Hausse des agressions des élus dans le Lot
Les agressions des maires et élus du Lot, ce n’est pas de la fiction, mais un phénomène bien réel et en nette hausse depuis quelques semaines. Quelle réponse ? Quelle contre-attaque ? Le préfet monte au front et un observatoire vient d’être créé pour soutenir les victimes. Trois d’entre elles témoignent ici.
Le maire, premier soldat sur le front de la vie communale pour assurer la sécurité et le bien-être de ses administrés, est aussi devenu depuis quelques mois la cible privilégiée d’agresseurs déterminés. Ces derniers qui ne mâchent pas leurs mots et ne retiennent pas leurs gestes lorsqu’ils pratiquent l’insulte ou plus face à l’élu local.
Ce nouveau phénomène, cette perte de sang-froid inacceptable n’épargne guère les maires ruraux et impacte leur santé mentale. Au point même, pour certains d’entre eux de vouloir rendre leur écharpe tricolore.
Au sein de l’Association des maires de France (AMF), présidée dans le Lot par Jean-Marc Vayssouze, tout juste reconduit à la tête de cette structure, une nouvelle entité baptisée « L’Observatoire » vient d’être mise en place pour « être un relais destiné aux élus lotois victimes d’agressions physiques ou verbales.
Ils ont la possibilité, via une plateforme sécurisée de signaler l’agression dont ils ont été victimes. Nous sommes à leurs côtés pour les écouter et les soutenir devant les tribunaux car, outre la plainte déposée en leur nom propre, l’AMF 46 se portera partie civile lors de chaque action judiciaire » communique le bureau de l’association.Moins isolés, plus soutenus, les élus agressés se lâchent.

Voici trois témoignages éloquents d’élus qui ont subi des agressions verbales, des menaces et une tentative de violence physique.
Claire Delande : « La violence est d’abord dans les mots »
Maire de Gagnac-sur-Cère et conseillère départementale, Claire Delande déplore « des agressions verbales dans la rue, des mots très durs. J’ai aussi reçu des mails de la même teneur. La violence est dans les mots, même s’ils ne sont pas toujours grossiers. Je ne pense pas que leurs auteurs s’adresseraient ainsi à d’autres personnes. Les propos sont très virulents. J’ai déjà été prise à partie assez durement, je peux le dire et le regretter. Ca marque parce que c’est une forme de violence. »
Gilles Liébus : « On me profère des menaces de mort »
Depuis deux mois, le maire de Souilac reçoit des lettres anonymes. Mais les menaces et les actes vont beaucoup plus loin. « On me profère des menaces de mort sur des lettres anonymes. On me reproche de défendre les valeurs du Macronisme. Ils veulent me faire cramer. Je reçois des croix gammées. Je n’ouvre pas toutes les lettres, je les porte directement à la gendarmerie. On s’est aussi attaqué à mon véhicule. Dans la nuit de dimanche à lundi, on a crevé les pneus de ma voiture. Certains partis politiques alimentent cette haine. Je ne peux que regretter ces attitudes inadmissibles. Ma fonction d’élu est directement attaquée ci, mais ma famille est aussi menacée. C’est grave et ça monte en puissance. »
Un maire du Grand Cahors : « J’ai pensé qu’il allait m’en mettre une »
En nous demandant de respecter son anonymat, un maire du Grand Cahors a, quant à lui, été choqué par « l’attitude d’un homme qui s’en prenait tout d’abord à un jeune employé communal devant une école. Un individu très alcoolisé était en train de l’agresser physiquement et de l’invectiver. Je me suis interposé et j’ai dit à cet homme que j’étais le maire. Cela ne l’a pas du tout impressionné, bien au contraire. Il m’a dit qu’il m’emmerdait. Puis il a cherché à me bousculer. À cet instant et voyant dans quel état il se trouvait, j’ai pensé qu’il allait m’en mettre une. Puis, en entendant mon adjoint appeler la police, il s’est un peu calmé. Je lui ai fait comprendre que je n’avais pas peur de lui. J’ai pratiqué les sports de combat. J’aurais su me défendre. Les policiers sont arrivés très vite. Ils ont maîtrisé puis menotté l’agresseur. À l’époque je n’ai pas porté plainte, mais si cela devait se reproduire je n’hésiterais pas à le faire. Un élu, comme n’importe quel citoyen, ne doit pas être agressé » conclut-il. Les élus locaux sont sur la défensive dans leur commune qui ne devrait jamais ressembler à un ring.
Le préfet du Lot en mode combat
Dans sa circulaire adressée à tous les procureurs de la République, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti demande « pour les maires victimes d’outrages, une réponse pénale systématique et rapide qui évitera les simples rappels à la loi. » Michel Prosic, préfet du Lot, prend le problème à bras-le-corps. Il a organisé une réunion lundi avec les forces de l’ordre, la justice, puis les instances départementales et locales.
« Le maire est en première ligne. Pour moi, c’est le premier pilier de la République. Il représente ses concitoyens. À ce titre, nous leur devons tous le respect et l’état la protection. J’ai organisé cette réunion pour mettre en place les bonnes procédures. Je porterai systématiquement plainte au nom de l’état si une situation de violence se présentait. Nous allons écrire à tous les maires pour leur expliquer le dispositif de prévention et d’alerte qui va être mis en place, comme un système d’alerte immédiate qui permettra aux forces de sécurité que c’est un maire qui appelle au secours. Les auteurs de ces actes doivent désormais savoir qu’ils trouveront systématiquement l’état en face d’eux. » Un discours de fermeté donc face à une situation de gravité.
La présidente de la région Carole Delga : « J’ai reçu plusieurs menaces de morts depuis 2016; l’Etat m’a mis d’office une protection policière mais je n’ai pas peur.
On assiste depuis des années à une montée de la violence inacceptable envers les élus, envers l’autorité en règle générale. Il y a les insultes, les menaces, les agressions et je n’oublie pas qu’un maire a été tué dans le Var en 2019.
Il y a clairement une escalade donc il ne faut plus rien laisser passer. Parler, écouter, bien sûr, soutenir bien entendu, et surtout sanctionner sévèrement.
J’ai lu ce que dit le préfet du Lot et je suis d’accord avec lui. J’échange, chaque jour, avec des élus locaux qui font des journées de fous, et singulièrement depuis le début de la crise de la Covid, pour soutenir la population, trouver des solutions.
Et je rappelle en particulier dans les petites communes, que les indemnisations des maires sont très faibles voire inexistantes. Si le pays a tenu face à l’épidémie, c’est en grande partie grâce à eux. Alors, oui, il faut dire « stop » et être très ferme.