Les collectivités territoriales n’arrivent plus à recruter

Peu de postulants pour leurs offres d’emploi, moins de candidatures spontanées et des postes qui leur restent sur les bras… « Les collectivités territoriales ont besoin de recruter et pour autant elles n’y arrivent pas. Le panorama des métiers en tension est plus large qu’il y a quelques années », résume Murielle Fabre, maire (DVD) de Lampertheim, une petite commune près de Strasbourg, et secrétaire générale de l’ Association des maires de France (AMF).

A tel point que 6 collectivités sur 10 désormais déclarent faire face à des difficultés fréquentes de recrutement dans le baromètre RH réalisé par Randstad France et publié cette semaine, contre 39 % l’an dernier – un chiffre « au plus haut ». C’est tout particulièrement le cas dans la filière technique (66 %).

Concurrence du privé

« Pour les techniciens que nous recherchons pour notre compétence eau et assainissement, nous sommes en concurrence avec les grands groupes du secteur. Il est difficile aussi de trouver des techniciens réseau en informatique », témoigne Sébastien Martin, président (DVD) de la communauté d’agglomération du Grand Chalon, en Saône-et-Loire, et président d’Intercommunalités de France. Les difficultés de recrutement sont par ailleurs très vives sur les travailleurs sociaux, les policiers municipaux ou les secrétaires de mairie, rapportent les élus locaux.

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Ces problèmes s’accentuent alors que les collectivités sont plus nombreuses à vouloir embaucher, selon lebaromètre HoRHizons 2022 sur l’emploi territorial présenté ce mercredi par les grandes associations d’élus (AMF, Régions de France, Départements de France), le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG). Près de la moitié des collectivités interrogées (49,2 %) envisagent de recruter prochainement – avant tout pour remplacer des départs.

Primes

Parmi les principaux leviers pour tenter d’attirer les recrues et de les fidéliser, elles jouent avant tout sur le régime indemnitaire , c’est-à-dire les primes (45,2 % des répondants) ou la protection sociale complémentaire (28,1 %). Mais « on n’a pas tant de leviers que cela sur la rémunération et la masse salariale est le poste de dépenses qu’on regarde de très près », pointe Sébastien Martin, qui met plutôt en avant le coût de la vie à Chalon-sur-Saône.

​Les actions en faveur de la qualité de la vie au travail (36,2 %) figurent aussi en bonne place. « Nous avons un dispositif de temps choisi pour pouvoir adapter ses horaires », souligne ainsi Jean Morin, le président (DVD) du Conseil départemental de la Manche.

Mobilité interne

Dans les collectivités, on pointe également l’enjeu de la mobilité interne. « Nous mettons en place des parcours. J’ai d’anciens animateurs périscolaires qui sont allés travailler dans la mairie annexe ou à l’espace France Services », illustre ainsi Igor Semo, le maire (LR) de Saint-Maurice, dans le Val-de-Marne, et vice-président de l’Association des petites villes de France (APVF). Selon lui, il faut aussi que les petites collectivités proposent du télétravail pour « ne pas décrocher face aux plus grandes » : « C’est une question qui revient souvent dans les entretiens d’embauche ».

A Annemasse (Haute-Savoie), la ville utilise, elle, « plus souvent qu’avant » la possibilité de recruter des contractuels à des salaires plus élevés que les fonctionnaires, explique le maire (PS) Christian Dupessey, qui a une grosse trentaine de postes non pourvus. « On est prêt à développer les contrats d’apprentissage et l’alternance », indique de son côté Stéphane Pintre, le directeur général des services de la ville d’Antibes (Alpes-Maritimes).

Attractivité

Dans ce contexte très tendu, les élus locaux espèrent que le rapport sur l’attractivité de la fonction publique territoriale remis en février à Amélie de Montchalin , la ministre de la Fonction publique de l’époque, et formulant 27 propositions ne restera pas lettre morte. D’autant que « brandir la promesse d’un emploi pérenne, n’est plus forcément un argument massue aujourd’hui », comme le constate Francisque Vigouroux, le maire (Parti Radical/Horizons) d’Igny, dans l’Essonne et secrétaire général adjoint de l’APVF.

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« La réponse doit être globale, il faudra qu’elle soit conjointe entre les employeurs territoriaux et le gouvernement sur les rémunérations, le déroulé de carrière, les accès aux concours, la formation, etc. », estime Emmanuelle Rousset, coprésidente de la commission fonction publique territoriale à France urbaine et vice-présidente (PS) de la métropole de Rennes.

Selon Murielle Fabre, il convient aussi d’améliorer la communication sur la fonction publique territoriale. « Il y a 250 métiers dans nos collectivités, mais tout le monde ne le sait pas », insiste-t-elle.

Laurent Thévenin Les échos