Patrimoine de Cahors enfouit « à jamais? » sous un grand hôtel?
Le projet de construction d’un hôtel de luxe, le Best Western Divona, sur un site archéologique à Cahors près du pont Valentré, agite la Société des études du Lot et de nombreux Cadurciens.
Il semble que la stratégie économique (Doter Cahors d’un hôtel de luxe, développer la ville du côté du pont Valentré) ait eu le pas sur le souci de conservation du patrimoine. Un investisseur se présentait, la municipalité et l’état étaient prêts au compromis pour qu’il ne s’échappe pas, il s’agissait en effet d’un investissement privé de près de 5 millions d’euros.
Les fouilles préventives conduites en 2011 par l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) ont révélé des dessous intéressants. Des sondages ont été faits sur environ 10 % du terrain, dont la superficie est de 4 000 m2. Ces sondages ont démontré la présence de murs solides jusqu’à 2 m de fondation, de plusieurs absides, d’éléments de placage en marbre, le tout donnant l’assurance d’avoir là les vestiges d’un monument en liaison avec l’eau.
Le site pourrait être celui d’un ensemble thermal datant du tout début du Ier siècle de notre ère, ou bien alors un temple dans lequel on vénérait Divona.
Un potentiel archéologique qui n’a pas pour autant décidé la Drac (le service régional d’archéologie) à retarder la construction de l’hôtel de quelques mois pour effectuer des fouilles de sauvetage.
Les spécialistes de la Commission interrégionale pour la recherche archéologique ont conclu que les vestiges devraient être conservés sur place moyennant la surélévation de 2 mètres du bâtiment grâce à des micropieux, le rez-de-chaussée, construit sur un vide sanitaire. Cela permettrait la conservation des vestiges.
Des mesures insuffisantes pour les chercheurs qui ont travaillé sur le site et déplorent de n’avoir pas été associés à ce travail, les seuls vestiges pris en compte pour l’implantation des micropieux sont les murs. On n’y voit aucune mention des bassins. Et c’est comme ça qu’on se retrouve à détruire un égout, découvert au diagnostic.
Un moindre mal pour les porteurs de projet qui «ont eu à cœur de respecter au mieux les vestiges». Le dialogue n’a jamais eu lieu.
Un rappel historique sur la destruction du théâtre antique de Cahors
La ville antique de Divona, le nom d’une divinité celtique des eaux, semble être une création ex nihilo du Haut Empire. Chef-lieu du pays des Cadourques, la ville occupait alors quasiment tout le méandre formé par le Lot. Le schéma urbain était celui d’une ville romaine classique avec un cardo (voie d’axe nord-sud) et un décumanus (voie d’axe est-ouest) et avec toute sa parure monumentale.
C’est dans la partie occidentale, moins bouleversée par l’urbanisme, qu’ont été retrouvées les plus grandes traces de l’occupation romaine. En effet, la partie orientale a été fortement perturbée par l’urbanisation médiévale. Ainsi, dans la partie ouest de la ville ont été retrouvés des mosaïques, des fours de tuiliers et plusieurs tronçons d’égouts et de voiries.
C’est là également que deux des principaux monuments publics ont été conservés : les thermes de Diane et le théâtre. Ce dernier, construit dans la première moitié du Ier siècle de notre ère, sans doute vers 41-54 sous le règne de l’empereur Claude, a été pendant des siècles le plus entier des monuments romains conservé à Cahors.
Après le resserrement de la ville dans la partie est avec la construction de l’enceinte de Saint-Didier au VIIe siècle, tout le reste de la ville resta inoccupé. S’ouvre alors plusieurs siècles pendant lesquels on ne sait ce que devient le monument. Cependant, pendant toute l’époque médiévale, il semble que les vestiges antiques ont du subir un sort semblable : ceux-ci se sont effondrés par ce qu’ils n’étaient plus entretenus ou ont été détruits volontairement par les habitants afin de récupérer les matériaux. Le théâtre antique a, en partie, échappé à ce sort. En effet, à partir du XVIIe siècle, lorsque les érudits locaux commencent à s’intéresser aux antiquités de la ville, ceux-ci étudient souvent le théâtre dont il reste encore d’importants vestiges.
Au cours du XIXe siècle furent réalisées les premières fouilles sur le théâtre. Les ruines du théâtre que l’on surnommait « les Cadourques » était alors encore imposantes
En 1841, sur la proposition de la Commission des Monuments historiques, les vestiges furent classés au titre des Monuments historiques. Le classement fut notifié au maire (août 1841) mais pas au propriétaire qui entreprit en 1856 le comblement de l’édifice. Entre 1860 et 1863, le propriétaire entreprit la démolition de ce qui restait d’élévation
Cet état entraîna le déclassement de fait du théâtre dont il ne restait que quelques structures du tiers sud-est. A la fin des années 1960, on édifia sur l’emplacement du théâtre la Chambre d’agriculture du Lot.
Le théâtre de Cahors avait un plan parfaitement classique. Il se composait d’un hémicycle orienté vers l’ouest et était fermé par un mur de scène que les fouilles de 1981 ont mis au jour .. La partie nord de l’hémicycle avait été aménagée dans la roche [Fig. 2]. On y avait creusé les gradins selon une technique classique. En effet, les architectes utilisaient la déclivité du terrain pour économiser des maçonneries…. la maçonnerie des murs du théâtre était faite avec « un mortier de ciment qui auroit rendu la bâtisse éternelle si l’avarice ou la légèreté des habitants de Caors n’en arrachoit journellement les pierres pour cultiver la terre ou pour bâtir ailleurs »
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