Mort de Barbara Weldens. Procès ce jeudi 15

La chanteuse Barbara Weldens est décédée en juillet 2017 à Gourdon après avoir subi une électrocution en descendant de scène. Les questions autour des conditions de sa mort étaient au cœur du procès qui s’est tenu ce jeudi à Cahors.

« C’était une femme géniale, d’un talent fou ». Les mots de l’avocat Me Denis Boucharinc résonnent comme un consensus dans la salle d’audience du tribunal correctionnel de Cahors ce jeudi 15 décembre. Celle dont il parle c’est la chanteuse Barbara Weldens, décédée le 19 juillet 2017, à 23 h 30, suite à une électrocution sur la scène du festival Léo Ferré à Gourdon alors qu’elle était enceinte de six mois. Deux techniciens, l’un chargé du son, l’autre des lumières, ainsi que l’association organisatrice de l’évènement, étaient jugés pour homicide involontaire.

Cinq ans se sont écoulés depuis les faits qui se sont déroulés dans l’église des Cordeliers, une église désacralisée prêtée par la municipalité de Gourdon et fréquemment utilisée pour des événements culturels. Alors qu’elle s’y produisait avec ses musiciens, Barbara Weldens, qui avait l’habitude d’être pieds nus lors de ses concerts, avait quitté la scène pour s’avancer vers le public. Au moment, où son pied avait pris appui sur le sol, la jeune femme avait été victime d’une électrocution et était tombée à la renverse en gardant son micro serré contre elle. Lorsque le Samu était arrivé sur place, il était déjà trop tard. L’expertise médicale et les témoignages ont confirmé l’électrocution : plusieurs personnes ayant tenté de s’emparer de son micro avaient elles-mêmes été parcourues de décharges électriques. Une autre spectatrice en avait également reçu alors qu’elle était en train de ranger des chaises métalliques pour frayer un passage aux secours. « Si elle avait porté des bottes en caoutchouc ce jour-là, elle ne serait pas morte. Mais c’était son spectacle de chanter pieds nus », soupire l’avocat de ses proches, Me Boucharinc.

Selon l’enquête, le courant a traversé le corps de la chanteuse depuis son pied droit, celui qui s’est posé au sol en premier, jusqu’à sa main gauche, celle qui tenait le micro. Très vite, les soupçons se portent sur deux objets : un trépied soutenant des luminaires et le câble raccordé au micro. Il s’avère en effet que le bloc puissance servant à moduler les lumières était connecté à un coffret électrique temporaire, comme on peut en trouver sur les chantiers, mis à disposition par la municipalité de Gourdon. Or, pour s’y brancher, le technicien avait dû démonter en partie sa prise et le boîtier. Et surtout, le raccordement qu’il avait effectué n’était alors plus protégé par un disjoncteur différentiel 30 mA qui sert habituellement à prévenir tout risque d’électrisation. « Le branchement électrique, c’est un travail d’électricien qualifié. Vous n’êtes pas électricien ? », questionne le président du tribunal. «Non. Mais l’utilisation de ce genre de coffret est usuelle chez nous. Cela arrive souvent, surtout dans les petites salles. On est remis à nous même, on a souvent un sentiment d’urgence dans ce travail », lui répond le technicien chargé des lumières. Pourtant, après étude de son matériel, un expert avait conclu « il y a tant de non-conformité et de dangerosité potentielles dans cette construction qu’elle en est presque irréelle ». Le deuxième élément mis en cause est le raccordement du micro. Cette fois, c’est l’ingé son qui l’a fourni. C’est le seul défaut retrouvé dans son matériel.

Pour le parquet, c’est « la pluralité des causes – le luminaire et le conducteur – qui est à l’origine du décès ». « L’artistique ne suffit pas. L’objectif de cette procédure est d’éviter toute nouvelle situation comme cela », ajoute la substitut du procureur qui requiert 24 mois d’emprisonnement dont 18 assortis d’un sursis simple pour le responsable lumières et une interdiction définitive d’exercer cette profession et 12 mois d’emprisonnement intégralement assortis d’un sursis simple pour l’ingé son. Elle ajoute également une amende de 20 000 euros pour l’association « Les amis de la butte » qui a embauché les deux hommes sans vérifier leurs qualifications au préalable : « Les habitudes et la réputation ce n’est pas suffisant ».

Dépourvus de tout casier judiciaire, les deux techniciens sont intermittents du spectacle depuis de nombreuses années. Désormais à la retraite et très affectés par le décès de la chanteuse avec qui ils avaient déjà collaboré, ils ne souhaitent plus poursuivre leurs activités professionnelles. En outre, sept personnes se sont constituées parties civiles : la famille, les proches et les musiciens de Barbara Weldens. « Ils m’ont donné comme instruction de n’accabler personne. Aucun de mes clients ne serait heureux d’une condamnation pénale. Il n’y a aucun monstre ici », confie leur avocat qui connaissait lui-même la chanteuse depuis 2010. « Ce qui s’est brisé ce soir-là, c’est un avenir, deux avenirs, trois, quatre… Mais aujourd’hui, ses proches sont passé dans une autre dimension : celle de la paix sans ressentiment. Cela s’appelle la résilience ».

Du côté de la défense, Me Aline Bourgois-Mauzac, Me Emilie Geffroy et Me Thierry Carrère déplorent surtout l’absence de la mairie de Gourdon sur le banc des autres prévenus. « Ceux qui sont propriétaires des lieux, ceux qui en connaissaient les lacunes ne sont pas là et on ne leur demande rien. Ce n’est acceptable pour personne. Tout le monde doit prendre ses responsabilités », s’insurge ce dernier. Ses deux consœurs, qui défendent respectivement le technicien en charge du son et l’association, plaident la relaxe.

L’affaire a été mise en délibéré au 16 février.

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