Les boulangers peuvent-ils ouvrir 7 jours sur 7?

boulangerieLes boulangers du Lot sont de nouveau mobilisés : d’abord contre une minorité de leurs collègues qui «refusent de fermer leur commerce un jour par semaine» ; ensuite contre l’État «qui ne fait rien pour faire respecter la loi».

«Comment est-il possible qu’une loi ne soit pas respectée, sans que cela provoque la moindre réaction de la part de l’État ou de ses représentants dans le département ?» C’est la question que se posent Gérard Bodi et Patrick Lasjaunias, au nom de leur organisation professionnelle, la Maison de la boulangerie.

La règle en question est actée par un arrêté préfectoral de 1992, imposant aux boulangeries un jour de repos hebdomadaire. Seule exception prévue : du 15 juin au 15 septembre.

«Dans tous les départements où cet arrêté existe, ça fonctionne bien… Mais pas dans le Lot», poursuivent les deux boulangers. «Depuis plus de vingt ans, nous constatons des dysfonctionnements et aucun des représentants de l’État qui se sont succédé n’a réglé ce dossier. Nous discutons, nous entendons des promesses, mais aucun résultat.»

«Concurrence déloyale» et «injustice»

Pour l’organisation professionnelle, l’affaire est d’abord une question de «concurrence déloyale : ceux qui ouvrent tous les jours attirent les clients de ceux qui respectent la règle.» D’injustice aussi «pour les boulangers qui ont été sanctionnés par le passé parce qu’ils ne respectaient pas la règle : aujourd’hui, ils ferment un jour par semaine… Et ils constatent que d’autres fonctionnent sept jours sur sept sans être inquiétés… Ce n’est pas notre idée de la justice.»

Par le passé déjà, la Maison de la boulangerie avait pris l’affaire en mains et déposé plusieurs plaintes. Pour des résultats satisfaisants : les boulangers récalcitrants ont été condamnés et ont dû fermer un jour par semaine. «Cette formule a fait ses preuves, nous allons donc la reprendre et déposer plainte lorsque de nouveaux cas se présenteront.»

Les boulangers envisagent également une autre action. «Un recours contre l’État est à l’étude : il est incompréhensible qu’il ne fasse rien pour faire respecter la loi. Ce n’est pas à nous de le faire.»

«Préserver le métier»

Les boulangers précisent qu’ils n’ont aucune intention de se lancer dans une «chasse aux sorcières» : c’est pour «préserver le métier» qu’ils ont établi la règle du jour de fermeture hebdomadaire, validée en 1992 par un arrêté préfectoral. Parce que dans le Lot, 80 % des boulangers travaillent seuls ou avec un seul compagnon. Dans ces conditions, impossible pour les petits commerces, d’ouvrir sept jours sur sept.

«À titre personnel, j’aurais la possibilité d’ouvrir sept jours sur sept, j’ai suffisamment de personnel pour ça», poursuit Patrick Lasjaunias. «Mais ce n’est pas l’intérêt de la profession. Et je n’oublie pas mes débuts dans le métier, lorsque j’étais seul au fournil. J’étais bien content à cette époque que la règle de fermeture hebdomadaire soit respectée. Aujourd’hui, je renvoie l’ascenseur, en pensant à ceux qui travaillent seuls (ou avec un ouvrier) et qui n’ont pas les moyens d’ouvrir sept jours sur sept.»

Et Gérard Bodi de rappeler l’intérêt général : «Une large majorité de la profession reste favorable à cette règle. Si la tendance s’inverse, nous réviserons notre position. Mais pour le moment ce n’est pas cas. Donc nous demandons à l’État de faire respecter la règle.»

Nous n’avons pas été en mesure de joindre les services préfectoraux hier.


La trêve estivale est en avance

À compter du 15 juin, et jusqu’au 15 septembre, la fermeture hebdomadaire ne sera plus une obligation pour les boulangers : c’est la trêve, liée à la saison touristique.

Cette année, la trêve est en avance puisque quelques enseignes ont anticipé et ont déjà repris un rythme d’ouverture quotidien. C’est le cas des boulangeries de Serge Gayrard, installé à Lamagdelaine et à Cahors. «Un jour d’ouverture, c’est 15 % d’activité en plus. Ouvrir 7 jours sur 7 nous permet de créer quatre emplois», souligne le chef d’entreprise qui espère avec d’autres collègues rencontrer d’ici la rentrée la préfète du Lot, pour lui expliquer les difficultés posées par la réglementation. «Les clients nous soutiennent. On se bat juste pour travailler. Tous les métiers ont évolué et le nôtre aussi doit s’adapter.»

Où en sont les boulangeries du Lot?