La numérisation croissante des démarches administratives critiquée par la Défenseure des droits

Un nouveau rapport met en lumière les effets d’exclusion de la numérisation croissante des démarches administratives.

Si les pouvoirs publics ont fait des efforts pour contrer les effets d’exclusion que peut provoquer la numérisation des services publics, une part encore importante de la population a des difficultés pour réaliser ses démarches administratives en ligne. Voici les grands enseignements du rapport de la Défenseure des droits, publié ce mercredi et baptisé «Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ?».

Car si «les pouvoirs publics semblent avoir pris conscience des risques que faisait courir à un grand nombre de nos concitoyens une dématérialisation engagée à marche forcée», souligne la Défenseure des droits, «les délégués et les juristes du Défenseur des droits continuent de résoudre des litiges toujours plus nombreux, qui sont la conséquence d’une numérisation inadaptée aux situations des usagers». En 2021 en effet, près de 115.000 réclamations ont été adressées à la Défenseure des droits (contre environ 100.000 en 2020), dont près de 80% concernaient les services publics. «Dans les permanences de nos délégués territoriaux, arrivent des personnes épuisées, parfois désespérées, qui font part de leur soulagement à pouvoir, enfin, parler à quelqu’un en chair et en os», affirme Claire Hédon.

«13 millions de personnes en difficulté avec le numérique»

La faute à «des avancées en demi-teinte», pointe le rapport, qui salue tout de même «un plan d’inclusion numérique de large ampleur» (déploiement des espaces France services, progression de la couverture du territoire en accès à internet, création d’un Observatoire de la qualité des démarches en ligne…). Malgré cela, «une partie importante de la population du pays reste en 2022 confrontée à des difficultés liées à la dématérialisation des procédures administratives qui sont parfois insurmontables et entraînent de lourdes conséquences en matière d’accès aux droits», souligne la Défenseure des droits. En partie à cause du fait que, comme en 2019, «13 millions de personnes [sont] en difficulté avec le numérique dans notre pays».

Ce sont toujours les mêmes publics qui sont les principales victimes de cette dématérialisation, note le rapport. Celui-ci cite les personnes handicapées, les détenus, les individus en situation de précarité, les personnes âgées, les étrangers ou encore les majeurs protégés. La Défenseure des droits appelle par ailleurs à dépasser les clichés sur une jeunesse que l’on pense «agile» avec internet et donc avec les démarches administratives en ligne, alors que «les moins de 25 ans sont plus en difficulté que le reste de la population pour (les) réaliser».

La Défenseure des droits ne se contente pas d’établir le constat. Elle formule également 38 recommandations, destinées à promouvoir «une autre approche». Elle appelle par exemple à ce que chaque usager puisse choisit librement son mode de relation avec l’administration (guichet, courrier postal, téléphone, service en ligne, courriels), ou encore à inscrire dans la loi l’obligation «de préserver plusieurs modalités d’accès aux services publics pour qu’aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée». L’autorité administrative indépendante présente également plusieurs recommandations pour «améliorer la conception et le déploiement des sites publics». Sur le volet accompagnement, elle préconise enfin «la création d’une filière des métiers de la médiation numérique».

lefigaro.fr