les amies de Morgan Keane rencontrent la secrétaire d’état
Deux mois après le décès de Morgan Keane lors d’une battue de chasse à Calvignac, le ministère de l’Ecologie prend pour la première fois la parole. Sollicitée par les amies de Morgan Keane qui ont monté le collectif un jour un chasseur pour réformer la chasse, Bérangère Abba, la secrétaire d’Etat à la transition écologique assure qu’un travail doit être engagé pour « rassurer » et « préserver la sérénité ».
Vous avez reçu lundi les amies de Morgan Keane. Comment s’est déroulée la rencontre?
J’ai été très marquée par l’échange. Quand on accepte ce genre de fonction et qu’un tel drame se produit, on sent l’émotion et le poids de notre responsabilité. J’avais besoin de leur dire à quel point ça marquerait mon action dans ce secrétariat d’État et leur expliquer que s’en était suivi l’engagement d’une réflexion sur les aspects de la sécurité de la chasse pour apaiser, rassurer et mieux préserver la sérénité de chacun.
Après ce drame, estimez-vous qu’une nouvelle réglementation de la chasse est nécessaire?
On parle de mesures qui ne sont pas forcément réglementaires, on parle de tout ce qui peut et doit être mis sur la table en termes de réflexion: les mesures qui existent et qui sont peut-être à renforcer pour assurer la sécurité, un volet d’informations pour que tous les usagers de la nature puissent y avoir accès et tout ce qui encadre la pratique de la chasse comme le droit en vigueur, la réponse pénale et les éventuelles sanctions. La chasse est une activité encadrée. Ce collectif avait besoin d’un éclairage, on avait besoin de partager là-dessus.
Que pensez-vous de leur projet?
Leur initiative est très digne, elles recueillent la parole et sont dans une démarche constructive, dans une recherche des pistes de réflexion qui accompagne le débat public. Il y a une forme de militantisme autour de la chasse sur laquelle se cristallise beaucoup d’agressivité. Nous devons objectiver les situations en cas d’accidentologie pour distinguer les causes et les contextes. Pour avoir une décision éclairée, il ne faut pas hystériser les débats.
Une réforme comme les membres du collectif la demandent peut-elle être envisagée?
On entre dans une démarche dont je ne connais pas encore l’issue. Je fais le choix de débuter cette réflexion par des entretiens bilatéraux avec tous les acteurs de la nature, les chasseurs évidemment mais aussi les usagers de la nature, des associations de chasse aux associations plus réticentes, avec les sports de plein air, les élus aussi. Nous échangeons de manière élargie sur un diagnostic et des préconisations qui soient partagées.
Considérez-vous que la réglementation en vigueur est bien appliquée par les chasseurs?
Tout n’est pas blanc ou noir, il y a des agents qui sont chargés de contrôler le respect des règles de sécurité et des pratiques. Il y a un certain nombre de dossiers : 6 000 infractions constatées par an. Il m’importe aussi de regarder ce que ça signifie en termes de réponse pénale, c’est un travail très large que nous amorçons pour quelques mois.
150 mètres de distance entre les habitations et les chasseurs, est-ce suffisant?
On va observer avec les responsables en charge de l’accidentologie si cette mesure est suffisante. Pourquoi constate-t-on encore des accidents? Qu’est ce qui les a causés? Nous devons répondre à ces questions.
D’un côté les anti-chasse, sensibles au bien-être animal, de l’autre côté, les partisans de la chasse qui ne veulent pas laisser proliférer les gibiers. Où vous positionnez-vous?
Je me positionne de manière très rationnelle. Nous avons objectivement un problème de dégâts de gibiers en France et de population de sangliers et de cervidés qu’il convient de contenir, voire de faire régresser. La chasse de régulation est nécessaire. Nous n’avons pas encore d’autres réponses comme des méthodes de contraception ou de piégeage. Trouvons des équilibres, les positions les plus militantes peuvent s’entendre mais dans la limite de l’état de droit. On doit revenir à des données objectivées et transparentes, ne surtout pas se précipiter dans une émotion qui pourrait biaiser nos décisions. Il faut sortir de la peur et non pas avoir peur de sortir.
Beaucoup de Français ont tendance à pointer du doigt des connivences entre le gouvernement et la fédération nationale des chasseurs, dont le président Willy Schraen, que vous avez reçu ces deniers jours, qu’en est-il?
Je ne veux pas rentrer dans ce type de caricature, ça ne nous aiderait pas à faire avancer les sujets qui sont devant nous. Le président de la fédération des chasseurs a convenu et accepté de travailler à cette réflexion sur d’éventuelles nouvelles mesures de sécurité et d’information relatives à la chasse.
Les amies de Morgan restent amères
Léa, Nadège, Sara, Peggy, Zoé et Mila, les six amies d’enfance de Morgan Keane étaient à Paris ce lundi à la rencontre de Bérangère Abba au ministère de la Transition écologique. Les Lotoises n’ont pas fait le déplacement pour rien. Néanmoins : « Nous avons pu échanger longuement avec elle, débattre de plusieurs points importants et tenter de réfléchir à des solutions. Nous avons cependant été très déçues des réponses obtenues. Nous considérons nos demandes comme raisonnables, légitimes et nécessaires », explique Léa, à son retour à Cajarc. « Il est de plus en plus insupportable de lire chaque jour les témoignages et les messages de détresse, la peur et la colère des Français. Ce sentiment d’insécurité exige des réponses bien plus drastiques que celles que nous avons reçues », ajoute la Lotoise. « Nous avons demandé l’interdiction de la chasse le dimanche et même cette demande, qui nous semble pourtant la plus simple et la plus évidente, a directement été éludée, au prétexte de la culture française et de la peur de vexer un million de pratiquants », regrette-t-elle. Le collectif est déçu. Amer. Mais promet de ne pas baisser les bras pour autant. « D’autres alternatives sont possibles, nous avons rencontré le député David Cormand, Benjamin Lucas, le secrétaire général de Générations. s, le député Manuel Bompard, le député Bastien Lachaud et Julien Bayou (EELV). Avec eux, nous avons pu réfléchir ensemble à la manière de poursuivre notre action et nous ne ferons pas de compromis ridicules qui nous laisseraient un goût amer. Nous sommes la voix de la ruralité », ajoutent les amies de Morgan.
Huguette Tiegna, la députée de la circonscription de Figeac, a également été reçue par la secrétaire d’Etat, mardi matin au ministère.
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