Avez vous visité les archives départementales?

Les archives départementales du Lot, créées en 1796 durant la Révolution pour sauvegarder les écrits des nouvelles institutions, conservent des millions de documents à Cahors. Service du conseil départemental, leurs locaux renferment pas moins de 11 km d’étagères remplies de boîtes d’archives principalement publiques (produites par des institutions comme les mairies ou encore les hôpitaux). Des documents stockés dans des conditions de conservation étroitement surveillées, au sein d’un ancien couvent, celui des Capucins, du XIXe siècle.

 
 

Sont archivés dans ces bâtiments aussi bien des documents publics récents comme les cahiers de doléances du Grand Débat national d’Emmanuel Macron, que des documents très anciens comme des parchemins issus des archives de seigneurs quercynois du Moyen Âge. L’un de ces parchemins, rédigé en 1345 pour le seigneur Bertrand Popia vivant près de Marcilhac-sur-Célé, fait plus de 10 m de long une fois déroulé. « C’est une reconnaissance féodale : un document par lequel un seigneur énonce la liste de ses domaines et de ses droits et reconnaît les détenir de son suzerain », explique Marie Llosa, responsable des relations avec le public. « Les archives départementales du Lot contiennent de nombreux documents médiévaux grâce à la récupération des fonds d’archives de communes très anciennes comme Cahors, Gourdon et Figeac » ajoute-elle.

D’autres documents bien moins anciens relatent simplement de la vie quotidienne des Lotois au siècle dernier. Fabienne Pons, responsable de la collecte des archives nous présente un mot d’excuse pour l’absence de deux enfants écrit par leur mère en 1957 (voir photo ci-dessus) . D’autres documents relativement récents témoignent de la vie des Lotois durant les guerres mondiales. C’est le cas de lettres écrites vers 1940 par un prisonnier français. Capturé en 1939 par les Allemands, ce Lotois écrit à son père pour que celui-ci lui envoie un colis de nourriture, pour compléter la maigre ration que lui donnent les Allemands. Les archivistes nous expliquent que le père n’a pas pu l’aider car lui-même était incarcéré au même moment pour vol. C’est la Croix-Rouge française qui a finalement envoyé un colis de nourriture à ce prisonnier.

Cette masse de documents est accessible à tout le monde, dans la limite des règles de consultation. Ainsi les objets archivés servent régulièrement à des historiens, à des particuliers s’intéressant à leur généalogie, etc. Aujourd’hui les archives se sont modernisées : certains documents sont consultables en ligne, sur le site des archives départementales. Un service éducatif des archives existe également et reçoit 1 000 collégiens lotois par an.

Un travail minutieux

19 personnes sont employées aux archives départementales et exercent des métiers et des tâches aussi différentes que la collecte des documents, leur classement, leur conservation et la communication avec le public. Conserver des archives implique un travail minutieux, car un document ayant traversé les siècles intact peut être rapidement détérioré si les bonnes conditions de conservation ne sont pas réunies. Ainsi les employés conditionnent les documents dans des matériaux spécifiques, à l’abri de l’humidité, de la lumière, etc. Le cas échéant, le personnel peut décider de réparer des documents.
Eloi Boyé La Dépêche

Trésors d’archives

Le mariage au XIXe siècle : les actes respectueux

Pétronille chez le notaire : J 2514

Le 27 octobre 1857, Pétronille B. « demeurant depuis environ six ans dans la commune de Sainte-Alausie […] en qualité de fille de service au lieu de Bouisset, chez l’instituteur primaire de cette commune » comparait devant maître Bousquet, notaire à la résidence de Saint-Cyprien, canton de Montcuq.
« Agée de vingt cinq ans accomplis, [elle] demande respectueusement à Jean B. son père, veuf, demeurant comme colon partiaire [métayer] au lieu de la Bartiole, commune de Saint-Pantaléon, son conseil sur le mariage » qu’elle « se propose de contracter avec Jean C., agriculteur, demeurant au lieu de Rans [Ramps], commune de Sainte-Alausie ».
Pétronille requiert Me Bousquet, notaire soussigné, « de faire la notification de cette demande à son père, ainsi que la loi le prescrit. Dont acte en brevet, fait et passé à Belmas, commune de Saint-Cyprien » en présence d’un maçon, demeurant à Lamasse, commune de Saint-Cyprien, et d’un ouvrier charpentier, demeurant sur la commune de Saint-Cyprien et natif de celle de Cézac.

Un acte respectueux formel

Au XIXe siècle, la majorité matrimoniale est de 25 ans pour un homme et de 21 ans pour une femme selon l’article 148 du code civil napoléonien (1804) : « Le fils qui n’a pas atteint l’âge de vingt-cinq ans accomplis, la fille qui n’a pas atteint l’âge de vint-et-un ans accomplis, ne peuvent contracter mariage sans le consentement de leurs père et mère ; en cas de dissentiment, le consentement du père suffit ».  

Mais même plus âgés, les jeunes gens qui désirent se marier doivent notifier aux parents le projet par un acte notarié : « acte respectueux » ou « acte de respect ». En cas de refus, la demande doit être renouvelée deux fois. A l’issue de cette procédure légale,  même à défaut de consentement, le mariage peut être célébré un mois après la dernière notification.
Si le garçon a plus de 30 ans, ou la fille plus de 25 ans, un seul acte respectueux suffit.
Ces mesures – progressivement assouplies à la fin du XIXe siècle – ont été définitivement supprimées par la loi du 2 février 1933. Cette loi – assimilant l’âge de la majorité matrimoniale à l’âge de la majorité de droit commun – a rendu totalement libres les jeunes gens majeurs de se marier sans consentement parental.

Honneur et respect

« Il est un âge où les enfants capables de faire avec discernement le choix d’un époux, n’ont plus besoin du consentement de leurs parents ; mais ils doivent toujours honneur et respect » rapelle le Dictionnaire de législation, de doctrine et de jurisprudence en matière civile, commerciale, criminelle, administrative et de droit public par A. Dalloz, édition de 1844.

Il est ici fait référence aux articles 151 à 153 du code civil napoléonien promulgué en 1804 :

  • Art. 151.  Les enfants de famille ayant atteint la majorité fixée par l’article 148, sont tenus, avant de contracter mariage, de demander, par un acte respectueux et formel, le conseil de leur père et de leur mère, ou celui de leurs aïeuls et aïeules, lorsque leur père et leur mère sont décédés ou dans l’impossibilité de manifester leur volonté.
  • Art. 152. Depuis la majorité fixée par l’article 148, jusqu’à l’âge de trente ans accomplis pour les fils, et jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans accomplis pour les filles, l’acte respectueux prescrit par l’article précédent, et sur lequel il n’y aurait pas de consentement au mariage, sera renouvelé deux autres fois, de mois en mois ; et un mois après le troisième, il pourra être passé outre à la célébration du mariage.
  • Art. 153. Après l’âge de trente ans, il pourra être, à défaut de consentement sur un acte respectueux, passé outre, un mois après, à la célébration du mariage.

Un acte en brevet

Un « acte respectueux » – passé devant notaire – est un « acte en brevet » : en clair, le notaire mentionne l’acte dans son répertoire, mais donne l’original à la partie concernée. Ce qui explique qu’on ne trouve pas ces documents dans les minutes du notaire (sauf exception), mais dans les archives privées.

Une réminiscence de l’Ancien Régime

Loin d’être une invention du code civil, la majorité matrimoniale plonge ses racines au milieu du XVIe siècle. Son principe (30 ans pour les fils et 25 ans pour les filles) est posé par l’édit de février 1556 que Henri II fait publier sur les « mariages clandestins » ; il est assorti de l’obligation pour les enfants, même après leur majorité, de solliciter l’avis de leurs parents par des actes respectueux.
L’article 41 de la grande ordonnance de réformation dite de Blois (1579) confirme l’instauration de la majorité matrimoniale de 25 et 30 ans en deçà de laquelle l’assentiment des parents est requis, ainsi que l’exigence d’actes respectueux de la part des majeurs.
Le vent révolutionnaire tente de balayer la chose : la loi du 20 septembre 1792 ramène la majorité pleine et entière à 21 ans pour les deux sexes ; il n’est plus fait de distinction entre majorité matrimoniale et majorité civile. Mais le code civil napoléonien défait la législation révolutionnaire et conforte les dispositions de l’Ancien Régime.

Pour aller plus loin 

Dictionnaire de l’Ancien Régime. Royaume de France XVIe-XVIIIe siècle  sous la direction de Lucien Bély, Presses universitaires de France, 1996. Voir l’article « Mariage ».

La vie conjugale sous l’Ancien Régime par François Lebrun aux éditions A. Colin, 1998. Collection U.

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