Les agriculteurs Bio en difficulté

Le modèle bio serait-il en train de s’essouffler ? C’est ce que pointe du doigt l’association Bio46. Dans le Lot, son président Olivier Garrigues pourtant lui-même agriculture bio se dit résigné : les prix ne sont plus attractifs et le cahier des charges toujours plus exigeant. Un système à réinventer.

Le bio vaut-il encore le coup ? Plus autant qu’avant, si l’on en croit Olivier Garrigues l’association Bio46. Alors que de nouveaux critères se rajoutent au cahier des charges et que les prix payés aux producteurs tombent au même niveau que ceux en conventionnels, l’agriculteur Lotois met en garde. Trop d’agriculteurs se sont lancés dans le bio à marche forcée. Résultat : le modèle est aujourd’hui victime de son succès.

Peut-on parler de la fin de l’âge d’or du bio ?

Pas tout à fait. Je préfère parler d’une fin de l’âge d’or de la conversion en bio. Les moyens publics pour encourager ces transitions du conventionnel en bio ont été diminués. La consommation stagne et les prix du conventionnel sont montés à un tel niveau qu’ils effleurent les prix du bio ce qui est décourageant pour les agriculteurs qui ont fait ce choix. Pour les bovins par exemple, l’agneau se vend actuellement à 7,80€ la carcasse pour une production en conventionnel. C’est le même prix pour une production bio.

Vous évoquez également un cahier des charges de plus en plus strict qui peut être dissuasif…

Jusqu’à présent, les éleveurs bio avaient la possibilité de finir l’engraissement des bêtes en bâtiment. Désormais, à partir de l’année prochaine, il faudra terminer l’engraissement à l’extérieur, sauf si les conditions climatiques ne le permettent pas. Mais pour les agriculteurs c’est bien trop compliqué. Tout le monde n’a pas une structure adaptée, il faut aménager différemment son système donc ça risque d’engendrer des frais supplémentaires.

Que conseillez-vous alors aux agriculteurs qui souhaitent se tourner vers le bio ?

On arrive à un stade ou l’effort n’est plus assez valorisé, on devient tous un peu résignés. En plus, la dernière PAC n’est pas favorable au bio. Le message que je veux donner aujourd’hui est le suivant : rien ne sert de se convertir à tout prix et à tout va. Et surtout pour les mauvaises raisons. La filière bio a notamment attiré beaucoup d’agriculteurs conventionnels souffrant des pressions économiques imposées par les distributeurs et a dû absorber les volumes de production jusque-là mal vendus. On l’a bien vu avec la production laitière : envoyer tout le monde en conversion y compris les laitiers qui ont des soucis financiers n’est pas une solution. Au contraire, trop de producteurs sont arrivés d’un coup sur le marché et les prix ont baissé. Résultat, la situation s’est même aggravée dans certaines exploitations. L’argument financier n’est plus valable. Il est nécessaire de temporiser les conversions.

Vous avez perdu la foi ?

J’ai un élevage de vaches Aubrac en bio, des brebis caussenardes et de l’ail plein champ à Labastide-Murat. les contraintes du bio ne me pèsent pas techniquement, j’y suis allé par philosophie de vie, par conviction. J’ai fait du tabac en conventionnel, j’ai traité puis j’ai eu un déclic en 2009. J’ai entrepris la conversion à partir de 2015. J’ai toujours la même foi, la seule chose que je regrette ce sont les prix payés au producteur. Ils ne sont plus en relation avec le travail et la qualité qu’on produit en circuit long. Il n’y a pas de vraie reconnaissance alors qu’on coche toutes les cases du cercle vertueux sur le plan humain et environnemental.

Le bio est mort vive l’agriculture raisonnée… ?

L’agriculture bio arrive toujours à se relever. Nous restons convaincus de l’intérêt majeur de la Bio aussi bien pour la planète que pour les exploitations. La bio a un avenir mais différent. Le label Haute Valeur Environnement ne remplace pas la filière mais il est par exemple intéressant.

Des formations pour mieux comprendre

Pour répondre aux questions et aux doutes des agriculteurs, l’association a mis en place une formation le mardi 14 décembre dernier avec l’intervention d’Unebio. 11 agriculteurs ont participé. Benjamin Hatterley, animateur technique répond ainsi : « Il est évident qu’un passage en bio se réfléchit sous plusieurs angles. D’un point de vue économique, le bio n’est pas une solution miracle mais il reste des débouchés à condition de bien réfléchir son circuit de distribution. D’un point de vue technique par contre, le bio est aujourd’hui tout à fait adaptable à la plupart de nos exploitations lotoises et l’impact reste évident sur notre terroir et notre propre qualité de vie. A Bio 46, nous proposons des formations tout au long de l’année qui permettent collectivement de réfléchir à nos pratiques. Et de façon individuelle, Bio 46 accompagne les agriculteurs qui envisagent la labellisation grâce au pass Bio ». Si vous désirez plus d’informations, n’hésitez pas à contacter Bio 46 au 06 22 80 17 75.

Manon Adoue ladepeche.fr