Justice lotoise: Etat des lieux

L’audience de rentrée solennelle du tribunal de grande instance de Cahors s’est tenue hier. Le procureur Frédéric Almendros s’est attaché à décrire l’état de la justice.

«Le XXIe siècle sera numérique ou ne sera pas». Hier, lors de l’audience solennelle de rentrée au tribunal, le procureur Frédéric Almendros a posé la question. «Le ministre de la Justice ne l’avait-il pas dit lors de la restitution des chantiers de simplification ? La transformation numérique c’est le cœur du réacteur. Magistrats, avocats ou encore universitaires, nous nous émouvons déjà de ce que sera la justice de demain, et demain est déjà là», indique-t-il. Il préférera parler du parquet plutôt que de la virtualisation du système judiciaire. «Ce ne sont pas encore les machines mais les individus qui décident. Le procureur de la République, je le dis en toute modestie, est le régulateur des urgences sociales comme le médecin urgentiste est le régulateur des urgences vitales. Et hélas, parfois, le mauvais diagnostic du premier engendre l’intervention du second. Nous sommes, parquetiers, les premiers gardiens des libertés», remarque-t-il. Il donne sa vision de l’indépendance de la justice. «C’est l’éthique chevillée au courage», assure-t-il. Courage, le mot reviendra à plusieurs reprises. Courage de dire que les chantiers de simplification, pour utiles qu’ils soient, vont une nouvelle fois conduire à des réformes par petits bouts façon puzzle.

Développer des partenariats

Courage de requérir un acquittement aux assises ou une relaxe en correctionnelle parce qu’on n’a pas soi-même la conviction que celui qui est en face, dans ce box de verre, est coupable ou tout simplement parce qu’on admet ne pas être en mesure de rapporter la preuve de la culpabilité. Ce box de verre sécurisé, poursuit le procureur, «que nous n’avons pas choisi», et qui pose question en termes de présentation au juge des personnes présumées innocentes. «Un juge qui a peur n’est déjà plus un juge mais une victime qui juge», lâche-t-il. Courage de ne pas considérer la parole du ministre de la Justice comme parole d’évangile. «Ce qui est bon pour Bobigny ne l’est pas forcément pour Cahors», argumente-t-il. Il évoque également les partenariats qui l’animent, dont celui avec le centre national cynophile de la gendarmerie de Gramat dans le cadre de ce qu’il appelle la canino thérapie. Une expérience qu’il a déjà menée a Aurillac. Il s’agit d’alternatives aux poursuites interactives. «Nous voulons signer un protocole d’accompagnement de certaines victimes, notamment d’agressions sexuelles, grâce aux chiens de la gendarmerie spécifiquement habilités». Il assure son parfait soutien et une bonne installation au bâtonnier Me Christian Calonne. Il rend hommage à son prédécesseur Nicolas Septe, salue le nouveau président de l’association d’aide aux victimes Me Mustafa Yassfi, Alexia et Mesthé associés à cette dynamique.


«Les voyants sont au vert»

«Un constat, et il est heureux, doit être fait pour notre département en matière de justice en 2017. Vous n’allez pas subir les habituelles lamentations des chefs de juridiction démoralisés par le sous-effectif des magistrats et fonctionnaires», indique le président Pierre-Louis Pugnet dans un sourire. «Les voyants sont au vert et dans plusieurs domaines. En matière de ressources humaines depuis le 1er septembre, en matière de réorganisation matérielle et fonctionnelle. Ces nouveautés devraient permettre d’améliorer le service rendu au justiciable et à nos concitoyens», poursuit le président.


Prud’hommes : Muriel Lebouvier à la présidence

L’année 2017, pour le conseil de prud’hommes, a été ponctuée de nombreux changements. «Après trente années passées quai Cavaignac, nous avons réintégré le palais de justice. S’il demeure quelques ajustements à régler, force est de constater que nous sommes bien installés», indique Muriel Lebouvier, nouvelle présidente. Hier, lors de l’audience solennelle, la passation de pouvoir s’est faite avec Jean-Claude Griffoul, président durant trente ans. «Aujourd’hui nous, conseillers prud’hommes, ne sommes pas élus mais nommés en fonction de la représentativité de nos syndicats. Permettez-moi quelques instants de sortir de ma fonction de juge pour évoquer les craintes des salariés face à la flexibilisation des relations sociales, comme le plafonnement des dommages et intérêts qui porte atteinte au principe de réparation intégrale, la décentralisation de la négociation vers l’entreprise qui ne donne pas suffisamment de moyens aux représentants du personnel et qui renforce le pouvoir unilatéral de l’employeur», a-t-elle précisé. Être juge, c’est respecter certaines règles déontologiques, dont le strict respect de la règle de secret des délibérations, a-t-elle souligné. «Une société apaisée demande que chacun, à sa place, soit mobilisé pour le vivre ensemble. Cela demande à tout un chacun d’être à l’écoute pour construire l’intérêt général» a-t-elle conclu.


Commerce : un réseau de psychologues créé

C’est une première, une innovation lotoise. «Je profite de cette occasion pour donner des nouvelles de l’association Apesa (aide psychologique aux entrepreneurs en souffrance aiguë) créée par les juges du tribunal du commerce, la chambre de commerce et d’industrie, la chambre des métiers, l’UEL et la maison de l’artisan, afin de répondre aux difficultés psychologiques que peuvent rencontrer les entrepreneurs qui comparaissent devant le tribunal de commerce à cause de leurs difficultés économiques», lance Jacques Petit, président du tribunal de commerce de Cahors. En janvier 2017, 72 personnes ont participé aux formations dispensées par Apesa France pour apprendre à détecter les symptômes développés par une personne en souffrance psychologique, voire en risque suicidaire. En février 2017, un réseau de quinze psychologues a été mis en place dans le Lot et de mars à décembre, onze alertes ont été transmises par le greffe, des juges, des mandataires ou des sentinelles ayant suivi la formation. Au niveau national, 29 associations ont été déployées et 39 sont en cours.

En 2017, l’ensemble de la juridiction consulaire a tenu 128 audiences dont 33 en contentieux général, 23 en procédures collectives, 48 audiences des juges-commissaires et 24 audiences des référés. La juridiction a rendu 1 813 décisions en 2017 contre 2 458 en 2016, comprenant les jugements de contentieux et procédures collectives, les ordonnances du président et celle des juges-commissaires. En 2016 le greffe a enregistré la création de 1 214 entreprises contre 1 086 en 2017, dont 355 sociétés commerciales, 216 sociétés civiles et 515 en nom propre. Dans l’ordre décroissant des affaires traitées en audience de contentieux général arrivent en tête les assignations en redressement judiciaire, 22 en 2017, introduites en majorité par l’Urssaf et aussi depuis quelque temps par d’autres caisses. «Il faut rappeler qu’à Cahors, les assignations en redressement judiciaire passent par les audiences de contentieux général avant d’être renvoyées, à quelques exceptions près, en chambre de du conseil». Le bâtonnier du barreau du Lot, Me Calonne s’est souvenu avoir tenu sa première plaidoirie au tribunal de commerce à Amiens. «J’ai plaidé l’équité et le tribunal m’avait suivi dans mon argumentation», indique-t-il saluant l’équipe du tribunal de commerce.