Consignes pour Noël et le Nouvel an

Cette fois l’enjeu était vital, les lutins et le gnome se réunirent pour prendre les mesures d’urgence qui s’imposaient.

En 2018, ils s’étaient contentés d’enfermer le père Noël dans sa hotte, lui fauchant son traîneau et son renne pour s’offrir un voyage interstellaire.

En 2019, ils le tassèrent dans une cheminée trop étroite pour sa bedaine.

 2020, année qui par sa configuration numérique devait apporter le bonheur sombra dans le malheur pandémique. Les virus tombaient comme des pluies de confettis. De lourds soupçons pesaient sur le gros rougeaud. Or, il revenait la hotte bourrée de virus retors et de germes maléfiques planqués au milieu des chocolats et autres guimauves.

Les gamins et les rennes savaient qu’il fallait renoncer au consumérisme forcené et proscrire les retrouvailles autour des victuailles et des volailles. Ces dernières avaient entamé une grève de l’œuf pour attirer l’attention sur leur sort déplorable, s’associant aux dindes et aux canards cirrhosés. Malheureusement, les adultes s’obstinaient en scandant : « Noël, Noël, Noël »  tout en poussant devant eux des vieillards déstockés en hâte qui pourtant ne croyaient plus à ces fariboles depuis belle lurette.

Un groupe de lutins et d’elfes empruntèrent des ailes de fées et des balais de sorcières pour rejoindre la Laponie afin d’enlever le père Noël. Comme à son habitude, il cuvait tout en tétant sa barbe d’un blanc douteux. Ils l’enveloppèrent dans un nuage qu’ils tractèrent jusqu’au-dessus du cratère de l’Etna où ils le précipitèrent.

Restait à neutraliser la nuit du 31 décembre pour limiter la propagation de la bêtise et du virus. Une équipe de génies et follets avaient dérobé une aurore boréale ainsi qu’un arc-en-ciel pour assurer la limpidité de la nuit comme au premier matin du monde. Enfin, sous l’égide de Chronos esprits et divinités s’unirent pour bloquer toutes les horloges de l’univers.

Bouteilles en main, les fêtards des Champs Élysées attendaient la nuit noire et les douze coups de minuit. Ils finirent pas s’endormir sur place comme la Belle au bois dormant. L’ange de l’aube du 1er de l’an leur conseilla de rentrer chez eux pour éviter le ridicule et de revenir l’an prochain.

Texte Colette Brogniart http://colettebrogniart.com

Carte (modifiée) Gillian Golding

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