Lot : un taux de suicide élevé par rapport au reste de l’Occitanie

Une journée de prévention du suicide est organisée en webinaire ce jeudi 3 février. Dans le Lot, le taux de suicide est particulièrement élevé, notamment en raison du caractère rural et vieillissant du département.

Déstigmatiser le suicide et favoriser le dialogue. Tel est le but de l’association pour la Prévention du Suicide en Midi-Pyrénées qui organise sa 26e journée de prévention. Cette manifestation se déroulera jeudi 3 février et sera accessible à tous en webinaire. « Le suicide reste encore un tabou parce qu’il nous renvoie tous à notre rapport à la vie et à la mort Et ce même si depuis les années 1990, le taux de suicide dans toutes les tranches d’âge a baissé notamment grâce aux dispositifs et aux politiques qui ont reconnu le suicide comme un problème de santé publique », explique la présidente de l’association Genevieve Rocques-Darroy.

Un évènement qui résonne de manière particulière dans le Lot. En 2015, sur le département, le taux de mortalité par suicide était de 25,5 pour 100 000 habitants. Il était le plus élevé d’Occitanie dont le taux moyen oscillait entre 16.1 et 14.1 ces dernières années. À l’Institut Camille Miret (ICM) à Leyme, les tentatives suicidaires représentent un tiers des admissions dans le service de crise. « C’est un département rural et vieillissant, soit une population particulièrement touchée par le risque suicidaire », explique Pierre Saunière, chef du service psychiatrie. « Le taux de suicide est particulièrement élevé chez les hommes âgés, surtout ceux qui ont un problème avec l’alcool ».

Les personnes âgées et les adolescents particulièrement à risque

Depuis le début de la crise sanitaire, les demandes d’hospitalisations, les tentatives suicidaires et les passages à l’acte se sont multipliés. En cause : l’isolement, notamment chez les personnes âgées et les adolescents, particulièrement fragilisés par la rupture des liens sociaux. L’équipe médicale a ainsi remarqué une hausse des équivalents suicidaires, souvent des scarifications chez les jeunes, et des addictions. « Certains addictologues considèrent que l’addiction est une stratégie anti-suicide parce que consommer certains produits permettrait de réduire la souffrance. Pendant les confinements, nous avons remarqué que les gens buvaient plus souvent, notamment pour lutter contre l’angoisse et retarder un passage à l’acte », ajoute un addictologue de l’institut. « Mais l’alcool a un rôle antithétique car une consommation massive peut avoir un rôle désinhibant pour la personne qui va alors oser un passage à l’acte ».

À l’ICM, l’équipe médicale a donc mis en place une approche pluridisciplinaire. Chaque patient, quel que soit le motif de son admission est soumis au « RUD », un outil d’évaluation du niveau de risque, d’urgence et de dangerosité suicidaire. « Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas une augmentation des pathologies psychiatriques mais une augmentation des comportements suicidaires. Un suicide peut aussi être une pathologie sociale. La façon dont la société est organisée crée une forme de violence envers les personnes qui seraient « moins formatées » », souligne une autre psychiatre.

Une association pour les agriculteurs

Dans un département aussi rural que le Lot, les agriculteurs sont particulièrement touchés. Marc Issaly fait partie de l’association Deux mains pour demain. Créée en 2017 par des agriculteurs et pour des agriculteurs elle agit dans le champ du développement personnel. « Le mal-être reste une question très compliquée à aborder , encore plus dans notre métier où il y a sûrement une espèce de fierté. La grande difficulté est d’amener les gens à travailler sur eux-mêmes », explique le bénévole. « L’agriculture est un métier où on est très exposé au risque de suicide. Les causes sont souvent économiques, relationnelles, ou encore liées à la santé et à l’isolement ».

Pour assurer « un travail de fond », l’association propose des ateliers individuels, collectifs et des groupes de parole. Forte d’une dizaine de bénévoles, elle a suivi au cours de ces trois dernières années une cinquantaine d’agriculteurs sur les départements du Lot, du Tarn, du Tarn-et-Garonne et de l’Aveyron. Pour autant, Marc Issaly invite à rester lucide : « On ne va pas éradiquer les suicides. C’est un symptôme, ultime certes, mais un symptôme. Dans certains cas, on n’y peut rien ».

Une journée pour prévenir

La journée de prévention se déroulera le 3 février de 9h à 16h30 sous forme de webinaire. Plusieurs interventions  de psychologue, psychiatre, infirmière ou médecins généralistes émailleront la matinée, notamment sur les risques suicidaires en milieu carcéral et chez les soignants. L’après-midi, la table ronde sera particulièrement axée sur la prévention. Des échanges avec le public sont prévus après les interventions.

Caroline Peyronel ladepeche.fr