Visite du président… les temps ont-il changé?… sourire, sourire.

. « La randonnée présidentielle est terminée. [Le chef de l’Etat] a quitté l’auto pour prendre le train qui l’emportera dans d’autres villes où il sera reçu « officiellement ». Il y aura des cuirassiers, des fantassins, des artilleurs, des états-majors chamarrés, des discours pompeux et solennels. M. Poincaré sera en tenue de Président de la République. Mais M. Poincaré, chef d’Etat, entendra-t-il ces chaudes acclamations, ces vivats spontanés que des foules enthousiastes n’ont cessé de prodiguer à M. Poincaré, touriste? Ce que nous pouvons bien affirmer, c’est que M. le Président de la République ne retrouvera pas de longtemps un accueil comme celui que lui ont fait ces populations entières du Quercy qui avaient abandonné travail, fermé leur métairie pour faire la haie sur la route au passage des autos, pour voir, pour saluer, pour acclamer le chef de l’Etat, simple touriste. Ce qui est certain, c’est que ces populations avaient, plusieurs jours à l’avance, préparé la décoration des communes, des villages, des hameaux que devait traverser le cortège présidentiel : c’est que samedi, elles ont attendu, patiemment sur la route, malgré le mauvais temps, l’arrivée, le passage de M. Poincaré. Et les acclamations partaient, d’un jet, sans recherche, sans ostentation. Les hommes se découvraient, les femmes agitaient leur mouchoir et tous criaient : « Vive le Président, vive la République! » C’était simple, c’était naturel et personne ne commandait ces acclamations. Tout le monde était content : il y avait de la joie dans l’air et lorsque le Président s’arrêtait, descendait d’auto, chacun voulait l’approcher et lui serrer la main. Pourquoi ? Peut- être parce que le Président était habillé comme tout le monde, qu’il ne refusait pas la main qu’on lui tendait, qu’il répondait à toutes les questions qu’on lui posait ; mais certainement, parce que chacun savait que le Président s’était imposé des fatigues pour voir lui-même, apprécier et proclamer les beautés de nos contrées trop ignorées des touristes qui sacrifient à un snobisme étroit, ridicule et pédant des visions d’art réel qu’offrent les paysages, les sites du Périgord et surtout du Quercy. Voilà pourquoi, ainsi que dans son toast à la presse parisienne le déclarait notre Directeur, « les populations ont une très grande reconnaissance à M. Poincaré qui, inaugurant une tradition nouvelle et heureuse a voulu prouver à tous qu’il y a, en France, des randonnées qui valent d’être faites. » C’était il y a plus d’un siècle. Le 17 septembre 1913, le Journal du Lot rendait compte ainsi, dans son éditorial, du voyage dans le Lot du Président Raymond Poincaré, et se félicitait de la simplicité de cette tournée en province (il avait d’abord fait étape en Creuse et en Corrèze et s’arrêterait ensuite en Dordogne). On saluait déjà, sans le savoir, les vertus d’un président « normal ». C’était en 1913 : qui pensait alors que moins d’un an plus tard, débuterait la terrible Grande Guerre ?

Puisqu’il était question de voyage présidentiel cette semaine, encore ce clin d’œil dans le rétro. Avec le menu du banquet offert par le Conseil général du Lot (dirigé alors par le sénateur Jean Cocula) au président Raymond Poincaré, en ce mois de septembre 1913 (édition du 14 septembre du même journal) : « Potage Consommé de Volailles, Crème de Choux, Truites Saumonées du Ruisseau de Vers, Croustade à la Cadurcienne, Filet de Bœuf à la Quercynoise, Foies Gras en Bellevue, Sorbets au Kirsch, Truffes au Vin blanc de St-Vincent-Rive-d’Olt, Petits Pois d’Artis, Perdreaux Truffés du Pech d’Angély, Salade Cœurs de Laitues, Glaces du Périer, Fromages de Rocamadour, Corbeilles de Fruits, Petits Fours ». Et pour les boissons : « Grand Ordinaire, Coteaux St-Vincent 1909, Vin Blanc du Château de Bélaye 1904, Coteaux de La Madeleine 1906, Vieux Cahors Coteaux Prince de Simèles 1904, Château Mouton Rothschild 1906, Pommard 1901, Hospices de Beaune- Vergelesses 1904, Moet et Chandon. » En ces temps-là, messieurs dames, on savait se tenir à table.

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