Cadavre exquis / spécial confinement

Je vous propose de consacrer quelques minutes par jour dans le cadre du confinement à réaliser un cadavre exquis, avec toutes les personnes intéressées. Pénélope Bagieu (auteur de « les culottées », de l’adaptation bd de « sacrées sorcières », …) vient d’en lancer un sur les réseaux sociaux pour les dessinateurs, pourquoi ne pas faire de même avec nos petits moyens et selon vos inspirations, laisser libre cours à notre imagination. Il y a quelques années, j’avais participé au cadavre exquis de France Inter une nuit et j’avais trouvé cette idée très intéressante.

Il y a plusieurs formes possibles, mais pour que les choses soient plus simples, je vous propose de trouver une phrase qui suivra celle que je vais vous donner (courte et sans fioritures s’il vous plait) et au bout de la période de confinement, tout le texte sera rassemblé en un seul pour former une histoire. Une seule phrase par jour et par participant merci, sinon ça va être la panique … merci de votre compréhension

Je vous propose de commencer avec la première phrase de « Sauver Ispahan » de Jean-Christophe Rufin, c’est un choix totalement arbitraire mais il faut bien commencer par une phrase …. voilà :

« Nul ne pouvait pressentir l’imminence d’un scandale.

……… » Tout basculait mais nous n’en n’étions pas encore conscients. Enfin avoir le Temps , le Temps avec un grand T majuscule. Alors que je m’approchais , et à ma grande surprise ils reculèrent tous. L’objet que je venais de tendre à l’assemblée réunie sur la place était pourtant si anodin au premier regard.

L’esprit s’enrichit de ce qu’il reçoit le cœur de ce qu’il donne

Il devait y avoir un sens au delà du signe matériel pour cette situation.

Et voilà que de nouveau, les citadins entendaient les oiseaux. On avait tous la certitude d’être invincible. Le soleil annonçait le retour du printemps. Les fleurs du printemps répandaient un parfum enivrant.

Surgit de ce sombre néant, un petit animal, encore à moitié endormi, secoua son pelage et étendit ses petites pates blanches et griffues. Il se réveillait doucement ouvrit les yeux. Vert… ils étaient verts. Comme une eau. En m’approchant je remarquais une pointe rougeâtre. Cette boite laquée en rouge attirait tous les regards. Cette boite, d’un écarlate magnifique, désormais visible par toute l’assemblée du village réuni exceptionnellement en ce jour de printemps, contenait non seulement cet étrange animal mais aussi… Quand le mystère est trop impressionnant, on n’ose pas désobéir. Mon pouls se mit à battre plus fort, des sueurs froides me caressèrent l’échine. j’avais froid, j’avais chaud… Est ce le signal d’une peur intense, ou ce satané virus qui nous confine? Ou est donc le thermomètre de ma grand-mère? C’est sourd, invisible ,mais ça s’approche surtout quand on est endormi. Ils avaient gardé leur instinct de chasseurs. Pourquoi cette fascination, cet attrait irrésistible de l’exotique? Le doute effleurait par contagion

Parfois les pistes sont fausses. On arrive au bord d’une falaise et au-delà, c’est le vide. Mais moi, je savais. Comme un flash furtif, la chose s’était dévoilée, m’était apparue claire et limpide l’espace d’un instant fugace. Je venais d’en palper les contours…Enfin! Une petite attention! La cascade avait repris son gargouillis et courait partout dans les prés. J’aimais ce son et, avec lui, cette impénétrable odeur de menthe fraîche qui s’enroulait dans l’air. Quel beau soleil ce matin. La nature revit… Les fleurs fourbissent leurs coroles odorantes, enivrantes de beauté et de sensualité; comme un ultime appel à la rencontre tant espérée. Que faire ? Que dire ? Le silence est roi, et j’écoute le chant du monde qui poursuit sa douce mélodie. La rivière continuait son cours sans se demander où se manifesterait l’amour.

Je m’engageais dans le corridor, et là je vis la chose dans ses grandes largeurs. Devant moi le cantou où le temps dormait encore dans les braises alors que l’aube envahissait déjà le ciel. Et grâce à ce beau temps je fais mon petit tour avec Toussaint je salue de loin mes voisins. Nous resserrons des liens et cette solidarité fait chaud au cœur. Nous ne sommes pas seule….Chacun avait choisi un déguisement mais au final ils étaient tous pareil. Car nous étions saisis en même temps d’anxiété et de joie enfantine, de ce qui allait advenir après, quand le voile aura glissé à nos pieds. Un contour sombre, une épaisse fumée noire masquait l’horizon devenu incertain. L’ombre ne cessait de grandir. Nul ne possédait encore la prescience, ni même la faculté d’élucider l’origine de la fumée noire. Celle-ci désormais pouvait être née de l’ombre elle-même. Tout aussi bien pouvait-elle avoir surgi de leurs propres pensées, de leurs actes, et s’être matérialisée en la matrice qui avait engendré le noir et son ombre. Le noir et son ombre…voilà que le soleil nous jouait des tours….

Et la nature se réveille chaque jour de plus en plus. Un émerveillement de regarder les bourgeons s’ouvrir chaque jour un peu plus : Madame nature ne nous abandonne pas

D’un horizon à l’autre, j’explorai les diagonales. J’avais soif. La gorge sèche.

Celui qui va changer la couleur du temps se profile. Le temps passait vite, il était l’heure de prendre une initiative. On n’y voyait pas grand chose, mais pour une raison inconnue on se sentait bien tout de même. On se sentait bien tout de même dans cette vie ralentie, les mains dans l’eau savonneuse, cachées sous les bulles légères comme des plumes… Comme des plumes de cendres qui venaient se déposer dans mes cheveux défaits

C’est ce moment là qu’il choisit pour avouer tout haut qu’il… taisait ce qui lui avait été confié un soir de désespoir. Ce soir-là, quelqu’un avait glissé une lettre sous sa porte ; Il avait immédiatement reconnu l’écriture sur l’enveloppe. Il était déjà tard et avait remis sa lecture au lendemain. Il passa une mauvaise nuit. Se pouvait-que d’autres sachent déjà … Ou-bien étaient-ils aveugles et faudrait-il un corbeau pour leur ouvrir les yeux? Un corbeau ou un merle, tout comme celui qui vient, depuis plusieurs jours déjà, se blottir sur l’une des branches du jeune aulne glutineux face à nos fenêtres. Nos fenêtres qui prenaient un intérêt significatif dans ce spectacle mêlé d’investigations. Se pouvaient ils que d’autres sachent…Sans plus attendre il enfonça la lame du couteau dans le plis de l’enveloppe, et en sortit une photographie noir et blanc légerement jaunie par le temps, au dos un nom , une date et,… Un nom , une date et …cette phrase, comme une injonction. Il regarda tristement par la fenêtre. Le jeune aulne bourgeonnait. Il avait poussé spontanément. Un temps il avait voulu l’arracher. Puis il s’était décidé à le conserver pour ses propriétés Il préserverait la mémoire disait-on…

Amère ironie du sort…il lu :« Pour que tu n’oublies pas»… Que si tu parles c’en est fini de ta vie tranquille dans ton canapé… S’en était fini de l’arbre et de la fenêtre c’était dans sa tête tout à coup que ça bourgeonnait, comment était-il possible… Mille questions fusaient, telles des assaillantes, des guerrières aux lames acérées qui s’insinuaient dans les limbes de son cerveau. La photo lui glissa des mains, et c’est alors que se penchant pour la ramasser un détail lui revint… Le chant du merle, ainsi qu’à la fois l’évidence de cet évènement soudain ressurgi de sa mémoire, l’éveillèrent tout à fait. En position géostationnaire face au balcon, le drone aboyeur éructait d’inénarrables maximes inversées. Il en fut excédé, le visage durcit, les mâchoires serrées, il allait retourner à son canapé, lorsqu’il aperçut sur le balcon d’en face sa voisine, elle lui souriait…. Il esquissa à son tour un léger sourire et lui fit un petit geste de la main…Cela l’apaisa. Il allait s’assoir, reprendre depuis le départ, revenir à ce détail qu’il avait remarqué. Oh ! Presque rien. Et pourtant .

L’encre utilisée pour cet avertissement était vert émeraude.. En silence soucieux il se demandait, un conseil ou une menace comment cela pouvait-il se traduire? Armé d’une loupe il tenta de tirer le fin mot du message, dont l’encre verte s’étalait par endroits en lavis, mais il ne parvint qu’à déchiffrer des bribes de mots : oisine d n ace, lnus glu , orb au, mbre oire.– Oui mais bon sang ! mais c’est bien sûr ! Cette encre verte… ce ne pouvait être qu’un conseil. Il n’y avait qu’elle au lycée qui utilisait cette couleur d’encre. Et elle était son amie. C’est à ce moment-là que la vitre de sa fenêtre vola en éclats. Il regarda, interdit, le verre brisé qui couvrait le sol comme les pièces d’un immense puzzle. Mais qui donc était sa voisine d’en face? C’est cette question qui le frappa au même instant que sa vitre fut brisée. En un instant tout bascula…

Un cri aigu, haaa houu, traverse la maison. Il vacille. Ses pensées vont de la vitre brisée à cette voisine, du présent au passé, de la réalité à ce qu’il imagine de ce cri qui l’a traversé. Cette amie du passé il se souvient avoir lu un article la citant lors d’un circonstance particulière. « Tout va bien… tout va bien… nous sommes là pour vous aider… » cette voix, Il la connaissait bien …. Peu à peu il ouvrit les yeux, la lumière l’éblouissait. …”Nous sommes là pour vous aider”

il était sonné… À l’évidence cette voix au timbre un peu éraillé ne pouvait appartenir qu’à Lola Delanoche, cette chanteuse de cabaret qu’il croyait avoir tuée, il y a bien longtemps lors d’un duel en auto-tamponneuses. Lola était aussi la femme de la photo jaunie, il le réalisa avec terreur. L’oreille démentait l’œil. La photo ! Ce n’était pas Alice, mais Lola. La couleur de l’encre l’avait induit en erreur. Il se repassa le film du combat singulier. La piste, la tige d’alimentation qui reliait à l’alimentation électrique les 2 petites voitures aux hanches aussi rondes que celles de Lola. Qu’est-ce qui n’avait pas fonctionné ? Mais que disait l’article déjà ? En fait , ce n’était ni Lola, ni Alice , c’était sa petite voix intérieure qui se demandait quand se terminerait cette histoire qui tournait en rond depuis un bon moment, il était tant que ça s’arrête car la fin était prévu le 31 mars.

5h du matin le lendemain. Tout n’est plus très clair dans sa tête, mais Loïc sait qu’il vient de revivre une scène qu’il avait depuis longtemps caché au fond de sa mémoire. C’était ressorti, ça recommençait. Comment allait-il passer ce cap ? Comment oublier cette histoire ? Au loin du côté de la rue des Reclus, le drone hurlait de ses haut-parleurs des sentences que le vent d’autan emportait par-delà la mer de tôle ondulée. Sous ses pas ensanglantés, le crissement des éclats de verre l’accompagna d’un tintinnabulement pathétique jusqu’au balcon, où venu d’on ne sait où, l’appel se répétait, vibrant, insistant, incantatoire.

”Nous sommes là pour vous aider”. il fallait essayer de retrouver celui qui avait fréquenté de près l’auteure de cette lettre. Le 31 Mars, un jour anniversaire. Mauvais jour pour oublier cette histoire. … 5 heures du mat’ au réveil. Ça n’aidait pas. Dans sa tête, … en boucle, la chanson de Chagrin d’amour … « Cinq heures du mat’ j’ai des frissons, Je claque des dents et je monte le son…

….Chacun fait, fait, fait

C’qui lui plaît, plaît, plaît …..

Il pensa, en souriant intérieurement, pour passer le cap, il faudrait peut-être, que, déjà, il apprenne à respecter les règles

 

 

 

Merci à tous les participants. A bientôt pour de nouvelles expériences d’écriture.