Seul à exercer sur le secteur, le vétérinaire de Labastide-Murat est visé par une instruction disciplinaire de son conseil de l’Ordre.

Depuis dimanche soir, une mobilisation exceptionnelle est en marche sur le territoire de Cœur-de-Causse pour sauver le cabinet vétérinaire, situé place Daniel-Roques à Labastide-Murat. Une pétition a été lancée en début de semaine. Elle a déjà recueilli près de 500 signatures. À l’initiative de cette mobilisation, huit éleveurs qui veulent apporter leur soutien indéfectible à Joris Dezillie, installé depuis six ans dans le bourg.
Ce dernier est dans le viseur du conseil de l’Ordre des vétérinaires. Plusieurs plaintes ont été déposées contre son cabinet ces dernières semaines. Il lui est reproché notamment de ne pas assurer ses services de garde. Cette situation inédite et pesante a le don d’agacer les agriculteurs du coin. « Le code de déontologie stipule qu’il doit assurer une permanence 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Joris est tout seul sur ce cabinet vétérinaire. Il me semble naturel qu’il prenne des jours de repos », insiste Thierry Merican, éleveur à Lascroux et maire délégué de Labastide-Murat. Il ajoute : « Lors d’une récente médiation, ses collègues du département ont fermement refusé de signer une convention avec lui pour lui permettre de faire un tour de garde. L’entraide et la solidarité sont des valeurs qui ne sont plus aujourd’hui cultivées. »

Les élus apportent leur soutien

Aurélien Pradié, député du Lot et élu Cœur-de-Causse. « Notre commune n’avait jamais eu de cabinet vétérinaire avant l’installation du Docteur Joris Dezillie. Lorsque j’étais maire, nous nous sommes mobilisés pour permettre son installation. C’est un très bon professionnel qui permet un service devenu essentiel pour le territoire et notamment nos éleveurs. Ce que je vois, c’est l’intérêt de notre ruralité. À l’évidence, il y a un acharnement contre lui. Je ferai tout ce que je peux pour que l’intérêt général du territoire, de nos agriculteurs et de la population passe avant les intérêts et conflits entre professionnels. »
Thierry Cassan, président de la communauté de communes du Causse de Labastide-Murat. « Je pense que les raisons de cette situation ne sont pas le problème d’un homme, en la personne de Joris Dezillie, mais bien l’implantation d’un cabinet vétérinaire. Ce cabinet situé au centre du département a toute sa place et reste un atout important à la survie de nos éleveurs. Nous représentons une zone d’élevage significative et la présence d’un cabinet vétérinaire est devenue une nécessité. »
René Courdes, maire de Cœur-de-Causse. « C’est une attaque à une personne. C’est regrettable. On est au centre du département, ce service est vital. »

Mathieu Pages comme ses camarades sont inquiets et excédés. « Si ce cabinet vétérinaire venait à disparaître, comment soignerons-nous nos animaux ? », lâche l’éleveur de bovins et caprins installé à Bramarigue, avant de se remémorer une mauvaise expérience. « Il y a un an, ma vache a fait une matrice. Joris n’était pas disponible. J’ai contacté le cabinet vétérinaire à Gramat. J’ai compris que les soins à une vache n’étaient pas leur spécialité. À Gourdon, la secrétaire m’a précisé que je n’étais pas client donc qu’ils ne se déplaceraient pas. Au final, c’est un vétérinaire de Saint-Céré qui est venu nous épauler. Notre inquiétude est légitime. »

Un métier en voie de disparition

Nœud du problème : vétérinaire des champs est un métier en voie de disparition… Neuf cabinets vétérinaires interviennent pour les soins des animaux de rente (bovins, ovins, caprins, porcs) dans le Lot. Un chiffre qui ne cesse de baisser. Comme les médecins, ils préfèrent exercer en ville. Joris Dezillie passe une grande partie de son temps à sillonner les routes de campagne pour se rendre sur les exploitations. Chaque semaine au volant de son Toyota, il parcourt des centaines de kilomètres. « Joris est un vétérinaire à l’ancienne, comme on en trouve peu ou plus », confie Pascale Vanel. À ses côtés, Noémie Mangieu de Lamothe-Cassel est agacée. « Je ne comprends pas ces agissements. On n’a jamais eu un vétérinaire aussi disponible, à l’écoute, passionné. » « C’est une action de ruralité. Ce service est ô combien précieux en milieu rural », complète Jean-Christophe Pons de Souloumès.

Une affaire en cours d’instruction disciplinaire

La Rédaction a sollicité le Conseil régional de l’ordre des vétérinaires d’Occitanie pour lui permettre de faire toute la lumière sur ce dossier délicat. Ce mercredi, suite à notre demande, le président Frank Famose, nous précisait :  » L’affaire à laquelle vous faites référence est en cours d’instruction disciplinaire. A ce titre, nous sommes soumis à un devoir de réserve et je ne peux malheureusement vous donner aucun élément. »

 Nathalie Borde La Dépêche