Les marionnettes du Mali au musee des automates à Souillac

C’est une exposition exceptionnelle qui vient d’ouvrir ses portes au Musée des Automates à Souillac. Ce sont 60 marionnettes du Théâtre Sogobo qui se présentent aux visiteurs toutes aussi surprenantes et éclatantes les unes que les autres. C’est une première en France, car jamais une telle exposition ne leur avait été spécifiquement consacrée.

Le Mali

Tout le monde connaît bien sur le Mali, peut-être à cause de l’actualité sordide de la lutte contre les islamistes qui a conduit les armées françaises à s’y engager depuis plusieurs années. Mais il convient peut-être de faire quelques rappels.

Grand comme la France, le Royaume uni et le Benelux réuni, le Mali est voisin de la Mauritanie et de l’Algérie au nord ; du Niger et du Burkina-Faso ou de la Cote d’Ivoire au sud, du Sénégal et de la Guinée au Sud-ouest. Avec une population de plus de 15 millions d’habitants, le Mali regroupe un nombre important d’ethnies aux caractéristiques propres : Touareg, Peul, Maure, Sarakollé, Toukoule, Bambara, khassonké, Dogon, Sonrai, Diawara, Toucouleur et Bozo pour n’en citer que les principales. Le Mali a vu l’émergence de musiciens d’envergure internationale tels que Selif Keita, Amadou et Myriam, Oumou Sangare, Tiken Jah Fakoly ou encore Fatoumata Diawara pour n’en citer que quelques-uns car la liste risquerait d’être longue. Mais la musique n’est qu’un aspect de la richesse de la culture malienne. La communauté Malienne en France, qui représente entre 80 000 et 120 000 personnes est l’une des plus importantes communautés venues d’Afrique noire. En termes d’échanges économiques, la France est le 4e fournisseur du Mali. Le Mali exporte vers la France du Coton et de l’or principalement.

Le peuple Bozo

Leur origine est très ancienne, remontant sans doute au Néolithique il y a 6 000 ans. Les Bozos ont appartenu à l’ancien empire du Ghana, avant de migrer le long du fleuve Niger au Xème et XIe siècle. Les bozos sont avant tout un peuple de pécheurs, mais ils ont ajouté à leurs compétences la batellerie dont ils avaient un quasi-monopole. On les appelle les « Maitres de l’eau ». Les Bozos seraient les descendants de Faro, esprit de l’eau, créateur du monde. Une légende dit d’ailleurs qu’un pécheur Bozo du nom de Toboji Kanta fut enlevé par les génies de la brousse. Pendant sa captivité, un nain des buissons lui enseigna l’art de la marionnette. À son retour, il le transmit aux forgerons de son village. Les masques et marionnettes seraient alors un moyen de d’établir un contact entre l’univers invisible du surnaturel et celui visible des humains. Leurs sorties célèbrent le mythe des origines et leurs relations avec les animaux terrestres et aquatiques.

Les Bambaras

Le peuple Bambara (qui signifie Refus et Maître) est l’ethnie la plus importante au mali. Ils sont principalement installés dans la région de Segou (comme les Bozos) et Niono. La tradition des masques et marionnettes y est aussi importante que chez les Bozos. Le Bambara est la langue la plus parlée du pays.

Les marionnettes

On distingue en effet 2 types de marionnettes, celles à forme humaine et les animalières. Parmi les animalières, se trouve le Taureau qui serait l’animal totem des Bozos, son corps représenterait le fleuve, tandis que les cornes représentent les pirogues. Le savoir-faire de la fabrication des marionnettes est transmis de génération en génération par des artisans forgerons. Aucun matériau de valeur n’est utilisé pour leur fabrication. Principalement conçu avec du bois de Kapotier, on y ajoute des matériaux de récupération. De plus, leur conception est entièrement libre et ne répond à aucun code par différence avec les objets rituels ou sacrés. C’est sans nul doute une de leurs principales caractéristiques.

Les masques et marionnettes n’ont jusqu’à présent pas pu être conservés dans des conditions décentes, les termites attaquant régulièrement leur bois. Il en est de même des textiles les recouvrant. Difficile de trouver des marionnettes de plus de 100 d’âge. Ce qui frappe, c’est la modernité des lignes. Elles n’ont rien à envier à nos grands artistes contemporains. La créativité, l’ingéniosité des mécanismes d’articulation sont d’autant plus étonnants qu’elles proviennent de personnes qui n’ont jamais voyagé, qui n’ont quasiment pas rencontré d’étrangers. Il y a juste eu une transmission d’un savoir-faire entre des générations et des générations d’artisans forgerons.

Et comme le dit si bien Réginald Groux, le propriétaire et commissaire de l’exposition, il convient pour apprécier l’art de faire tomber nos préjugés, nos savoirs, et les considérer avec des yeux d’enfant. En pénétrant dans les deux salles qui y sont consacrées, nul doute que ce sont vos propres masques qui tomberont. Il conviendra de vous laisser faire. Et si les marionnettes vous parlent, laissez-vous devenir leur pantin.

Le théâtre Sogobo

Les masques et marionnettes sont utilisés lors de fêtes organisées par des associations de jeunes (les TON) : Le Théâtre Sogobo. Cet art populaire exprime la permanence des valeurs traditionnelles tout en gardant un regard ouvert sur les réalités du monde contemporain. C’est un art populaire d’une incroyable sophistication et d’une très grande noblesse d’âme.

Mêlant musique (percussions essentiellement), conte, chant, danses et marionnettes, les fêtes sont l’occasion de se réunir, partager et transmettre des messages. Par le rire, par la joie des sujets qui seraient traités de façon hystérique et conflictuelle en France, les jeunes et les chanteuses délivrent des messages de paix, de concorde, de fraternité mais aussi de santé publique (Contraception, vaccination).

Les masques et marionnettes entrent en scène, soit sur terre, mais aussi sur l’eau, dans des pirogues ou à la surface même de l’eau. Les jeunes qui les manipulent doivent être initiés, c’est à la fois un travail d’expression et une performance physique.

Un film présentant le théâtre Sogobo est présenté au public et permet de mieux appréhender l’utilisation des marionnettes, l’esprit de fête et de concorde, le caractère improvisé aussi de la mise en scène et son interaction avec le public.

Réginald Groux

Tour à tour Marchand d’art, Expert en Art Africain auprès des tribunaux, collectionneur mais surtout passionné, Réginald Groux est aujourd’hui installé en Afrique au Sénégal. Sa collection contient plus de 500 pièces de l’Afrique de l’ouest. Il a mis en œuvre un projet de construction d’un musée d’art et d’histoires dédiés aux cultures de l’Afrique de l’ouest. Ce bâtiment, le MAHICAO ouvrira ses portes d’ici la fin de l’année. Il est situé au Sénégal dans le village de Djilor Djidiack qui n’est autre que le village natal de la mère de l’ancien Président du Sénégal Léopold Sendar Senghor lequel fut le premier africain à siéger à l’Académie française.

Pour mieux comprendre le regard que porte Réginald Groux sur cette culture populaire, deux ouvrages comprenant des textes et des photos de l’exposition sont disponibles à l’accueil du musée à des prix modiques. Nous l’avons rencontré à l’occasion d’un point presse et lors du vernissage de l’exposition ; c’était tout simplement passionnant. Il ne nous a pas tout dit, car cela était impossible en si peu de temps, mais à l’image de ses marionnettes et de son musée, il semblerait qu’il nous invite à venir partager une certaine idée ou philosophie de la vie.

En ces temps de discorde électorale, venez profiter des bienfaits de cette exposition, laissez vos yeux se promener librement et votre esprit danser avec les marionnettes du théâtre Sogobo. Une occasion de redécouvrir à cette occasion la poésie des automates du musée puisque le billet d’entrée est couplé.

CLAUDE RABUTEAU La Vie Quercynoise