Journée du 8 mars : défendre les femmes est leur métier

A l’occasion du 8 mars, La Dépêche du Midi a interrogé trois femmes dont le métier est étroitement lié à la défense des droits des femmes. Si toutes reconnaissent une libération de la parole des femmes, elles continuent à tirer la sonnette d’alarme sur l’inégalité entre les sexes et ses conséquences néfastes.

Elles sont militantes, avocates et syndicalistes. Elles ont toutes un parcours différent pourtant une chose les unies: elles ont fait de la défense des femmes leur métier. À l’occasion de la journée des droits des femmes, La Dépêche du Midi a interrogé Alyssa Akrabare, Hélène Chayrigues et Sophie Binet. Elles décrivent une société qui évolue, mais reste encore ankylosée par la domination des hommes.

 
  • Alyssa Akrabare : « Il y a encore 25% de différence de salaires entre les femmes et les hommes en France »

Alyssa AHRABARE, présidete d'Osez le féminisme 3
Alyssa AHRABARE, présidete d’Osez le féminisme 3 – Alyssa Ahrabare
 

Pour Alyssa Akrabare, le déclic féministe est né pendant son année d’Erasmus à l’université au Kings College de Londres, lors d’un cours sur la théorie féministe. « En 2017, quand je suis rentrée en France, je me suis tout de suite engagée à « Oser le Féminisme » (une association féministe) à Toulouse. Je suis rapidement devenue présidente et porte-parole de l’antenne de Toulouse, et depuis un an je suis porte-parole de l’association au niveau national ». Pour elle, le féminisme est d’actualité tant que les inégalités entre les femmes et les hommes persistent : « Il y a encore 25 % de différence de salaires entre les hommes et les femmes, malgré les lois qui indiquent que, pour un travail de valeur égale, il faut une rémunération identique. »

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« Osez le féminisme » dénonce l’absence de réglementation efficace pour punir les entreprises qui ne respectent pas l’égalité des salaires. « Il y a beaucoup d’effets d’annonce dans la politique du gouvernement. Ils nous promettent de nouvelles mesures pour améliorer l’égalité entre les sexes, mais sans jamais préciser le montant du budget qui va être débloqué. Tout reste très vague. Il n’y a rien de concret. »  L’égalité des salaires est un des combats que mène l’association, qui s’implique sur toutes les discriminations visant les femmes. Pour Alyssa Akrabare, la journée du 8 mars, et les manifestations qui l’accompagnent, sont  des évènements indispensables pour faire entendre sa voix. 

  • Maître Hélène Chayrigues: « Il faut une meilleure prise en charge des victimes de violences conjugales »

Maître Hélène Chayrigues, spécialisée dans la défense des victimes de violences conjugales

Maître Hélène Chayrigues, spécialisée dans la défense des victimes de violences conjugales

Quand elle a prêté serment en 2003, Hélène Chayrigues savait qu’elle allait tout faire pour orienter sa carrière dans la défense des femmes victimes de violences conjugales. « J’ai immédiatement intégré le cabinet d’une avocate militante. J’ai été sa collaboratrice, et nous nous sommes associées. Maintenant, elle est à la retraite et je continue depuis de porter le flambeau. » Son nom circule alors au sein des associations féministes occitanes. Elles finissent par inscrire Maître Charygues dans la liste des avocats travaillant avec la Fédération Nationale Solidarité Femme, un organisme qui vient en aide aux femmes victimes de violences conjugales.

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Si elle constate une libération de la parole significative depuis #MeToo, l’avocate déplore un manque de considération de cette parole dans la société. « Il faut une meilleure prise en charge des femmes victimes de violences conjugales » insiste l’avocate. Les conditions d’accès à l’ordonnance de protection sont un des changements qu’elle souhaiterait voir progresser dans la justice. Pour obtenir cette ordonnance, il faut aujourd’hui prouver le fait de violence (photo, attestation du médecin), ce que possèdent généralement les femmes, et une preuve qu’il y a une situation de danger pour la victime. La deuxième condition est plus difficile à prouver car si les conjoints sont séparés, ou que l’agresseur n’appelle plus la victime, le danger n’est pas suffisant pour obtenir l’ordonnance. « Les juges ne sont pas responsables, ils appliquent la loi. Mais cette condition permet d’éviter l’ordonnance de protection à plein d’agresseurs, et laisse des femmes sans protection. Il faudrait que cette condition disparaisse. »

  • Sophie Binet : « L’égalité femme-homme, c’est aussi une responsabilité des syndicats »

Sophie Binet, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT, chargé de l'égalité femme-homme

Sophie Binet, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT, chargé de l’égalité femme-homme – PHOTO SOCIALE – BERNARD RONDEAU

Elle est le visage du féminisme au sein de la CGT. Co-secrétaire générale de la UGICT-CGT, Sophie Binet est également chargée de l’égalité femme-homme. « Ce n’était pas considérée comme une question prioritaire des syndicats, mais il y a 10 ans on a pris conscience qu’il s’agissait d’une question de dignité salariale. Les syndicats doivent donc pouvoir donner des arguments contre les entreprises afin de mettre en place des solutions. »

Le cœur de ses revendications concerne le harcèlement sexuel au travail. Selon un sondage IFOP réalisé en 2014, 1 femme sur 5 dit avoir subi du harcèlement sexuel au cours de sa carrière. Un chiffre que voudrait faire baisser Sophie Binet, notamment par l’organisation de journée de sensibilisation dans les entreprises. « Ces journées sont importantes pour connaître et définir toutes ces violences : une main sur les fesses, c’est une agression sexuelle et pas un geste déplacé. C’est utile aussi pour savoir s’il y a un dispositif interne de l’entreprise pour ce type de harcèlement ». Or selon la syndicaliste, 80% des entreprises n’en ont pas. « Nous proposons de sanctionner les entreprises qui n’ont pas de plan de prévention et rendre obligatoire une journée de sensibilisation par an. »

Eva Crouzet La Dépêche