Comment font les sans-abri à Cahors ?

SANS ABRI PENDANT CRISE CORONAVIRUS

L’appel au confinement et les règles imposées pour protéger tous les citoyens sont à l’évidence compris et appliqués à Cahors. Mais qui aide les sans-abri durant cette crise sanitaire où on leur demande aussi de rentrer chez-eux ? Au fait, c’est où chez-eux ?

« Le désespoir est assis sur un banc. » Ce poème de Jacques Prévert a-t-il été écrit en hommage aux personnes sans-abri, comme ce vieil homme couché ici à Cahors, ou bien pour dénoncer l’indifférence avec ces vers lourds de sens : « Il ne faut pas le regarder, il ne faut pas l’écouter, il faut passer, faire comme si on ne le voyait pas, comme si on ne l’entendait pas… ». 

 

Ce jeudi, en passant devant ce pauvre homme qui n’avait pour seul témoin que le regard figé de la statue de Gambetta, place Mitterrand, il semblait logique d’oser le réveiller pour lui poser ces simples questions : « Comment allez-vous ? Comment vivez-vous au quotidien ? Est-ce que quelqu’un vous aide ? Où dormez-vous et où allez-vous lorsque la police vous demande votre attestation de déplacement ? »

 

L’homme, dans un demi-sommeil, se frotte les yeux. Il est craintif et s’interroge. Journaliste ou policier ? Il vient de comprendre. Il est rassuré. L’attestation, il n’en a pas entendu parler.

« Je vais bien. Je me débrouille. Quand on me dit de partir… je pars. Je vais dormir en ville, par là-bas » indique-t-il en désignant vaguement les rues du centre-ville. Un squat, un amas de cartons qui forme son abri ? Il n’en dit pas plus sur son « domicile » à ciel ouvert.

Le dialogue s’installe. Son regard traduit une certaine incompréhension. Il vit sa vie ordinaire sans observer de bouleversement extraordinaire dans son quotidien. Le cinéma, il n’y allait pas. Les restaurants, non plus. Les loisirs, il n’en avait pas.

« On vient me voir des fois »

Bien avant le coronavirus, ce guerrier de la rue vivait et survivait au jour le jour. Il continue et erre dans le désert urbain en respectant la distance sanitaire de 1 mètre, sans même savoir qu’il faut adopter cette attitude. 

Plus loin, près de la borne électrique qui sert à alimenter le grand manège, une jeune femme, sans abri elle aussi, recharge un téléphone. Son seul lien pour appeler le 15.

Autre question, avant que le dormeur insouciant s’allonge à nouveau : « Êtes-vous informé de la crise sanitaire dans notre pays ? Est-ce que quelqu’un s’occupe de vous. » Il réfléchit. « Euh… Oui, on vient me voir des fois. Je vais bien. » Ce « on », c’est la Croix-Rouge. Mais ce « on », ça peut-être aussi tous ceux et toutes celles qui connaissent le sens profond du mot solidarité.

Le centre d’accueil a pris des mesures exceptionnelles, ce jeudi 

L’état de santé précaire des personnes ne disposant pas d’un toit pour vivre et donc se confiner impose des actions rapides en leur faveur. La ville de Cahors possède avec l’AHIS (Accueil, hébergement et insertion sociale) une structure d’accueil réservée aux plus démunis.

Ce jeudi après-midi, en raison des circonstances sanitaires très particulières, une réunion exceptionnelle a été organisée à l’AHIS de Cahors.

Catherine Lamant, directrice de l’AHIS de Cahors et son équipe ont décidé de « réserver l’accueil 24 heures sur 24 à 10 personnes. Des aménagements particuliers ont été réalisés dans les chambres afin que chacune de celles-ci n’accueille qu’une seule personne et pas deux comme auparavant. Nous arrivons, pour l’instant, à répondre aux besoins des sans-abri » détaille la directrice.

De son côté, la Croix-Rouge n’effectue plus de maraude physique auprès des groupes de sans-abri. Les lieux de regroupement sont bien sûr évités. En revanche, les équipes de la maraude procèdent à des distributions individuelles après avoir calé dans des endroits précis de la ville des rendez-vous avec des personnes isolées.

Cela ne résout pas pour autant la problématique de l’accueil et du confinement d’autres personnes sans-abri qui vivent et dorment encore dans la rue à Cahors.
La réquisition de chambres d’hôtel, comme cela a été envisagé dans d’autres régions, pourrait être une solution. Elle est dans les esprits.

Jean-Luc Garcia La Dépêche