Une centaine de résidus de pesticides dans l’eau du robinet

Une association écologiste a compté  dans le Lot plus d’une centaine de résidus de pesticides dans l’eau du robinet ce qui en fait l’un des trois départements de l’Occitanie le plus touché. Pour le Syded, le syndicat de l’eau dans le Lot, cette étude est biaisée car il manque certaines données. 

C’est un rapport qui fait froid dans le dos mais qu’il convient de prendre avec des pincettes. Hier, Générations futures, une association de défense de l’environnement agréée par le ministère de l’écologie a publié une étude sur la qualité de l’eau du robinet en France. L’association a passé en revue les chiffres 2019 fournis par le ministère des Solidarités et de la santé pour connaître la proportion de résidus de pesticides dans l’eau potable. Verdict : dans le Lot, 114 résidus de pesticides ont été détectés. Le département se situe dans la moyenne nationale mais se hisse tristement dans le top 3 des départements de la région avec le Tarn-et-Garonne ( 149) et les Hautes-Pyrénées ( 122) où il y a le plus de résidus de pesticides décelés. 

Seulement 9 résidus en Haute-Garonne

À l’inverse, la Haute-Garonne n’affiche que 9 résidus. Parmi les molécules repérées, des fongicides, des hydrocarbures et des pesticides comme l’Atrazine, le métazachlore et l’antraquinone.  

Faut-il pour autant s’alarmer ?

Non, répondent en chœur le conseil départemental et le Syded. « L’absence de certaines données biaise cette analyse, aujourd’hui des appareils très performants permettent de détecter des pesticides même en petite quantité, mais l’intérêt est de savoir si le seuil limite est dépassé ou pas ce que nous ne savons  pas dans ce rapport», indique le Syded. Car « d’après l’ANSES, pour qu’un risque sanitaire soit avéré par la présence de pesticides dans l’eau potable, il faudrait que leur concentration soit très largement supérieure aux normes de l’ARS, de 10 à 100 fois selon les molécules», ajoute un responsable technique du Syded. Et ça non plus, l’étude ne le mentionne pas. Conclusion pour le syndicat : « Il n’y a aucun risque sanitaire pour la population».

Des résultats « faussement inquiétants »

Même réponse pour Catherine Marlas, vice-présidente à l’environnement et au patrimoine au conseil départemental. « On peut s’étonner du résultat trouvé mais c’est à prendre avec des pincettes, les conditions de prélèvements ne sont pas les mêmes en fonction des départements», souligne-t-elle. Générations futures écrit d’ailleurs dans son enquête que « le choix des molécules à analyser est très différent d’un département à l’autre et donne sans doute des résultats faussement rassurants pour certains». Et « faussement inquiétants pour d’autres», ajoute la vice-présidente. Pour elle, cette étude ne fait que jeter l’opprobre sur les agriculteurs. « Il est surtout question de la métolachlore,un herbicide souvent utilisé dans le monde agricole, c’est stigmatisant pour certaines professions alors que le jardinier du dimanche peut parfois faire autant de dégâts».

Au Grand Cahors, Eric Fage, le directeur des services de l’eau et de l’assainissement se veut aussi rassurant : « dans l’agglo, alimentée par la fontaine des Chartreux, on ne détecte aucune présence de ces molécules dans nos prélèvements sur les 5 dernières semaines». Il assure que sur les 30 analyses réalisées ces cinq dernières années sur l’eau brute et en sortie de production, aucune trace n’a été relevée. 

Manon Adoue La Dépêche

Pesticides et perturbateurs endocriniens traqués dans l’eau du robinet par l’association Générations futures

L’eau du robinet contient des traces de pesticides et de perturbateurs endocriniens présumés, dénonce mercredi l’association Générations futures, qui milite contre les pesticides dans l’agriculture. Sans remettre en cause la qualité de cette eau, tempèrent les autorités.

Générations futures a épluché les analyses effectuées par les Agences régionales de Santé (ARS), qui contrôlent la qualité de l’eau du robinet. « Le ministère de la Santé communique chaque année au sujet des situations de dépassement de norme pour l’eau potable. Nous voulions aller voir la nature des molécules, si elle est préoccupante ou pas », explique à l’AFP François Veillerette, président de l’association.

En 2018, « 90,6% de la population a été alimentée en permanence par de l’eau respectant les limites de qualité réglementaires pour les pesticides », selon le ministère.

L’eau potable, « aliment le plus contrôlé en France », répond à des normes très strictes, explique Maryllis Macé, directrice du Centre d’information sur l’eau, qui représente les professionnels de la gestion de l’eau. Pour les pesticides, « on ne doit pas dépasser 0,1 microgramme par litre et par molécule » et 0,5 microgramme toute substance confondue, indique-t-elle.

273.500 prélèvements

Générations futures s’est concentrée sur des molécules au « caractère cancérogène, mutagène ou reprotoxique(CMR) » et « potentiel perturbateur endocrinien(PE) » selon la classification de l’Union européenne et la base TEDX pour les PE, considérée par l’association comme la plus complète, en l’absence de liste officielle.

Générations futures a retenu 8.835 analyses « ayant révélé la présence d’au moins un résidu de pesticide au-delà des limites de quantifications », sur environ 273.500 prélèvements au total.

Il en ressort « 15.990 quantifications individuelles de pesticides », dont 38,5% sont des CMR, 56,8% des perturbateurs endocriniens suspectés, selon Générations futures. Le pourcentage monte à 78,5% en comptabilisant les molécules ayant l’une ou l’autre de ces propriétés ou les deux, poursuit l’association.

Des molécules interdites

Les effets des perturbateurs endocriniens sur la santé sont encore mal connus. Ils inquiètent car ils peuvent agir à de très faibles niveaux d’exposition et les chercheurs suspectent des +effets cocktails+ en présence de plusieurs substances.

« La proportion de produits problématiques est vraiment importante », critique François Veillerette, qui regrette l’impossibilité de comparer les départements, les mêmes substances n’étant pas recherchées partout.

Pour Maryllis Macé, la limite du rapport de Générations futures est qu' »il ne dit rien sur le risque » pour les consommateurs.

Parmi les dix molécules les plus quantifiées, sept sont interdites depuis les années 2000, dont le métolachlore et l’atrazine, des herbicides, ou encore l’oxadixyl, un fongicide. Cette persistance s’explique par le temps nécessaire pour que les eaux polluées atteignent les nappes phréatiques. « On paye les erreurs du passé », constate François Veillerette.

« Que la réduction de l’usage des pesticides soit enfin appliquée »

Certaines de ces molécules sont les mêmes trouvées dans les cas de non-respect des limites réglementaires en 2018, comme l’atrazine ou le métolachlore.

Le ministère de la Santé précise que la quasi-totalité des situations de dépassement de la limite de qualité en 2018 « ont été limités en concentration et/ou dans le temps, ne nécessitant pas une restriction de l’usage de l’eau du robinet pour la boisson ».

Pour Générations futures, pour autant, la présence de ces substances est préoccupante. La solution n’est pas de se tourner vers l’eau en bouteille, mais « qu’une politique efficace de réduction de l’usage des pesticides soit enfin appliquée », selon son rapport.

La France a lancé plusieurs plans, dits Ecophyto, pour réduire la consommation de produits phytosanitaires en agriculture, mais ils se sont soldés par des échecs: cette consommation a augmenté de 21% en 2018, quand elle était censée diminuer de moitié en dix ans, malgré 400 millions d’euros dépensés.

Cet objectif a été repris par l’Union européenne. En mai, la Commission s’est engagée à proposer de réduire de moitié « l’utilisation de pesticides » d’ici 2030. AFP