Menace d’expulsion

Avec deux enfants, dont un tout-petit né en France et une fille scolarisée à Cahors, Sajjad, en CDI dans cette ville, et son épouse Sadia qui payent leurs impôts à l’État français, sont priés de regagner le Bangladesh.

L’affaire suscite émotion et incompréhension à Cahors. Sajjad Bhuiyan, son épouse Sadia et leurs deux enfants Humayra (5 ans) et Raeed (2 ans et demi) sont menacés d’expulsion vers le pays d’origine du couple et de leur fille.

Le petit Raeed, quant à lui, est né à la maternité de Cahors.
En bref, si l’état veut l’expulser vers son pays c’est déjà fait puisque son pays c’est la France.

On peut toujours ironiser, mais ce dossier ne prête pas à sourire. Au contraire, cette jolie famille qui se dit « parfaitement intégrée » est touchée en plein cœur par cette décision.

« Je paye mes impôts en France »

« Je suis salarié en CDI en tant que cuisinier au Blend à Cahors, ma fille a appris le français ici et est scolarisée à Cahors, la ville où mon fils est né. Je paye mes impôts en France. Je veux que ma famille soit régularisée, pas renvoyée vers un pays où je ne suis pas attendu. Ici nous cherchons un logement plus grand. Nous vivons dans un petit studio » déclare Sajjad.

Le jeune cuisinier met tout en œuvre pour convaincre l’état de le maintenir avec sa famille sur leur terre d’accueil où ils ont trouvé la paix depuis l’année 2018.

Sa famille serait en danger dans son pays

« Au Bangladesh, je n’étais pas en sécurité car je ne suis pas d’accord avec le régime politique. On m’a fait savoir que ce n’était pas bien. Là-bas, la police a fracassé la porte de ma maison pour me chercher. Il y a beaucoup de corruption dans ce pays. Si je retourne là-bas avec ma famille, nous subirons des représailles », lance-t-il la peur au ventre. Sajjad a demandé le statut de réfugié politique.

Le service des impôts s’est ému de cette situation

Sajjad vient de déposer à la préfecture du Lot un dossier complet comprenant son contrat de travail en CDI depuis le 15 mai 2019, l’attestation de scolarisation de sa fille, l’acte de naissance de son fils et ses avis d’imposition prouvant qu’il est en parfaite légalité vis-à-vis de l’administration fiscale. Une administration qu’il a d’ailleurs sollicitée spontanément pour accomplir son devoir de contribuable résidant et travaillant en France.

Le service des impôts s’en est ému. « C’est remarquable. J’ai été épaté par sa démarche volontaire. Il est venu vers nous pour nous demander de l’aider à établir sa déclaration d’impôts », a tenu à souligner Daniel Morer, haut responsable au service des impôts à Cahors, également conseiller municipal. C’est à ce titre qu’il a prévu de transmettre une lettre au maire de Cahors pour lui demander d’intervenir dans ce dossier.

Un employé modèle

Un courrier a également été transmis mardi au préfet du Lot. Stéphane Nodari, le patron de Sajjad, estime que son employé dispose de tous les atouts pour rester en France.

Il s’étonne de la menace qui guette Sajjad et sa famille : « C’est un employé modèle. Il est toujours à l’heure et très actif. Il prend également les commandes au téléphone dans un français qu’il a fait l’effort d’apprendre. Il fait partie des piliers de mon établissement où j’ai eu du mal à trouver des employés compétents. Je n’ai pas hésité à lui faire signer un CDI. C’est un très bon gars. »

Asile politique refusé : Quel avenir pour cette famille ?

Contactée par nos soins, la préfecture du Lot répond que « la famille Bhuiyan fait l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français). En arrivant en France avec sa femme et un enfant, Sajjad Bhuiyan a demandé l’asile politique. Cela lui a été refusé le 15 janvier 2019 exactement. Il a contesté cette décision et fait appel à quatre reprises sans succès », précise Nicolas Regny sous-préfet de Cahors.

Hasard ou volonté réelle de fermeté ? Cette décision intervient quelques jours après la déclaration du président Macron réclamant « un tour de vis sur les expulsions en ciblant en priorité les étrangers irréguliers auteurs d’actes de terrorisme ou fichés pour radicalisation, ainsi que ceux ayant commis des crimes et délits. » S’il s’agit des motifs d’expulsion, alors Sajjad Bhuiyan et les siens sont protégés puisqu’ils ne remplissent aucun de ces critères.

L’attente et l’espoir d’un geste et d’un zeste d’humanité

En lieu et place d’une bonne dose de fermeté, cette famille réclame un zeste d’humanité. Cela ne semble pas très compliqué si l’on s’attarde sur la spontanéité de la petite Humayra qui dit « adorer l’école à Cahors, ses copines et les frites. » Bref, des mots d’enfant dans un monde pas toujours docile avec eux.

Jean-Luc Garcia La Dépêche