Ville de demain : Figeac en exemple

Un an après l’anniversaire des dix ans du Plan Ville durable, le ministère de la Transition écologique a organisé mardi 9 février une nouvelle édition du projet « Habiter la France de demain », une journée d’échanges et de retours d’expériences déclinée autour de quatre grands défis : sobriété, résilience, inclusion et production. La ville de Figeac avec l’action de l’Etablissement Public Foncier d’Occitanie a été choisie en tant que territoires démonstrateurs et pionniers. Le maire de la sous-préfecture lotoise, André Mellinger, s’est rendu à Paris pour participer à cet événement national. « C’était très intéressant, un vrai moment de partage avec des ateliers suivis en ligne par plus de 800 personnes sous la houlette d’Emmanuelle Wargon, Ministre déléguée du logement » raconte l’élu. « J’ai utilisé le mot résilience dans mes vœux. J’ai été amené à intervenir avec le maire de Trèbes. On a des définitions complémentaires de la résilience : on ne fait pas le gros dos pour lutter contre quelque chose comme les inondations, au contraire on se saisit des opportunités. L’objectif est de transformer les contraintes en ressources. À Figeac, c’est ce que l’on fait en s’adaptant aux contraintes du PPRI (plan de prévention du risque inondation), cela ne nous a pas empêchés de construire la Maison de la formation sur pilotis ni de faire des vestiaires à Londieu, ni d’avoir des commerces en centre-ville. L’idée est d’essayer de vivre avec le risque en valorisant le patrimoine ancien. On rejoint alors le thème de l’inclusion : à Figeac, on n’a pas fait de barres mais de vrais logements sociaux de qualité dans l’ancien, favorisant la mixité sociale et on a continué à avoir des services au cœur de la ville comme l’hôpital reconstruit sur site au lieu d’en faire un neuf à l’extérieur. »

A.L.La Dépêche

Les 4 principaux enjeux de la ville de demain

Lors de la journée d’échanges du 9 février, les quatre défis (sobriété, résilience, inclusion, production) déterminés un an plus tôt ont été débattus et précisés.

Il en est ressorti que la sobriété consistait notamment à privilégier la rénovation plutôt que la construction, à favoriser l’éco-conception (circuits courts, matériaux biosourcés, réemploi…), de penser à plus grande échelle (de la ville ou du quartier, plutôt que d’un seul bâtiment), et de prendre en compte la biodiversité en limitant l’artificialisation des sols et en « re-naturant » la ville.

La notion de résilience nécessite quant à elle de prendre en compte les risques naturels (tremblements de terre, érosion, incendies), climatiques (canicules, tempêtes, inondations), et sanitaires, dans la conception de la ville et de ses bâtiments pour anticiper et s’adapter à ces phénomènes.

L’inclusion porte sur la création de logements abordables, l’importance de la mixité sociale, de disposer d’espaces partagés pour favoriser les rencontres entre les habitants de la ville, mais aussi sur l’accessibilité pour les personnes âgées ou en situation de handicap.

Enfin, la notion de « production » porte sur l’équilibre entre les activités économiques, sociales, éducatives et culturelles. La ville « productive » est créatrice d’emploi dans la ville et à ses abords (agriculture, circuits courts, logistique, commerces de proximité, artisanat, service à la personne, santé etc.) pour améliorer la qualité de vie de ses habitants.

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Produire en ville : enjeu de demain ?

De récents travaux menés en France et aux États-Unis ont montré que la prospérité des territoires dépendait de trois grands facteurs : la capacité du territoire à exporter et à attirer des touristes, sa capacité à capter des revenus résidentiels non liés à la production locale (retraites, rentes, revenus du travail non basé localement, …) et enfin l’effet multiplicateur local correspondant à la capacité du territoire à faire circuler durablement les richesses — en favorisant les échanges au sein de l’économie locale. Or sans diversité économique, sans outil productif, cet effet multiplicateur ne peut s’exercer pleinement. » Et il a très nettement diminué depuis 50 ans, ajoute Utopies.

De l’autre côté la société a changé. On ne consomme plus de la même manière. Certes le prix conditionne encore de nombreux achats, mais l’instantanéité, la personnalisation et la proximité sont autant de facteurs grandissants dans l’esprit des consommateurs. De la même manière, le numérique et plus généralement les nouvelles technologies sont venus transformer en profondeur l’acte de fabriquer comme la manière de vendre et de distribuer. « Ce nouveau visage de la fabrication permet à beaucoup plus de personnes de produire et de vendre leurs propres produits: les coûts de production sont plus faibles, les outils sont plus accessibles, les besoins d’espace sont plus petits, les cycles de production peuvent être courts et à la demande, et les ventes peuvent commencer du jour au lendemain. Et comme dans le secteur manufacturier du XIXe siècle, des entrepreneurs bénéficient souvent de leur intégration dans les centres-villes et les centres de quartier. (…) Pour les collectivités, cela représente une double opportunité de développer simultanément l’activité entrepreneuriale et de contribuer aux efforts de revitalisation de quartiers », arguent les auteurs du rapport Made in Place

Aujourd’hui les études et analyses ont donc laissé place aux expérimentations en ville, quand le mouvement n’a pas été inverse. Pour le cabinet Utopies, cette nouvelle donne révèle « des milliers de niches locales dont peuvent s’emparer une nouvelle génération d’entrepreneurs fabricants mais aussi les grandes entreprises désireuses de rapprocher leur outil de production des consommateurs : micro-usine, usine collaborative, foodlab, micro-abattoir, micro-crémerie, micro-brasserie, micro-ferme, agriculture urbaine, ferme péri-urbaine, micro-unité de méthanisation, écosystème d’écologie industrielle, éco-déchetterie, micro-unité de recyclage de menuiserie ou de cartons, micro centres de rénovation d’équipements ménagers, fablab upcycling textile, néo-artisanat, etc… ».

Pour le cabinet de conseil Recast City, c’est une invitation au déploiement du « small scale manufacturing » : « La fabrication à petite échelle est un terme générique qui fait référence à tous les types de petites entreprises qui produisent des biens tangibles. Cela comprend les textiles, la quincaillerie, le travail du bois, le travail des métaux et l’impression 3D. Il comprend également le prototypage de matériel, la conception et le prototypage de produits de consommation, les brasseries et les distilleries, ainsi que la production et l’emballage d’aliments locaux. »

Concrètement le mouvement vers des villes fabricantes et productives laisse donc la place à plusieurs typologies d’acteurs. Des artisans ébénistes par exemple. A Londres, le magasin Unto this Last est une véritable fabrique de meubles au cœur de la capitale anglaise. Le mobilier est réalisé sur mesure à la demande des clients. « Ce processus responsable, qui met en avant le savoir-faire artisanal anglais entraîne ainsi le client dans une expérience d’achat différente, lui permettant de participer à l’histoire de la conception de son produit », souligne Utopies.

Mais « avec et autour de ces espaces alternatifs de production, on voit émerger des écosystèmes qui font la part belle à un mode de production économe en énergies fossiles et qui donne la priorité au collaboratif, aux circuits courts, au développement durable, ainsi qu’à l’inclusion sociale », écrivent les sociologues Isabelle Berrebi-Hoffmann, Marie-Christine Bureau et Michel Lallement dans Le Monde. Et ces “fab labs”, hackerspaces et autres fermes urbaines ou micro-usines « incarnent », selon eux « la volonté de faire société et de faire la ville autrement ».

 

le projet Habiter la France de demain doit redéfinir les fondamentaux de notre vie en commun

Ces fondamentaux commencent par l’échelle du logement ». Une « task force » devra proposer un nouveau référentiel avant l’été, il doit « permettre de faire évoluer nos pratiques, d’inverser la tendance au logement toujours plus petit, tout en tenant compte des enjeux sociaux, économiques et environnementaux ».

François Leclercq dénonçait « la taille des logements, la taille des pièces » proposés aujourd’hui par les promoteurs, trop exigus pour « vivre, se nourrir, dormir, se laver, s’aimer, éduquer ses enfants, soigner un malade ». Leurs dimensions « n’ont pratiquement pas changé depuis cinquante ans et ont même eu tendance à se réduire. On construit aujourd’hui des trois-pièces de moins de 60 mètres carrés », rappelaient les auteurs. Fort du constat que « dans tous les pays d’Europe, la dimension des logements est nettement plus grande : 75 m² pour un trois-pièces est une moyenne », ils en appelaient à une redéfinition de la taille et de la qualité des logements. C’est précisément la mission que lui a confiée Emmanuelle Wargon.