Attaqué par le virus Bernard Charles, a frôlé la mort

Sauvé ! L’ancien député PRG du Lot et ex-maire de Cahors, Bernard Charles, a frôlé la mort après avoir été l’un des tout premiers Cadurciens affectés par le coronavirus.
Il a été admis à l’hôpital de Cahors vendredi 27 mars, puis placé en réanimation.

Personne, à cet instant, ne pouvait se prononcer sur l’issue de l’attaque du virus qui agressait là un homme présentant un terrain pathologique très défavorable.

Rappelons que Bernard Charles a été victime d’un accident cardio-vasculaire en 2006. Ses antécédents médicaux ne devaient pas lui permettre de livrer une guerre à armes égales contre son ennemi. Aujourd’hui, c’est en vainqueur de cet âpre combat que Bernard Charles nous raconte « sa » guerre.

Vous êtes définitivement guéri. Est-ce que sauvé veut dire miraculé, pour vous ?

Dans l’état où j’étais et où je me retrouve enfin maintenant, oui, on peut dire que je suis un miraculé. Je suis resté trois semaines dans le coma. J’ai fait plusieurs arrêts respiratoires et les soignants m’ont ramené plusieurs fois à la vie.
L’hôpital de Cahors a réussi à me sauver. Je dois la vie à ses équipes sans aucun doute.

Vous êtes l’un des plus célèbres Cadurciens et l’un des premiers frappés par le virus. Comment analysez-vous cet étonnant coup du sort ?

Écoutez, je ne l’explique pas vraiment. C’est en effet réellement un très mauvais coup du sort. Je me déplace beaucoup pour mon travail à la gouvernance du Groupe pharmaceutique Pierre Fabre. Je suis conseiller auprès de la présidence dans le domaine de la pharmacie. Je connais très bien le monde médical et hospitalier.
Le vendredi qui a précédé mon hospitalisation, j’ai participé à une grande réunion professionnelle qui avait lieu à Paris. Il y avait beaucoup de monde.
J’ai ensuite passé un week-end sans symptômes, puis le lundi j’ai ressenti une forte douleur musculaire à une jambe et une grande faiblesse. J’ai alors été voir le docteur Slim Lassoued à l’hôpital de Cahors. Il m’a ordonné un scanner. C’est à partir de ce scanner que le Covid-19 a été détecté.

Quels ont été les symptômes de la maladie sur vous ? Doutiez-vous de l’issue et avez-vous eu peur ?

Peur, pas vraiment, mais à mon premier réveil à Cahors, j’étais désorienté. Je me suis cru dans un autre hôpital. J’avais perdu toute notion d’espace et de temps. Je n’ai pas eu de fièvre, ni de toux et d’éternuements. Pas de nausées non plus.
J’ai juste ressenti de la fatigue et cette douleur intense à la jambe. Je pensais qu’il s’agissait encore des conséquences de mon AVC.

Les autres pathologies dont vous souffrez n’étaient pas vos meilleures alliées dans ce combat. Cela vous a-t-il préoccupé durant ces jours à l’hôpital ?

Non, je n’étais pas très inquiet par rapport à cela. Ce qui me dérangeait surtout c’était le dispositif d’aide respiratoire qui me permettait de vivre, certes, mais à cause duquel je ne pouvais rien voir ni rien dire. Je n’avais pas une grande inquiétude. Dans ma vie, je n’ai jamais eu de problèmes respiratoires. Je ne fume pas. J’ai fait du sport. J’ai joué au sein de l’équipe de La Faculté de médecine et de pharmacie de Toulouse.

Quels ont été les moments les plus difficiles pendant votre hospitalisation ?

Incontestablement, ce sont les moments où je me retrouvais complètement dans le cirage. Totalement perdu. Cela s’est répété plusieurs fois pendant les heures les plus dures de la maladie. Ensuite, se battre pour s’en sortir, c’est assez rude aussi. Il faut tout faire pour s’accrocher à la vie. Ce n’est pas toujours facile bien sûr, mais ça vaut le coup de lutter.

Avez-vous aussi vécu des instants bien plus heureux qui resteront gravées en vous ?

Je considère, par mes activités professionnelles, que je viens moi aussi du monde hospitalier. Donc en toute logique j’observe et je peux dire que le personnel, à Cahors, a été au top de ses compétences. C’est avant tout leur attitude très professionnelle et humaine que je veux retenir. Les instants heureux correspondent exactement à cela.

En vous interdisant les mots formidables, merveilleux et exemplaires, pour ne pas se répéter, comment pouvez-vous qualifier les agents et les médecins de l’hôpital de Cahors ?

Les mots qui leur correspondent le mieux sont excellence et humanité. Tous ont accompli un travail remarquable tout en étant très proches de nous tous. Je n’ai pas vu le moindre relâchement dans les soins et leur veille auprès des malades.

En tant que maire, vous avez contribué au développement de cet hôpital.
Avez-vous mesuré sur votre propre personne les effets de vos actions d’ancien élu au service de cet établissement ?

On m’a beaucoup parlé de cela pendant mon hospitalisation. J’ai été à l’origine de la dernière tranche de l’hôpital. J’ai œuvré dans le domaine de la stérilisation et de l’hygiène médicale en tant que président des services de la Stérilisation française.

Guérir c’est aussi retrouver ses capacités d’indignation. Qu’est-ce qui vous indigne dans la gestion de cette crise ?

C’est une gestion très confuse et pleine de contradictions. Aller raconter aux gens qu’il est inutile de mettre des masques, au début de la crise, c’est aberrant.
La France en manquait. Et maintenant le gouvernement fait volte-face et préconise à tout le monde de porter un masque.

Et au contraire, qu’est-ce qui vous met du baume au cœur ?

Tout naturellement de constater que l’hôpital de Cahors, que l’on dit en grande difficulté, démontre quant à lui qu’il est capable de surmonter la crise sanitaire alors qu’il manque pourtant des effectifs et du matériel. Mais le personnel compense en faisant le maximum pour les patients.

Quelle va être la suite de votre parcours médical ? Un transfert pour une rééducation ?

Oui. Dès dimanche, je vais intégrer le service de rééducation de Montfaucon pour soigner ma jambe en priorité et me sentir encore mieux pour reprendre mes activités professionnelles auprès des Laboratoires Fabre.

Qu’est-ce que reprendre une vie normale voudra dire pour vous ? Croyez-vous au retour à la vie d’avant ?

Oui, j’y crois. Je veux continuer à écrire. J’ai fait un livre sur la vie à domicile d’un malade atteint du cancer. Je travaille sur cette thématique avec l’Oncopole de Toulouse. Je compte continuer.

Votre combat n’est pas une guerre ordinaire. Après cela, on dit toujours que l’on sait mieux que quiconque définir le bonheur. Alors, c’est quoi le bonheur pour vous ?

Le bonheur pour moi, c’est profiter de la nouvelle vie qui m’est offerte maintenant.
Je vais éviter d’être sous pression. Je vais accomplir ce qui me plaît et ce que je sais faire. J’ai un nouveau livre à écrire. Certains de mes amis veulent que j’écrive un livre-mémoire sur ma vie. Mes vies je dirais plutôt. Mais moi je veux surtout travailler sur la thématique du bon usage des médicaments. Cela reste dans le domaine de mes compétences.

Guérir c’est aussi retrouver son humour. Croyez-vous que le diable du pont Valentré a voulu vous jouer un mauvais tour, comme dans sa légende avec un architecte ?

Qui sait ? Peut-être. Comme l’architecte, j’ai eu de la chance de gagner contre le diable. Je veux laisser un message d’espoir aux gens. J’ai subi un AVC qui ne m’a pas empêché de travailler, puis j’ai eu un cancer de la prostate et là je me sors du coronavirus. On peut gagner toutes les guerres.
Propos recueillis par Jean-Luc Garcia La Dépêche