À l’hôpital de Gourdon, les syndicats dénoncent un personnel épuisé

Les représentants CFDT et les représentants du personnel de l’hôpital de Gourdon, estiment avoir le devoir d’alerter sur leur situation et de leur profonde impression qu’elle produit sur l’ensemble de la structure. C’est pourquoi ils ont alerté l’Agence Régionale de Santé, sur un « danger grave » au sein de la structure.

Les représentants du personnel : « Les agents s’ils ne sont pas en « Burn-Out », sont au bord de la rupture. Cela concerne l’ensemble du personnel… Des agents retrouvés en pleurs dans leurs bureaux avec le sentiment d’inutilité. Certains cadres, s’ils ne veulent pas être maltraitants sont en épuisement. Des soignants en souffrance depuis plusieurs années. Rappelés sans cesse chez eux, la déconnexion est inexistante et génère une tension extrême. Nous sommes conscients qu’il y a des difficultés de recrutement et de fidélisation du personnel. La crise sanitaire n’excuse pas tout, on se cache derrière, mais la situation est très grave, pour ne pas dire dramatique, les situations dégradées font loi. »

Il faut trouver des solutions, les personnels ne sont pas entendus ni écoutés, estiment-ils. Ils se plaignent d’organisations de travail générant des difficultés dans leur vie privée. « Certes on a un devoir de servir mais le prix à payer est très cher depuis trop longtemps » déclarent-ils. Des agents proposent une organisation qui respecte leur qualité de vie au travail mais qui leur est refusée car on les renvoie vers la hiérarchie qui veut faire respecter la réglementation mais qui constamment serait en dehors des « clous » par manque de personnel et accuse le COVID et les plans blancs. Au vu de la gravité de la situation les représentants du personnel CFDT et les agents de l’hôpital ont pris les choses en main en rencontrant le député Aurélien Pradié, afin de lui exposer leur quotidien à l’hôpital Jean Coulon de Gourdon.

ActuLot : Quelle est la situation générale au sein de l’établissement ?

Représentants du personnel : En avril prochain il faudrait que tout le monde ait accepté cette législation et ces dysfonctionnements qui vont en découler dans la vie privée des agents… Comme par exemple au service des urgences où ils refusent catégoriquement cette nouvelle organisation avec le risque qui en découle de fermeture des urgences. Des démissions sont prêtes à être déposées pour certains… Il y a un manque de communication depuis plusieurs années et une verticalité au niveau des ordres. Tout vient d’en haut, ils décident et on doit appliquer. Nous avons été mis à l’écart ou sur la touche, dès le début du COVID où les cellules de crise s’organisent en interne avec la direction. On va se retrouver avec un bassin en difficulté, car nos directions n’ont pas voulu entendre et négocier éventuellement les hausses de salaire d’une centaine d’€, avec des agents qui voulaient juste être au même niveau que leurs collègues… Nous sommes alertés par tous les agents qui ont une réelle détresse avec un mal-être au travail. Nous avons posé à l’ARS le dossier des accidents bénins de service, il s’est avéré que depuis janvier il y a un mal-être au travail… Il y a eu une nouvelle équipe de direction qui a pris la main avec des comptes et une situation de retour à l’équilibre et des chiffres propres.

« Nous sommes sur un bassin vieillissant et nous entendons la détresse des agents voire la mise en danger des résidents en Ehpad »

Sur Gourdon nous sommes sur un bassin vieillissant et nous entendons la détresse des agents voire la mise en danger des résidents en Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes)… Faisons simplement le relevé de 3 trois protocoles en EHPAD (prescription de certains médicaments). Il s’avère que c’est excessivement important en comparaison de 2019… Nous fragilisons nos résidents par la prise de médicament, parce que nous ne sommes pas assez nombreux pour les aider à marcher, par manque de temps suffisant pour leur parler, les accompagner. J’ai mal à mon Pays en voyant cette situation… En déplaçant certains examens pour cause de COVID comme des mammographies, comment allons-nous retrouver cette personne 4 mois plus tard avec peut-être un cancer généralisé que l’on aurait peut-être pu découvrir plus tôt. Nous ne voulons plus être spectateurs de cela. Il faut que vous M. Pradié vous arriviez à vous saisir de cela et sensibilisiez les hautes autorités de façon à ce que nos pères et mères soient pris en charge avec le respect qu’on leur doit, leur histoire de vie et non pas comme des « lapins ». Nous ne pouvons plus rester spectateur ! »

Actu : Quel regard avez-vous sur cette situation ?

Aurélien Pradié : Aurélien Pradié, député du Lot : Il faut regarder de manière institutionnelle, on a organisé une forme de « maltraitance ». La période COVID a été absolument scandaleuse, sur l’isolement des personnes âgées, c’est insupportable… Se rajoutent à cela les obsèques qui ont été pour certains un moment des plus violents que l’on aurait imaginé. Interdire à des familles de participer à des obsèques dans des cimentières, dans des églises ce fut d’une telle violence. Le sujet c’est : comment aujourd’hui on réorganise totalement la prise en charge de nos aînés, que l’on trouve du financement pour cela et que l’on y mette de vrais moyens. Nous sommes en train de faire trois victimes : les familles, pour qui, c’est devenu incroyablement douloureux d’aller visiter leurs parents dans un EHPAD – les patients, les personnes âgées sont elles aussi des victimes et le personnel. Ce ne sont pas des métiers dont on peut se détacher humainement, vous n’êtes pas des machines. Nous sommes en train de casser totalement le système. Aujourd’hui le gouvernement s’interroge car ils ne comprennent pas la crise des vocations. Oui c’est une vocation mais il faut aussi que vous ayez le moyen de gagner votre vie, avec de vraies conditions de travail.

Quelle position ou vision avez-vous sur la santé ?

A. P. : La santé a changé et notamment la santé vieillissante. Il y a 40 ans nous savions financer la santé. Aujourd’hui le cœur du coût santé pèse sur les personnes âgées et nous n’avons pas de branche de financement. La branche de sécurité sociale à laquelle je crois profondément mais qui n’a pas été mise en place et abandonnée parmi toutes les réformes alors qu’elle est essentielle c’est celle-là. Il faut que moi demain je puisse cotiser tout au long de ma vie pour financer cela. Si nous ne le faisons pas, c’est ce qui commence à émerger aujourd’hui, c’est que : ceux qui gagnent bien leur vie qui vont cotiser dans différents systèmes d’assurance, seront seuls à être pris en charge… Tout le monde doit être sur un pied d’égalité avec le même service public. En réglant la question du financement nous avons réglé la rémunération des personnels car le sujet, il est là. Mais que fait-on de nos aînés, on « bricole totalement sur le sujet », alors que nous avons des outils qui nous permettent de faire mieux. Comment avons-nous pu laisser « crever », les hôpitaux depuis 30 ans. Comment avons-nous laissé mourir ce domaine. Première raison, je pense, c’est la raison financière, budgétaire, idiote, car cela a eu des conséquences lourdes financièrement derrière. Comme pour la crise COVID au lieu de fermer les lits de réanimation, mais plutôt d’ouvrir ces lits qui nous ont été promis depuis deux ans…

Qu’est-ce que vous allez pouvoir faire, envisager, dire ou proposer qui amènera au moins à un début de réflexion concrète ?

A. P. : Je pense que c’est en train de bouger. Il y a quelque chose que je constate, quand on se bat, il y a un moment où l’on obtient quelque chose. Je l’ai fait sur d’autre sujet, le handicap ou les violences conjugales ou l’on m’a dit vous n’y arriverez jamais… La réalité c’est que nous avons fait bouger des lignes… Je constate qu’il y a une prise de conscience collective à droite comme à gauche sur le fait que l’hôpital est vraiment à bout de souffle… Je vais faire remonter tout ce que vous me dites, c’est mon boulot et nous n’avons pas à le prendre à la légère en particulier sur la reconnaissance que vous évoquiez… Je vais revenir sur l’hôpital de Gourdon très prochainement et rencontrer le directeur pour lui faire remonter les différents sujets que vous avez évoqués… Sachez que je partage votre vision des choses… Je m’engage à être le porte-parole à l’assemblée sur ces différents sujets, votre douleur, des colères, d’être porte-voix, c’est mon travail de le faire entendre.

Vous avez interpellé le député, vous vous doutez bien que rien ne va bouger dans les mois qui viennent, du moins sur le plan national. Qu’attendez-vous de cet entretien avec M. Pradié ?

Les représentant du personnel : Déjà il y a eu une écoute attentive à nos différents problèmes et nous avons eu l’impression d’être entendus. Et qu’on laisse le temps aux 430 agents de l’hôpital de Gourdon de voir, organiser, cette mise place de la T2A (tarification à l’activité)… Laissons le personnel travailler ensemble pour trouver un équilibre… Aujourd’hui c’est le système d’alarme de tous nos agents qui est en détresse. Et finalement pas de réaction.

Olivier Ageorges Actu Lot