La réforme du permis de conduire

Parmi les nombreuses préconisations, voici les dix principales qui ont filtré. Lesquelles seront-elles retenues? Mystère pour le moment, mais sans attendre, les auto-écoles ont déjà décidé de se mobiliser pour en contrer certaines…

N°1 – Renforcer l’éducation routière à l’école

Cela passerait par le développement des contenus et par l’intervention de moniteurs d’auto-écoles labellisées. Seront-ils payés par l’Education nationale? Ou se dédommageront-ils en faisant leur pub dans les établissements scolaires (difficile à croire)?

N°2 – Passer le code au Service national universel

Option envisageable si, bien sûr, le SNU voit le jour. Une phase pilote serait testée dès l’été prochain avec 3.000 jeunes de 16 ans, pour une durée de deux fois 15 jours. Lors de la première phase, tous passeront l’épreuve théorique (ETG). Dans la seconde, les volontaires bénéficieraient d’une aide financière valable pour une formation en auto-école.

N°3 – Imposer un contrat type

Mis au point avec la DGCCRF, il serait imposé tant aux auto-écoles qu’aux plateformes en ligne pour en finir avec les fréquentes clauses-trappes. Il stipulerait précisément le prix, les cours sur simulateur (il est recommandé d’imposer une dizaine d’heures dessus), les cours collectifs, théoriques en ligne, etc.

N°4 – Rendre national l’agrément des écoles de conduite

L’agrément, c’est ce sésame préfectoral qui permet à une auto-école d’exercer. Or, il est préconisé de le rendre national, ce qui ouvrirait un boulevard aux plates-formes en ligne du type Ornicar ou En voiture simone, car dès lors, plus besoin du local obligatoire pour accueillir les élèves. C’est la raison n°1 de la colère des écoles de conduite traditionnelles qui dénoncent une concurrence déloyale.

N°5 – Instaurer un livret d’apprentissage électronique

Il serait rempli après chaque leçon par le formateur, celui-ci devant indiquer son nom. Par conséquent, quid concernant ceux travaillant via les plateformes en ligne, souvent accusées de recourir à des formateurs non déclarés?

N°6 – Un permis limité dès 17 ans

Cette option serait réservée aux jeunes ayant suivi la conduite accompagnée. Contrepartie : ils auraient l’interdiction de prendre le volant la nuit et les week-ends.

N°7 – Encourager le permis boîte auto

Dès trois mois (au lieu de six) après avoir décroché leur permis « B78 », les lauréats auraient désormais le droit de suivre la formation autorisant à conduire une voiture à boîte mécanique.

N°8 – Donner carte blanche au candidat !

Un portail national serait créé pour recenser toutes les écoles de conduite et voir leurs prestations, leur taux de réussite médian, les aides au financement. L’élève y ferait son inscription, puis -lui-même!- sa demande de place d’examen, y compris pour l’épreuve pratique! Question : si le candidat décide quand et où il va la passer, quelle voiture utilisera-t-il, puisque celles des écoles de conduite ne seront pas forcément disponibles? Pire, les jeunes étant moins formés, les taux d’échec vont grossir, ce qui pénalisera l’image des auto-écoles concernées et allongera globalement les délais d’attente… La filière auto-école est très mobilisée contre ce projet.

N°9 – Renforcer les rangs des inspecteurs

On ferait appel à des militaires et des policiers, solution déjà vue avant la privatisation de la partie théorique.

N°10 – Réduire la TVA

Actuellement de 20%, le taux passerait à 5,5%.

Que restera-t-il de toutes ces pistes de travail? Difficile à dire. Quoi qu’il en soit, ces évolutions seront intégrées dans le projet de loi d’orientation sur les mobilités présenté au Parlement à la mi-mars 2019.

Auto Plus


Interview de Patrick Crespo, le boss de l’auto-école qui porte son nom à Cahors, Gourdon, Labastide-Murat et Souillac.

Patrick Crespo, le boss de l’auto-école qui porte son nom à Cahors, Gourdon, Labastide-Murat et Souillac a toujours dit et démontré que le moteur de son activité c’était avant tout le contact humain, le conseil. Pas question pour lui de déshumaniser sa profession en laissant tomber celle-ci entre les mailles d’internet.

La formule des auto-écoles en ligne est une mesure phare apparaissant sur le tableau de bord de la députée LREM du Gard, Françoise Dumas.

Son rapport est loin de faire l’unanimité. Patrick Crespo s’inquiète. « Dans ce rapport parlementaire, le chapitre concernant l’agrément national ne serait vraiment pas avantageux pour nous. Pour être très clair, il faut savoir que nous sommes régis par un agrément préfectoral. L’Etat veut tout simplement annuler cet agrément local. L’autre formule, nationale donc, voudrait privilégier les plateformes internet pour l’apprentissage assuré aujourd’hui en auto-école » commente-t-il.

Patrick Crespo est dubitatif. Il ne comprend pas, dans son cadre de travail très technique et pratique, comment une plateforme internet pourrait remplacer le conseil humain.
« Cette réforme dénigre même notre travail, puisqu’on prétend que le code en ligne coûte jusqu’à 10 fois moins cher que dans une auto-école traditionnelle. C’est totalement faux » assure-t-il.

Des délais rallongés et des lacunes

En outre, Patrick Crespo a constaté que « les élèves qui apprennent sur internet sont insuffisamment formés ». Les moniteurs remarquent leurs lacunes en leçon de conduite.
« Cela nous amène, par conséquent, à intégrer d’avantage de séances de code pendant la formation de la conduite. À l’arrivée, cela rallonge les délais et les heures de conduites. Les auto-écoles de proximité sont des centres d’éducation routière. Nous éduquons les futurs conducteurs à la conduite. Les plateformes font l’impasse sur ce type d’éducation où l’on est face à l’élève et où l’on travaille avec toute l’équipe des moniteurs » insiste-t-il.

Patrick Crespo ne veut pas fustiger toute la réforme.« Le code en ligne peut-être une très bonne idée, mais en complément d’une formation en auto-école » tranche-t-il. Tout s’accélère dans le monde de l’éducation routière.
Les auto-écoles ne veulent pas en faire les frais et finir à la casse.

Une profonde mutation du métier

Pour Patrick Crespo, cela ne fait pas l’ombre d’un doute, « ces plateformes d’apprentissage déjà mises en place vont provoquer la fermeture de nombreuses auto-écoles en France » déclare-t-il. Ce responsable ne veut pas de la réforme du permis de conduire telle qu’elle est en train de se dessiner, mais n’est pas pour autant fermé à l’évolution de son métier en profonde mutation. Il est prêt à passer à l’action.

« Dans notre réseau CER nous allons mener un travail avec des étudiants, à Paris, afin d’imaginer le monde de l’auto-école de demain en tenant compte des besoins et des attentes de chacun » annonce-t-il. Allez, positivons, le moteur des auto-écoles en a encore sous le capot.

Jean-Luc Garcia La Dépêche