Météo France ne fera plus appel à ses bénévoles remplacés par des stations automatisées

Qu’il neige, qu’il pleuve, ou qu’il vente, en plein brouillard ou même quand le ciel gronde, à 8 heures pétante, tous les matins depuis 2008 Yves Lacam est à son poste. Dans son jardin à Limogne-en-Quercy, il relève les précipitations qui sont tombées les dernières 24 heures même quelques gouttes de rosée. Le pluviomètre est précis, il mesure en millimètre.

Chaque jour, il consigne le niveau de précipitation et ses observations sur le temps, dans un cahier fourni par Météo France et qu’il leur renvoie à la fin du mois. À 77 ans, l’ancien maire de la commune a toujours été passionné de météo.

« Un jour, je reçois un courrier de Météo France à la mairie qui recherche un remplaçant à l’ancien bénévole de Promilhanes qui n’était autre que mon beau-père. Comme je le faisais déjà avec du matériel amateur depuis toujours, j’ai proposé mes services. » sourit Yves Lacam.

2021, record de précipitations 

Le grand-père hyperactif selon son épouse est surtout président de l’association des trufficulteurs de Limogne. « La pluviométrie est importante pour la trufficulture, il faut qu’on sache ce qu’il tombe tous les mois. Je faisais déjà ces relevés pour voir les conséquences de la pluie, surtout en juillet et en août, sur nos productions de truffes. S’il y a trop de sécheresse, ce n’est pas bon pour nous. »

Yves Lacam connaît désormais la petite histoire météorologique de son village. Il sait qu’il tombe 850 mm de précipitations en moyenne par an, que 2021 a été une année record avec 1100 mm sur ses années officielles d’observation soit depuis 2008, il se souvient qu’en 2011 il y a eu un orage de grêle mémorable… Mais l’été dernier, c’est la douche froide.

Météo France l’informe qu’en 2022 il sera remplacé par une station automatisée, fini les relevés manuels. En novembre, Yves Lacam signe un contrat avec l’établissement public où il autorise l’installation de la station sur son terrain pour 150 euros d’indemnités annuelles. « Pour moi ça ne va pas changer grand-chose, j’ai bien prévu de continuer les mesures pour mes connaissances personnelles. Je m’accorderai de temps en temps, un quart d’heure voire une journée de repos » avoue-t-il, pérsévérant.

Un réseau depuis 1947

Une page se tourne pour les 2300 bénévoles de Météo France. Le réseau existait depuis 1947. En 2015, le service météo a décidé de les remplacer progressivement. Avec Yves Lacam, Patrick Froment est le dernier observateur du Lot. À Latronquière, il relève la pluviométrie mais aussi les températures minimales et maximales des dernières 24 heures.

Il a repris le flambeau en 2006, suite au décès de l’ancien observateur qui comme lui travaillait à la DDE. « En décembre, des techniciens de Météo France sont venus sur mon terrain pour étudier le futur emplacement de la station automatisée, voir s’il n’y avait pas d’arbre qui gênait. On a choisi le meilleur endroit. Je suis soulagé, c’était une petite contrainte tous les matins même si ça ne prenait pas beaucoup de temps. » souligne Patrick Froment. Lui aussi a observé que l’année 2021 a été particulièrement pluvieuse relevant un record le 15 septembre avec 105 mm en 24 heures !

À Blars, la première station automatisée du Lot fonctionne depuis 2019 chez Fabrice Galtié. Son père Claude Galtié a été un observateur assidu et passionné pendant plus de 50 ans, décédé en 2019, son fils a repris la charge 4 mois le temps que Météo France installe la station. Pluviomètre et relevés de températures réguliers, la station est alimentée en panneaux solaires. Elle transmet les informations et données en temps réel aux prévisionnistes de Météo France. 800 stations, comme celle-ci, seront installées dans toute la France d’ici fin 2022.

Le directeur de la climatologie à Météo France explique  ce choix

Si certaines mauvaises langues peuvent dire que l’humain est encore remplacé par des machines, ce n’est pas vraiment la réalité. C’est surtout une perte des vocations ! Depuis de nombreuses années, Météo France peinait à trouver des remplaçants aux bénévoles qui souhaitaient arrêter ou disparaissaient. « C’était un modèle à bout de souffle, insoutenable sur le long terme. Les bénévoles étaient une population veillissante et pas éternelle. Nous en perdions 150 par an. On a souhaité les remplacer par 800 stations pour conserver nos séries de données et de mesures. Certaines remontent à la fin du 19e siècle ! » explique Patrick Josse, directeur de la Climatologie et des Services Climatiques à Météo France. Avec le changement climatique, le travail des bénévoles prend tout son sens. « Ce n’est pas juste une mémoire climatique, c’est extrêmement précieux. C’est toujours utile de convaincre de la réalité du changement climatique et pour ça nous avons besoin de longues séries de données dans le temps. » termine-t-il. Mais le lien sera maintenu avec les bénévoles qui pourront notifier leurs observations météorologiques sur un site internet spécifique.

Sarah Nabli La Dépêche