les restaurateurs inquiets face à la pénurie de saisonniers

Boire un verre en terrasse avec vue sur le Lot, déjeuner sur les hauteurs de Rocamadour ou déguster nos produits locaux à Saint-Cirq-Lapopie, le tableau idyllique de vacances réussies peut très vite se terminer en grande déception cet été. Car les touristes vont certainement devoir faire le marathon des établissements pour pouvoir trouver une place pour manger voire se confronter à des portes closes là où ils avaient leurs habitudes. Les restaurateurs lotois l’affirment, la saison estivale s’annonce compliquée pour accueillir les vacanciers dans de bonnes conditions. En cause : la pénurie inédite de saisonniers dans la restauration, l’hôtellerie mais aussi plus largement dans d’autres secteurs économiques…

Un impact pour l’image du Lot

« C’est catastrophique ! C’est une pénurie effarante à tous les postes. Beaucoup d’établissements n’ont pas encore ouvert pour la saison. Certains réduisent leurs heures de service ou leurs nombres de couverts. Ceux qui ouvraient 7/7 se mettent à fermer un ou deux jours. C’est du jamais vu. On ne va pas pouvoir recevoir les touristes dignement et c’est une très mauvaise image pour notre territoire » avoue Lionel Marsaud, président de l’UMIH 46 (Union des Métiers et des Industries de L’Hôtellerie). Le restaurateur, directeur de La Chartreuse à Cahors, estime qu’il y aura 30 % de personnel en moins. Comme ses 180 adhérents dans le Lot, le président est très inquiet pour l’avenir.

300 000 emplois saisonniers ne sont pas encore pourvus dans le secteur en France. Les restaurateurs cherchent à recruter désespérément et tentent de séduire les étudiants avec des logements, des amplitudes horaires réduites ou des salaires plus élevés. « Avec l’énorme demande, les candidats annulent à la dernière minute pour être embauché ailleurs. C’est au plus offrant et les gens ne se gênent plus d’annuler des contrats. Pour nous c’est dur, ça déstabilise les équipes » désespère David Blanco, le président des Bonnes tables du Lot, l’association des chefs cuisiniers qui compte une trentaine de membres.

Pour lui, les territoires ruraux sont d’autant plus impactés que les jeunes cherchent à travailler en bord de mer. « Mais on se rend compte que cette année est critique puisqu’un ami restaurateur à Saint-Jean-de-Luz peine aussi à recruter ce qui n’était pas le cas les années précédentes. Le Pays basque a toujours attiré les saisonniers » s’étonne le chef du restaurant Côté Sud à Cahors.

Une crise des vocations

Une pénurie de main-d’œuvre qui a déjà fait une première victime cette année dans le Lot puisque l’institution culinaire le Relais de Gintrac vient de fermer ses portes après trois générations aux fourneaux. Les propriétaires l’ont révélé dans nos colonnes le 19 avril, ils ont cherché pendant six mois à embaucher trois personnes. Eux comme leurs salariés sont épuisés de cette surcharge de travail et ont préféré rendre leur tablier, définitivement. L’établissement est proposé à la gérance ou à la vente. Une nouvelle qui attriste le maire de Gintrac et vice-président du Département du Lot en charge du tourisme. « C’était le rare commerce qui faisait vivre notre commune. On espère qu’un repreneur va se manifester rapidement. Mais je le vois bien dans mes déplacements sur tout le territoire, la pénurie s’est accentuée ces derniers mois et pas que dans la restauration. On essaie de trouver des solutions, les professionnels font beaucoup d’efforts » affirme l’élu.

Pire, selon David Blanco, le phénomène va empirer ces prochaines années. Ce n’est pas qu’une crise économique, c’est une crise des vocations. « Il y a une baisse de 30 % des étudiants dans nos formations de bouche dans notre département. J’ai fait mon propre sondage dans nos structures éducatives toutes formations confondues. Je crains donc que la pénurie va s’aggraver sur le long terme » alerte-t-il. Pour lui, c’est aux restaurateurs d’innover et de s’adapter à cette nouvelle conjoncture. « Dans les pays nordiques, les clients se lèvent et vont chercher leur plat, au Danemark, ce sont les cuisiniers qui font aussi le service. On peut encore travailler sur la qualité de vie et les horaires » termine-t-il.

Sarah Nabli                                                                             La Dépêche