St Michel de Bannières ouvert pour les journées du patrimoine

st-michel-de-banniereLe thème choisi en 2016 pour la 33e édition des Journées Européennes du Patrimoine, les 17 et 18 septembre est : « Patrimoine et Citoyenneté ». Une opportunité d’appréhender les lieux et monuments où la citoyenneté s’est construite et dans lesquels elle s’exerce quotidiennement.« Même dans les réalisations les plus humbles de chaque commune de France, l’école, la mairie, l’église font partie d’un patrimoine culturel, enjeu d’exercice de la citoyenneté » souligne le communiqué de presse du Ministère de la Culture. Plus de 17 000 lieux ouverts au public en France, dont 197 dans le Lot, dresseront le week-end prochain un portrait étoffé de la citoyenneté et ses implications.Parmi eux, la communauté paroissiale de Saint Michel de Bannières prend à cette occasion, quelques initiatives. Dans ce village du nord du Quercy, a vécu Christian de Chergé, prieur du monastère de Tibhirine, en Algérie, assassiné avec six moines trappistes en mai 1996 et porteur d’un message de citoyenneté républicaine et de fraternité.Rencontre avec Colette Laprevote secrétaire de l’association des Amis de l’église de Saint Michel de Banniéres et Hubert de Chergé, président.

Beaucoup d’églises seront ouvertes au public les 17 et 18 septembre avec ou non des visites guidées. Pourquoi à Saint Michel, ces visites seront-elles suivies d’un débat ?

C’est une façon de s’intégrer aux Journées du Patrimoine : faire le lien entre ce monument qu’est l’église – restaurée depuis peu – et le testament du frère Christian de Chergé, inscrit sur ses murs. La notion de citoyenneté colle bien à ces paroles d’un moine. Elles vont dans le sens de l’une des devises de la République : la fraternité. Pourquoi ne pas échanger à cette occasion ?

Par la même occasion, une artiste de Rocamadour, Aurélie Lasvaux exposera ce week-end dans l’église. Quel est votre ressenti ?

Cette Quercynoise d’adoption travaille sur la valorisation des différences nous incitant à la tolérance, à l’ouverture, à l’acceptation de l’Autre. Cette exposition est en harmonie avec le message de l’église de Saint Michel. Car elle évoque les murs qui peuvent séparer et les failles par lesquelles peut s’écouler la lumière, la réconciliation, la grâce.

Quelle relation établissez-vous entre « patrimoine et citoyenneté » et le message de Tibhirine ?

Un habitant du village a su résumer brièvement le message de Tibhirine : « Ce texte est le meilleur exemple des vertus de la laïcité ». Les mots de Christian de Chergé sont de tout le monde et pour tout le monde. Écrits il y a 22 ans, ils mettent en présence la République et les religions et sont toujours d’une brûlante actualité.

Ces mots sortent de l’église pour respirer le monde poussant l’enrichissement intérieur de chacun, dans la diversité. Un croyant qui rencontre un incroyant peut s’enrichir mille fois ! Ce message est appelé à toucher plus largement que ceux qu’on pourrait croire. C’est ce qui fait la richesse du testament du moine de Tibhirine. D’où son rayonnement.

Dans une lettre à un ami, Christian de Chergé l’invite à « ne pas creuser le fossé des différences ». En quoi était-il un précurseur ?

Dès l’enfance, mon frère a toujours été très attentif aux différences. Il les mettait en évidence. De ses différences entre jeunes du lycée par exemple, il savait en faire des amis.

Pendant la guerre d’Algérie, son regard a encore évolué à la suite de ses relations avec un musulman qui lui a sauvé la vie. Plutôt que de creuser le fossé des différences, la reconnaissance de l’Autre l’emportait, entraînant chez lui, un regard d’unité.

La fraternité est l’une des devises de la République ; comment Christian de Chergé la concevait-il ?

Christian et les moines de Tibhirine ne voulaient pas choisir entre le groupe du GIA combattant (même s’il se battait de façon sanglante) et les autres musulmans. Ils les voulaient tous, frères en humanité.

L’Humanité est une fraternité où tout le monde est sur un même bateau, obligé de vivre ensemble et dans le respect. Ce qui est encore plus difficile entre croyants et incroyants, entre frères de diverses religions.

Comme Christian de Chergé disait : « Il me fallait reconnaître dans le chef du GIA un frère qui prenne conscience lui même que l’acte qu’il allait commettre serait condamnable et donc il me fallait essayer de l’empêcher de tuer ».

« Le signe que nous a laissé Christian de Chergé est ouvert à nous tous, à la société, à la République, à tous les hommes de bonne volonté dans ces temps de brassage de cultures et de religions » a écrit le théologien Christian Salenson. Qu’avez-vous à ajouter ?

Ce signe est un signe d’ouverture nous invitant à sortir de nous-mêmes, nous appelant à une prise de conscience de ce qui nous unit et nous invitant à tirer un enseignement de paix, paix en moi et paix dans l’Autre. Ensemble nous sommes des constructeurs de paix.

La dernière prière de Christian de Chergé a été : « Seigneur, désarme-moi, désarme-les et désarme-nous. Nous les aimerons d’autant mieux que nous sommes d’abord désarmés ».

Le testament de Christian de Chergé est gravé dans le marbre, ici, dans cette église. Comment expliquer que ce texte écrit par un moine puisse parler à tant de monde ?

Pourquoi un moine interpelle-t-il à ce point, les visiteurs de l’église de Saint Michel de Bannières ? Parce que le moine, en recul du monde, retiré de la vague du quotidien, vit pleinement.

Les termes choisis dans ce testament, ne font peur à personne ; chacun se sent attiré. Le texte balaie notre inquiétude quelle que soit notre croyance et nous amène à la réflexion. Personne ne survole ce texte.

Chacun veut aller jusqu’au bout dans sa lecture, car il se sent concerné et reconnu. Ici, chacun vit un moment privilégié.

C’est un temps de pause amenant à la réflexion. Un état de grâce. « J’en ai la larme à l’œil » me confiait, lors d’une récente visite, un évêque de France.

La fraternité républicaine et évangélique peuvent-elles se retrouver et cohabiter ?

Oui. Ces deux fraternités ne peuvent se vivre pleinement que si elles ne se recroquevillent pas sur elles-mêmes. La fraternité ne se choisit pas contrairement à l’amitié. Mais elle n’exclut pas. Elle est ouverture. Elle est légitime, exigeante, difficile à appliquer mais est l’essence même de l’humanité.

Elle nous renvoie à quelque chose qui nous dépasse, de bien plus difficile que ce qu’on pourrait croire.

La fraternité nous engage.

« Saint Michel de Bannières peut porter le signe de la rencontre de Christian et de Mohammed (assassiné lui aussi pour sa grande hospitalité avec tous) comme signe d’espérance dans la société française » (Christian Salenson). Est-ce, ce a quoi vous aspirez pour ce village ?

Oui, mais pas seulement. L’église de Saint Michel, élément du Patrimoine appartient à tous. Elle doit rester ouverte à tous et accueillante pour tous, sans aucune barrière ni a priori. C’est un lieu de rencontre dans un esprit d’écoute mutuelle.

Les événements qui se succèdent ici, depuis quelques années, nous bousculent et nous dépassent. Nous n’arriverons à faire face que si croyants ou incroyants, nous arrivons à retrouver une paix, une conscience et surtout une fraternité en tant que citoyens et en tant qu’hommes.

D’où l’importance du débat pour s’écouter les uns les autres dans le partage. En cela, nous essayons d’être des passeurs.

Les journées du patrimoine en l’église de St Michel de Bannières
Visites guidées les samedi 17 à 11h et 16h et dimanche 18 à 10h30 et 17h ; suivies d’un débat sur le thème d’engagement citoyens, vecteur de brassage des cultures, de connaissance de l’autre et de tolérance.
Exposition d’Aurélie Lasvaux de 9h30 à 12h et de 14h à 19h.

André Décup La Vie Quercynoise

L’assassinat des moines de Tibhirine sur Wikipedia

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