Toulouse : « Antoni Tàpies : Parla, parla », la nouvelle exposition du musée des Abattoirs

Le musée d’art moderne et contemporain de Toulouse présente, depuis vendredi et jusqu’au 22 mai, l’œuvre d’un  monument de l’art européen de la seconde moitié du XXe siècle, le peintre et sculpteur catalan Antoni Tàpies, disparu en 2012 à l’âge de 88 ans

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De ses dessins surréalistes des années 1940, aux grands murs et assemblages des années 2000, le travail de celui qui est considéré comme l’un des grands introducteurs de la matière dans la peinture sera présenté de façon thématique.

« Antoni Tàpies : Parla, parla » constituera la plus importante monographie consacrée à l’artiste en France depuis sa disparition. Grâce aux prêts de la Fundació Antoni Tàpies et de la famille de l’artiste, le public  pourra découvrir plus de 60 œuvres dont plusieurs toiles monumentales.

L’exposition se décline en sept ensembles, déduits à partir d’une œuvre ou d’un groupe de travaux : « Terre d’illusion », « Histoire naturelle », « Complémentaire », « Combinaisons », « Envers », « Dépose » et « Quotidien ».

Biographie d’Antoni Tàpies (1923-2012, Barcelone).

(Source : musée des Abattoirs)

Né à Barcelone en 1923 dans un milieu cultivé, Tàpies commence à dessiner dès 1934. Pendant la guerre civile qui va le marquer fortement, il tombe malade et commence à peindre durant sa convalescence.

En 1943, il entreprend des études de droit qu’il abandonne en 1946 pour se consacrer définitivement à la peinture. Tàpies est dès lors marqué par trois grandes influences : le Surréalisme, l’engagement politique et l’Extrême-Orient.

Avec des amis peintres et écrivains de Barcelone attirés comme lui par le surréalisme, il fonde en 1947 la revue Dau al set (La septième face du dé) consacrée à l’art et à la poésie ; elle est éditée en langue catalane, alors que celle-ci est interdite par le régime franquiste.

En 1950, a lieu sa première exposition personnelle à Barcelone. Il s’installe ensuite à Paris où des débats agitent le monde de l’art contemporain, opposant en particulier les peintres abstraits géométriques aux peintres abstraits lyriques. Après quelques essais de compositions géométriques, Tàpies développe un langage personnel : il entreprend des recherches sur les matières pour aboutir, dès 1953, à une texture de plus en plus dense, mélange de divers éléments : « peu à peu, dit-il, cela me donna l’idée de former la matière en mélangeant toutes sortes de corpuscules : sables, terres de différentes couleurs, blanc d’Espagne, poussière de marbre, poils (…) ou fils, morceaux de tissu, papier, etc., grâce à quoi j’arrivais, me semblait-il, à donner l’impression d’une accumulation cosmique de millions d’éléments (…) ». Dans cette matière dure et épaisse, il grave, incise, griffe, entaille et déchire ; ses œuvres évoquent de vieux murs ou certains graffitis des rues de Barcelone, tandis que des idéogrammes et des motifs de croix ou de  » T  » barrent de plus en plus souvent ses compositions, telles des signatures ou des biffures.

En 1952, il participe à la Biennale de Venise et, en 1953, expose à la galerie Martha Jackson de New York. En 1954, il rencontre Michel Tapié qui s’intéresse immédiatement à son œuvre. Depuis 1955, date de sa première exposition à la galerie Stadler à Paris, il n’a cessé d’exposer dans le monde entier.

En 1955, Tàpies s’installe sur les hauteurs de Montseny en Catalogne, où il aménage un atelier moderne, dans un mas du XVe siècle dont les vieux murs influenceront profondément sa peinture, caractérisée souvent par l’ocre, le brun, le gris, le noir et le blanc. Depuis la fin des années 1950, l’artiste emploie des matériaux de plus en plus pauvres (cartons, caisses, papier, tissu, ficelle…), qui constituent parfois le thème de ses œuvres et anticipent sur les méthodes d’appropriation des Nouveaux Réalistes. Il poursuivra ces recherches jusque dans les années 1970, au cours desquelles les assemblages d’objets se feront de plus en plus présents.

En 1965, la figure resurgit dans son œuvre

(empreintes de pieds, silhouettes, fragments de corps) sans que le peintre renonce à la matière : « la recherche est essentielle pour moi, mais je n’ai jamais abandonné non plus cette idée qu’il fallait toujours y ajouter des images »

En 1979, Tàpies développe une nouvelle technique, proche du frottage de Max Ernst : il peint sur une toile posée sur un corps ou un objet dont elle épouse les formes, soulignant ainsi le relief.

A partir de 1981, il réalise ses premières céramiques et aborde la sculpture. C’est aussi dans les années 1980 qu’il commence à peindre avec le vernis qui lui servait jusqu’ici de liant, se rapprochant ainsi des techniques et des artistes d’Extrême-Orient.

En 1983, est inauguré à Barcelone son Monument à Picasso qui accueille la Fondation Tàpies en 1990. L’artiste couronne le bâtiment, enserré par les immeubles mitoyens, d’une sculpture aérienne intitulée Núvol i cadira (Nuage et chaise), thèmes récurrents dans son œuvre et indices d’une humeur méditative et rêveuse.

En 1987, Tàpies déploie avec élégance dans le monumental Gran díptic dels mitjons, son amour pour l’art oriental. Sa calligraphie, plus souple, plus légère que les « graffiti » des années 50-60, compose un paysage où se lit une humilité toujours revendiquée et une spiritualité constante. Cependant, comme pour mieux affirmer la fausse dichotomie occidentale des mondes spirituels et matériels, il superpose une paire de chaussettes et double son geste d’un clin d’oeil au ready-made de Marcel Duchamp avec l’inscription « acalapotecari » (chez le pharmacien).

Après le Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 1973, le Jeu de Paume consacre une exposition à l’artiste en 1994. En parallèle d’une importante production artistique, Tàpies écrit de nombreux ouvrages sur l’art dont L’art et ses lieux, édité en français par la Galerie Lelong en 2003.

Antoni Tàpies s’éteint en 2012 à Barcelone, à l’âge de 88 ans.

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