L’évêque de Cahors et l’histoire du Lot au XVIIème siècle

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En cette fin du XVIe siècle, les tensions sociétales s’exacerbent : La France sort d’une grave crise de civilisation. Huit conflits religieux ont ravagé le Royaume entraînant la guerre civile.

Alain de Solminihac naît en 1593, près de Périgueux, au sein d’une famille de petite noblesse catholique, bien insérée dans les milieux de la région (notamment alliée aux Montaigne), dans un secteur d’adeptes du protestantisme.

L’adolescent est élevé comme ses deux frères en vue d’être prêt à répondre à l’appel du roi en cas de guerre.

Un de ses oncles étant devenu abbé des chanoines de Chancelade en Périgord, les circonstances vont le pousser dans une autre voie : la vie religieuse. Ainsi, partit-il suivre dès 1614, des cours de droit à l’Université de Cahors, avant son ordination sacerdotale à Périgueux en 1618. Il continue à Paris, des études de théologie et revient en Périgord, devenant abbé de Chancelade avec la devise : « Aussi bien que se peut. Jamais rien à moitié ». Principe, qu’il suivra toute sa vie.

Le jeune religieux enthousiaste, remet dès 1623, au sein de l’abbaye, la vie commune à la base de tout : communauté des biens, des repas, du travail et de la prière.

Il encourage les religieux à une vie spirituelle non de contrainte mais d’amour. En 11 ans, il reçoit la profession religieuse de 54 novices. Sa méthode et ses préceptes font école auprès d’autres communautés.

Le rayonnement de la personnalité de cet abbé attire rapidement une réputation hors de son abbaye. On l’appelle de partout. L’avancée réformatrice du monastère est une réussite.

Évêque de Cahors pendant plus de vingt ans (1636-1659)

Ce qui n’échappe pas au pouvoir royal. Ainsi en juillet 1636, on lui propose l’évêché de Cahors. Il hésite encore, par humilité, ayant déjà refusé les évêchés de Bazas et Lavaur.

« L’évêque malgré lui » comme le surnommera plus tard, accepte à la seule condition de pouvoir demeurer abbé de Chancelade pouvant ainsi amener à Cahors des religieux qui partageront son existence quotidienne et l’aideront dans sa nouvelle tâche.

Dès son arrivée en Quercy, le nouvel évêque, à l’apparence austère, frappe par son esprit de sacrifice.

À l’étonnement de tous, Alain de Solminihac n’oublie pas sa vie de religieux et continue une vie simple et monacale, malgré les honneurs de sa charge. Sa résidence de Mercués est ordonnée comme un monastère où l’on mène une vie d’ascète, se levant à 4 heures du matin, ne prenant qu’un repas par jour, attachant une grande importance à la prière. À tout son entourage, il demande « d’être religieux en sa vie, mœurs et conversations ».

Ce diocèse qu’il avait visité incognito avant son intronisation, est l’un des plus vastes de France comprenant tout le département du Lot actuel, mais aussi une partie des départements du Tarn et Garonne, de la Dordogne, allant jusqu’aux frontières de la Gascogne : Soit une population de 500 000 habitants environ (La France compte à cette époque 20 millions d’habitants) avec un important clergé.

Ce grand ensemble se trouve depuis un siècle dans un état de bouleversement complet causé par les guerres de Religion qui ont dévasté la région de 1561 à 1598, et par les révoltes populaires des « Croquants », provoquées par les impôts excessifs dans le monde paysan. La population vit dans l’ignorance religieuse, le clergé est peu apte à rendre les services qu’on attend de lui. Des abus se sont glissés parmi les clercs, délaissant la messe pour se tourner vers les jeux, la chasse ou les fêtes. Le nouveau pasteur leur demande « de vivre dans (leur) paroisse, de travailler la théologie, d’instruire la jeunesse, de visiter les malades et les pauvres ».

Une révolution exigeante dans la vie des clercs !

Un évêque itinérant qui renouvelle le diocèse

Face à cette situation de malaises, l’évêque recourt immédiatement aux remèdes proposés par le Concile de Trente : Restaurer des liens étroits avec tout le clergé, rétablir les visites pastorales, créer un conseil épiscopal, installer en 1643, un séminaire (avec l’aide de Lazaristes envoyés par saint Vincent de Paul). Et d’abord, Mgr Solminihac propose la tenue d’un synode à l’image de ce qu’avait réalisé, un siècle auparavant, Charles Borromée, le saint de Milan.

Bien plus souvent sur les chemins que dans sa résidence de Mercués, il sillonne son diocèse en tous sens, visitant jusqu’à neuf fois les 800 paroisses, supportant fatigues et incommodités. Il recommande à ses prêtres de prêcher en langue populaire et fait imprimer le catéchisme en occitan. Des attentions qui renforcent la reconnaissance de la ruralité.

Au sein des paroisses, il met en œuvre des missions grâce aux moines de Chancelade qui, par équipes de six, vont « vers les communautés dans une grande humilité pour faire connaître les commandements de Dieu et les mystères de notre foi ».

Comme après chaque concile, la réforme ne s’impose pas avec facilité. Le prélat se heurte à des oppositions extrêmement puissantes, exigeant beaucoup de force et de patience. Certains prêtres du Bas Quercy par exemple, ne veulent pas entendre parler du concile de Trente. Mgr Solminihac ne cède pas : « Je ne veux souffrir en mon diocèse les vices du clergé » affirme-t-il avec sévérité, ce qui n’est pas du goût de tout le monde.

L’évêque est insulté, calomnié, poursuivi de pamphlets.

L’évêque des pauvres

C’est au cours de ses visites pastorales qu’il prend conscience de la situation misérable de nombreux habitants du Quercy. « Cet homme qui voue une passion pour les pauvres » se dépouille de ses ressources de baron et comte de Cahors au profit des démunis de l’assistance publique. Il participe ainsi, aux drames de son temps : « Les revenus de mon évêché sont le sacré patrimoine des pauvres et tout ce que je peux prétendre, c’est d’en tirer ma propre vie ». Il multiplie en effet les fondations charitables, orphelinats, hôpitaux et fait transférer le grand hôpital Saint Jacques qui deviendra hôpital général, à son emplacement actuel, rue Wilson.

Dans cette région éprouvée par les affrontements pendant plus d’un siècle, l’état de santé des populations est mauvais et le moindre accident provoque des drames : Un de ceux-ci éclate en 1 652 sous forme de peste.

Partie de Figeac, elle se propage le long de la vallée du Lot pour atteindre Cahors. La majorité des curés s’étant enfuie, le responsable du diocèse décide de se rendre auprès des malades, dans les secteurs éprouvés comme Léobard, Gourdon et Sauzet.

L’œuvre d’Alain de Solminihac exige de sa part un effort considérable. En 1659, malgré son état d’épuisement, il poursuit les visites pastorales. En septembre, malade, il doit repartir rapidement d’Alvignac pour se reposer à Mercués. C’est là qu’il mourra quelques semaines plus tard, le 31 décembre 1659.

Il sera béatifié le 4 octobre 1981 par le pape Jean-Paul II.

L’homme des temps nouveaux

Éclairé et charitable, « Monsieur de Cahors » acquiert de son vivant, un prestige et une réputation de sainteté qui le met en relation avec les grands artisans de la Réforme catholique, François de Sales et Vincent de Paul. Son rôle déborde rapidement les frontières du Quercy.

Parce qu’à l’image des pasteurs des premiers siècles de l’Église, « il fut un exemple de maîtrise de soi dans une donation entière et généreuse à son devoir d’état », selon les mots du pape Pie XI qui reconnut son héroïcité.

Parce qu’il a revêtu, dans toute son ampleur, l’esprit de l’Évangile, Alain de Solminihac, l’un des principaux évêques français du XVIIe siècle, fut avant tout l’homme des temps nouveaux.

André Décup La Vie Quercynoise

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Extrait de l’OT Grand Cahors

Après les ravages de la guerre de Cent ans, la population de Cahors a sans doute diminué et la ville a perdu son importance économique. Autour de 1500, une école de sculpture originale décline roses épanouies et bâtons écotés sur une chapelle de la cathédrale et plusieurs hôtels particuliers.

 

Au XVIe siècle siècle, la capitale du Quercy conserve son prestige dans le domaine intellectuel, grâce à l’Université, aux collèges et à la présence de plusieurs imprimeurs. Cahors est la ville de naissance des poètes humanistes Clément Marot et Olivier de Magny. Malgré l’accession de Galiot de Genouillac, seigneur d’Assier et Grand Maître de l’artillerie du roi François Ier, au statut de sénéchal du Quercy, la Renaissance a laissé peu de traces dans la ville : seules une maison de la rue Bergougnoux et l’Archidiaconé Saint-Jean en portent le décor foisonnant.

 

Au XVIIe siècle, Cahors connaît un nouveau développement religieux dans le cadre du mouvement de la Contre-Réforme orchestré par l’évêque Alain de Solminihac, qui restaure son diocèse et fonde un grand séminaire. Les administrations de la Cour des Aides et du tribunal des Elus attirent hommes de justice et un important personnel, qui modifient au goût du jour les maisons médiévales qu’ils occupent : de belles portes sculptées, des fenêtres de combles appelées mirandes et des escaliers à volées droites en sont le témoignage. A l’initiative de l’intendant de Guyenne Pellot, le XVIIe siècle voit également la rivière s’équiper des premières écluses, qui facilitent grandement le transport des marchandises.

 

En 1751 l’Université de Cahors est supprimée et transférée à Toulouse. Peu de témoignages d’architecture du Siècle des Lumières nous sont parvenus, hormis de belles cages d’escalier aux ferronneries chantournées.