La revanche des villes moyennes aura-t-elle (vraiment) lieu ?

La Fabrique de la Cité organisait, fin novembre, deux journées d’étude consacrées aux villes moyennes. Dans un climat morose ne les épargnant pas sur le plan des destructions d’emplois, ces dernières semblent pourtant tirer leur épingle du jeu, aux yeux des Français du moins qui saluent leur dynamisme ! Pour les élus concernés, le défi consiste désormais à concrétiser les belles intentions affichées par les habitants des grandes villes et les attirer effectivement en cœur de ville, en améliorant le numérique, les services, l’urbanisme et les mobilités.

Ce n’est qu’un sondage. Oui, mais tout de même… À la question de savoir si les villes moyennes sont plus dynamiques et attractives économiquement qu’il y a dix ans,  une majorité de sondés (habitant ou non de villes moyennes) ont répondu par l’affirmative, à respectivement 48 % et 56%. Un fait « rare » pour le directeur général de l’institut Kantar, Emmanuel Rivière, qui a réalisé l’étude dévoilée vendredi soir à l’issue de cette première « Rencontre des villes moyennes ».

« Je vous assure que de nos jours avoir des Français qui vous disent  ‘oui c’est mieux qu’avant’ c’est assez étonnant ! » explique le sondeur qui a également dévoilé que ces villes moyennes attiraient 40% des Français, essentiellement des habitant des grandes villes (50%) contre 24% d’habitants de petites villes ou zones rurales. Un regain d’intérêt pour les villes moyennes qui n’est évidemment pas sans lien avec la crise sanitaire, les restrictions imposées aux citadins mais aussi le développement du télétravail.

Aménagement numérique et services

« Il est clair que l’avènement du numérique pendant la crise a rebattu les cartes des opportunités territoriales » analyse Jean-Christophe Fromantin, qui se réjouit de ce coup de projecteur après des années d’injonction « métropolitaine ». Mais évidemment, si le télétravail s’est généralisé et qu’il devient envisageable pour certains professionnels d’exercer dans une ville moyenne (et pour les entreprises ou start-up de s’y installer), il faut que les services numériques soient à la hauteur… dans la durée. Et sur ce point, le maire (UDI) de Neuilly-sur-Seine regrette l’absence d’un « schéma structurant de déploiement des technologies ». Il est en effet hors de question pour cet élu francilien féru d’aménagement du territoire de laisser les opérateurs privés « choisir » les 20% de territoires (cahier des charges de l’Arcep) où ils souhaitent développer les technologies de fibres et de 5G. « Pour les concessions autoroutières, l’Etat a fléché les portions d’autoroute à développer et n’a pas laissé les acteurs privés choisir. Pour le déploiement numérique, cela doit être la même chose » a insisté M. Fromantin.

L’autre enjeu pointé au cours de cette table ronde d’élus et porté notamment par le maire DVD de Saint-Raphaël, est celui de l’étoffement des offres de services. « Nous avons chaque année des séniors, notamment d’Ile-de-France, qui viennent s’installer dans notre ville et ils arrivent naturellement avec les mêmes exigences de services qu’ils ont connu toute leur vie » décrit Frédéric Masquelier qui poursuit, « c’est donc à nous de restructurer nos services pour nous mettre à ce niveau d’exigence ». Depuis 50 ans, la ville a gagné 100 % d’habitants et continue d’avoir un solde migratoire positif.

Vivre dans la ville moyenne, place de la voiture

Un véritable retour en force des villes moyennes qui cache néanmoins quelques fragilités. En effet, selon l’institut Kantar, si les Français sont élogieux sur les villes moyennes et leur dynamisme, elles sont plus difficilement perçues comme des lieux de vie au quotidien. La tendance serait donc d’habiter en périphérie de la ville moyenne – le sondage évoque un « appel de la forêt » – et de ne la fréquenter que pour les achats et les activités. Le défi est donc ici pour les édiles de donner envie aux gens de s’installer en cœur de ville !

Selon Boris Ravignon (sans étiquette), il s’agit de travailler « sur la question des friches urbaines, de reconstruire sur la ville sur elle-même et de créer ainsi un urbanisme agréable et qui fait envie ». Pour le maire de Charleville-Mézières la question des mobilités est également à traiter dans le cadre de ces stratégies de retournement, alors que la voiture conserve une place prépondérante dans les villes moyennes. Quoi qu’il en soit, il en est persuadé : « le modèle de la ville durable s’invente dans les villes moyennes, car dans les métropoles et dans les zones rurales, les contraintes y sont trop fortes » conclut Boris Ravignon en jetant une pierre supplémentaire dans le jardin des métropoles. Pour se montrer à la hauteur des attentes, les villes moyennes doivent devenir les fers de lance de la ville durable.

Courrier des maires