Fermeture de la dernière usine française de tabac à Sarlat

Mardi 27 août le dernier site de transformation de tabac France Tabac de Sarlat a fermé, cette fermeture  annonce aussi la fin d’une époque.

Dans les années 80, 50 000 tonnes de tabac français était produit par an, contre moins de 5 000 cette année.
Une production agricole qui finit de se consumer, avant de probablement s’éteindre définitivement à l’exception de quelques productions marginales… 

L’atelier de l’écotage, où les ouvrières enlevaient les cotes et nervures des feuilles de tabac

Histoire

Dès 1674, sous Louis XIV, Colbert décrète le monopole de la tabaculture. Seul le roi peut vendre du tabac. aboli après la Révolution de 1789, Napoléon Ier rétablit aussitôt le monopole en 1810. C’est à l’État que revient la culture, l’achat des feuilles, la fabrication et la vente des tabacs. La première manufacture royale de tabac verra le jour à Tonneins en 1726. L’activité des manufactures se maintient durant toute la première moitié du XXe siècle. C’est dans ces établissements, où travaillaient en majorité des femmes, qu’on transformait les feuilles de tabac séchées en cigarettes, cigares, poudre à priser, scaferlatis…A Toulouse, la manufacture des Tabacs était située au Bazacle, en bord de Garonne. L’établissement livrera ses dernières cigarettes sans papier – les cigarillos Ninas – en juin 1979. Il s’est reconverti depuis en centre universitaire.

Côté législation, l’histoire poursuit aussi son bonhomme de chemin. Dès 1926, le monopole de la tabaculture est confié à une société, la SEIT (Société d’exploitation industrielle des tabacs), puis en 1935, on rattache le monopole du tabac à celui des allumettes en créant le SEITA (Service d’Exploitation Industrielle des Tabacs et des Allumettes), qui devient société nationale en 1981 et sera privatisé en 1995.

Planteurs à leur apogée

Dans les années 60, le nombre de planteurs de tabac est à son apogée. On en compte plus de 100 000 en France. A elle seule, la Dordogne en totalise plus de 12 000. Dix ans plus tard, on comptait 5 871 exploitations, soit près de la moitié. Ces derniers produisent essentiellement du tabac brun pour garnir les paquets de Gauloises et de Gitanes. Dans les années 1960, on comptait plus d’une vingtaine d’établissements de transformation du tabac dispersés de Toulouse à Bordeaux, en passant par Tonneins ou Bergerac.

Très consommatrice de main-d’œuvre, la tabaculture assurait alors le maintien et le développement des petites exploitations du Sud-Ouest en lui garantissant un revenu annuel sûr. Jusque dans les années 60, les méthodes de culture resteront traditionnelles. La mécanisation arrivera dans la décennie suivante.

Bâtiments de séchage

Une fois la récolte achevée, les feuilles de tabac étaient mises à sécher dans des bâtiments conçus ou adaptés à cet effet : il s’agit des séchoirs à tabac.

Edifices caractéristiques de nos régions, avec leur silhouette étroite et allongée qui se détache par sa couleur noire et sa hauteur, les séchoirs à tabac sont aussi reconnaissables à leurs persiennes verticales qui garantissaient un séchage optimal des feuilles.

Faute de feuilles de tabac, certains séchoirs sont aujourd’hui transformés en gîte afin que ce patrimoine au charme incomparable ne parte pas en fumée.

Le livre de René Delon

L’auteur retrace ce que furent la culture du tabac et son industrie manufacturière au cours des siècles, depuis l’introduction des premières graines au XVI e par le moine André Thévet, jusqu’en 2008. Il évoque les heures de gloire de la filière tabacole dans le Sud-Ouest. Un ouvrage bien documenté avec de photos inédites qui se veut le témoin d’un temps révolu. «Le Tabac dans le Sud-Ouest-Histoire d’une culture et d’une économie» par René Delon, Ed.Sutton, 159 p.

sèchoir à tabac reconverti en maison d’habitation