Élisabeth Borne veut faire du ferroviaire « la colonne vertébrale » de nos mobilités.

La Première ministre recevait ce midi le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, chargé de réfléchir aux priorités à donner aux investissements futurs dans les transports. Le train en est le grand gagnant.

  • Ce vendredi midi, Élisabeth Borne annoncé un plan de 100 milliards d’euros alloués d’ici à 2040 au ferroviaire, dont elle veut faire « la colonne vertébrale » de nos mobilités.
  • Cette priorité au train est aussi le message clé du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) remis ce vendredi à la Première ministre.
  • Ce COI propose trois scénarios, dont le deuxième, intitulé « planification écologique » a les faveurs de la Première ministre. Il met l’accent sur l’entretien et la modernisation du réseau ferroviaire existant. Reste une inconnue : comment le gouvernement va se l’approprier.

Faire du train la « colonne vertébrale » de nos mobilités. C’est la promesse faite par Élisabeth Borne ce vendredi, en annonçant une enveloppe d’investissements de 100 milliards d’euros d’ici à 2040 pour le domaine ferroviaire. La Première ministre recevait ce midi le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures (COI). Cette instance, d’une vingtaine d’experts et présidé par le député radical des Vosges David Valence, avait été chargée en octobre dernier par Matignon de faire des propositions en matière de priorisation des investissements pour les infrastructures de transports. Le tout en respectant au maximum l’enveloppe budgétaire fixée par la loi d’orientation des mobilités (LOM) de décembre 2019.

Ne pas jouer petit bras ?

Quelle part allouer à l’entretien et la modernisation des réseaux existants ? Quelle autre aux nouveaux projets ? Et à quel mode de transport donner la priorité ? La voiture, le train, le vélo ? L’enjeu est de taille puisqu’il faut à la fois répondre aux besoins quotidiens des Français, tout en assurant la transition écologique des transports. « Ce secteur est le premier émetteur de gaz à effet de serre en France (30 %), le seul aussi qui n’a pas vu ses émissions baisser depuis 1990 », rappelle Valentin Desfontaines, responsable « mobilités durables » au Réseau action climat (RAC).

Dans son rapport de plus de 150 pages, le COI ne propose pas un scénario, mais trois. Seul le premier respecte le cadrage budgétaire en prévoyant 54,8 milliards d’investissements supplémentaires dans les infrastructures de transports sur le quinquennat : 16,9 milliards proviennent de l’État, le reste d’autres financeurs comme les collectivités, l’Union européenne ou SNCF Réseau… Mais le COI juge cette enveloppe bien trop faible au regard des enjeux et « propose de ne pas retenir » ce scénario.

« Planification écologique » plutôt que « priorité aux infrastructures »

À l’opposé, le scénario 3, intitulé « priorité aux infrastructures », explose largement le budget puisqu’il est évalué à 98 milliards sur cette période 2023-2027, dont 29 milliards apportés l’État. Ce scénario est aussi celui qui vise le plus à accélérer la construction de nouvelles infrastructures. Les chantiers de grands projets ferroviaires, comme les lignes à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Béziers, pourraient ainsi être engagés d’ici à 2027, en avance sur le calendrier prévu.

Mais ce plan donne également la part belle aux projets routiers afin de répondre à la demande des collectivités. « La dizaine aujourd’hui dans les cartons – que ce soit les nouvelles autoroutes ou les contournements d’agglomérations, comme à Rouen, Arles ou Nîmes – pourraient être réalisés, décrypte Valentin Desfontaines. Il met pourtant hors jeu ce scénario. « C’est celui qui a cherché à faire plaisir à tous les acteurs mais il n’est absolument pas compatible avec les enjeux climatiques et de biodiversité. Ces nouvelles routes sont synonymes d’artificialisation, entraînent des hausses de trafic, et nous maintiennent dans une logique du tout voiture, loin encore d’être zéro émission. » Le COI est lui-même divisé sur ce scénario. « Une partie considère qu’il ne va pas dans le sens d’objectifs environnementaux plus ambitieux », indique le rapport.

Priorité à l’entretien du réseau ferroviaire existant

Reste donc le scénario 2, dit « de planification écologique ». « Notre scénario central », présente David Valence. Celui, également, retenu par Elisabeth Borne ce vendredi midi. Il prévoit 84,3 milliards d’euros d’investissement, toujours entre 2023 et 2027, dont 23,7 milliards apportés par l’État. Ce scénario, lorsqu’on le déroule jusqu’en 2040, doit allouer 100 milliards d’euros au ferroviaire d’ici à 2040, le chiffre clé mis en avant par Elisabeth Borne ce vendredi. On n’est pas très loin des besoins évalués cet été par Jean-Pierre Farrandou, le PDG de la SNCF (lui demandait ces 100 milliards sur 15 ans).

Valentin Desfontaines salue tout de même cette nouvelle enveloppe et la priorité donnée, dans son utilisation, à l’entretien du réseau existant. « Le chantier le plus urgent », insiste-t-il. S’il est validé, 1,5 milliard d’euros supplémentaire serait alloué chaque année à la modernisation et la régénération de ce réseau, annonce Elisabeth Borne. Cela laisserait tout de même des fonds pour financer de nouvelles infrastructures. Si les nouvelles LGV seraient reportées de quelques années, au nom de la priorisation budgétaire, Elisabeth Borne prévoit, à l’inverse, d’accélérer les « RER Métropolitains » chers à Emmanuel Macron et qu’il souhaite voir dans les dix plus grandes villes françaises. Dans les priorités, Elisabeth Borne cite également l’enjeu de relancer le réseau de trains de nuit ou de développer le fret ferroviaire.

« Le comment importera autant que le combien »

Voilà pour les intentions. « Le comment ces engagements pourront être tenus importe au moins autant que le combien », rappelle David Valence en remettant son rapport à Elisabeth Borne. Matignon précise cependant que le scénario 2 ne sera cependant pas repris dans son « intégralité ». « Il servira de base de travail dans les discussions que nous allons avoir à partir de mars avec les collectivités locales pour décider sur quoi nous allons investir », explique un conseiller d’Elisabeth Borne.

C’est toute la crainte de Valentin Desfontaines : que ce scénario soit édulcoré au cours de ces négociations, « alors même qu’il conviendrait encore d’en rehausser l’ambition ». Et d’insister : « Nous aurions beaucoup aimé qu’Elisabeth Borne fasse le choix fort, ce vendredi, de renoncer tout court à tous nouveaux projets routiers. »

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