le malheur des autres !.
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