Affaire Crenne-Pradié

JusticeUn dossier à citation directe, à la demande d’une partie civile, Emmanuel Crenne, responsable du FN dans le Lot, a été évoqué hier devant le tribunal correctionnel. Le plaignant reprochait à Aurélien Pradié (Les Républicains) des injures, insultes, détournement d’électeurs, dans le cadre de la campagne pour les élections régionales – où tous deux ont été élus.

Tout est parti de deux tracts, l’un signé par Aurélien Pradié, l’autre par son équipe de campagne, avant les élections régionales de décembre 2015. Ce tract du candidat de Les Républicains reprenait notamment les extraits d’une interview d’Emmanuel Crenne parue dans un hebdomadaire lotois. Le responsable du FN du Lot y expliquait avoir été trader à Londres pour l’argent.

De là découlent les trois poursuites, où le ministère public a bien fait savoir ne pas avoir de réquisitions à prendre. Les deux hommes politiques par la voix de leurs avocats parisiens (Me Rémi-Pierre Drai pour Aurélien Pradié, Me Patrice Charles pour Emmanuel Crenne) ont fait part de leur différend. «Le droit de la presse est un droit technique. Le droit de la presse a été créé avec un certain nombre de formes procédurales. Le législateur a voulu protéger le droit de la presse. La presse est libre», remarque Me Drai. Il précise que quelques semaines avant cette «affaire», M. Crenne avait publiquement traité M. Pradié de «gangster».

Dans la salle d’audience, des militants FN sont présents. Le climat est étrange, autant que la présence de ces deux hommes dans cette «maison».

«M. Crenne s’est senti traîné dans la boue par ce tract. M. Pradié a diffamé la fonction plus que respectable de trader. Il lui a inventé un passé calomnieux. Ces tracts ont influencé un certain nombre d’électeurs au second tour des élections régionales», estime Me Charles.

Le tribunal appelle Aurélien Pradié à s’exprimer. «Sur le fond, ce n’est qu’une vaste mise en scène pour une utilisation politique. Je ne me défausse en rien sur ce que j’ai écrit. Ce sont des tracts politiques, ce n’est pas de la grande littérature. C’est légitime de ma part d’inciter les électeurs à se détourner du FN. Je rappelle le contexte d’une élection régionale difficile ; je ne m’excuse de rien, déclare-t-il. Je dénonce la caricature, je n’ai jamais dit que Monsieur Crenne faisait de la politique pour l’argent. J’ai dit que l’argent est constitutif de sa personnalité. Son parcours est connu. Il a été trader, ce n’est pas une insulte. On ne doit pas oublier d’où l’on vient», assure le conseiller régional.

«M. Pradié n’a jamais reconnu le caractère public de ces tracts. S’il n’y a pas de preuve apportée par la partie civile sur le caractère public de ces tracts, il faut relaxer. Quand on fait de la politique, on sait que l’on va recevoir des coups. Monsieur Crenne n’avait qu’à rester dans sa tour de Londres», poursuit Me Drai.


Délibéré le 27 octobre

Le tribunal rendra son jugement le 27 octobre. L’avocat d’Emmannuel Crenne a demandé 30 000 € de dommages et intérêts. L’avocat d’Aurélien Pradié a pour sa part réclamé 10 000 € de dommages et intérêts «pour avoir abusé de sa constitution de partie civile» et 12 000 € au titre des frais d’avocat. Il a plaidé la relaxe, concluant : «On n’est pas là pour préparer des élections mais pour faire du droit.»