Un amour géant pour la terre. Profitez du confinement, rencontrez Anselm Kiefer en vidéo

Chez Kiefer, tout est énorme: il se joue  des matériaux (les cendres, le plomb, le sable, le béton, les végétaux et la peinture au sens le plus traditionnel du terme). C’est un homme qui n’hésite pas à déplacer littéralement les montagnes, comme il l’a fait autour de sa résidence du sud de la France à Barjac, creusant les collines et construisant des tours.

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Anselm Kiefer a d’abord exhumé la mémoire douloureuse de l’Allemagne. Puis il a enfourché les grands mythes de l’humanité.

il s’agit d’un travail de la mémoire, d’un exercice musculaire voire d’une discipline, tant Kiefer en fait une activité quotidienne de fouille, d’exhumation et de mise en forme, qui lui donnent la carrure d’un véritable athlète de la mémoire allemande et même occidentale.

Pour comprendre cette œuvre assez intimidante à cause de la portée des moyens qu’elle mobilise et de l’étendue des questions qu’elle pose, il faut en évoquer le lieu et les circonstances. Kiefer naît en Allemagne le 8 mars 1945, deux mois avant la capitulation nazie. Il grandit dans un pays dévasté où restent encore les décombres de quelques bâtiments hitlériens construits afin de produire des ruines fabuleuses mille ans plus tard selon la volonté d’Hitler et la doctrine de l’architecte du Reich, Albert Speer. Après la guerre et après de courtes années passées à solder les comptes, le monde passera à autre chose, à la guerre froide avec le communisme où la République fédérale d’Allemagne devient une vitrine politique, stratégique et économique face au nouvel ennemi. Il est recommandé d’oublier.

Anselm Kiefer n’esquive rien. Il fait face à l’incroyable effondrement de l’espérance culturelle allemande qui, de la philosophie des Lumières, de la poésie romantique, de la musique, de la peinture, de Bach ou Beethoven, Kant, Goethe, Novalis et Friedrich au triomphe d’Hitler pose le problème de la raison et de l’héritage. Il ne fait pas face par la seule pensée. Il va au cœur. Il éprouve. Il expérimente. Il se met à la place, au centre de la chose qui n’a pas empêché la barbarie et l’a peut-être, peut-être, rendue possible.

En 1993, l’artiste Anselm Kiefer quitte Buchan, en Allemagne, pour Barjac, dans le sud de la France. Il y construit La Ribotte, un atelier-colline comprenant quarante-huit bâtiments qui s’étendent sur plus de 35 hectares, comme un village étrange et tentaculaire. Pour la première fois, une caméra déambule dans ce gigantesque labyrinthe.

En 2007 Anselm Kiefer expose au Grand Palais à Paris pour la Monumenta, il s’exprime alors:

« L’exposition au Grand Palais s’appelle Sternenfall (chute d’étoiles). C’est un titre que j’ai donné à certains de mes tableaux il y a des années. Ce titre comprend la naissance et la mort de l’univers avec toutes ces étoiles qui naissent et meurent chaque jour comme des êtres humains. 100 millions d’années pour une étoile c’est peut-être comme une minute pour nous. Les rapports de temps sont différents. Et quand une étoile meurt, elle explose, elle devient incandescente, blanche et elle explose en envoyant toutes sortes de débris et de poussières dans l’univers à des distances inimaginables. Et puis cette matière se rassemble, coagule et forme de nouveau une étoile, une autre étoile. Sternenfall parle de ce métabolisme universel, ce métabolisme de la nature et des astres. Ce titre ne comprend pas seulement notre vie, il comprend l’univers. » Anselm Kiefer