Lot : un premier observatoire de la méthanisation va être installé cette semaine

En novembre 2019, la préfecture du Lot annonçait vouloir créer un Observatoire de la méthanisation dans notre département. Cette décision faisait suite aux conclusions rendues par la mission ministérielle du CGEDD* sur l’exploitation du méthaniseur de BioQuercy à Gramat.
En ce mois de janvier 2021, l’installation de l’Observatoire est imminente, puisque les divers participants ont reçu leur convocation pour participer à une « commission locale de suivi extraordinaire des unités de méthanisation lotoise », le 22 janvier prochain à la préfecture à Cahors. Celle-ci conduira à l’installation de cet Observatoire participatif et scientifique de la méthanisation dans le Lot.
L’association lotoise AmiE, Alerte méthanisation industrielle Environnement, y assistera avec trois de ses représentants : Michel Lorblanchet (Directeur de recherches honoraire au CNRS, spécialiste de l’art préhistorique), Jean-Louis Thocaven (président du Spéléo-Club de Souillac) et Jean-Claude Brenot. Ce dernier répond aux questions de La dépêche du Midi.

Que s’est-il passé depuis la présentation du rapport des deux inspecteurs du CGEDD en 2019 ?

Peu de choses, l’année 2020 a été une année blanche en quelque sorte. Il y a eu un comité de suivi en février puis plus rien. J’ai eu l’occasion de contacter trois riverains de l’unité de méthanisation de Gramat à propos des odeurs. Ils me font part d’une situation qui s’est améliorée, la filtration installée a donc l’air de jouer son rôle. On se demande pourquoi cela n’a pas été fait avant.
Ensuite, en prévision de la création de cet observatoire, notre association a demandé à rencontrer la nouvelle sous-préfète de Gourdon, Hélène Hargitai. Durant plus de deux heures, nous avons pu échanger avec elle, et constater qu’elle avait pris connaissance des 94 pages du rapport ministériel. Nous avons pu exposer nos remarques et présenter nos synthèses.

Les populations et associations ont fait savoir leurs inquiétudes et leur incompréhension, lors d'une action à Gourdon./Photo DDM-Archives.
Les populations et associations ont fait savoir leurs inquiétudes et leur incompréhension, lors d’une action à Gourdon./Photo DDM-Archives. DDM – DDM-JEAN LUC GARCIA

 

Qu’est-ce que l’AmiE attend de cette structure dite « citoyenne et scientifique » ?

Déjà, il y a 6 groupes de travail constitués. Pour ma part, je souhaite collaborer à celui de suivi des impacts potentiels sur la microfaune des sols. En tant qu’enseignant-chercheur physicien, aujourd’hui retraité, c’est plus mon domaine de connaissance.

Composé de 6 groupes de suivi

Six groupes de travail ont été établis pour intervenir au sein de cet Observatoire participatif et scientifique de la méthanisation dans le Lot. Ils se composent comme suit :
suivi des impacts potentiels sur les abeilles ; suivi des impacts potentiels sur la microfaune des sols ; suivi des risques de percolation ; définition de la valeur agronomique du digestat et pratiques associées ; suivi de la qualité des eaux souterraines ; suivi de la qualité de l’air.

« Il faut que l’on puisse mettre en place des études sur le sol, analyser et comparer tout ceci. »

Maintenant qu’attendre de cet observatoire, j’ai envie de vous dire que tout dépendra des moyens financiers alloués par l’Etat. Il faut que l’on puisse mettre en place des études sur le sol, analyser et comparer tout ceci. Constater l’impact sur la microfaune (lombrics, collemboles, etc.) est primordial, mais il faut aussi se pencher sur l’intérêt de l’épandage de ces digestats. Est-ce réellement fertilisant ou pas ? Qu’en est-il de l’enrichissement en carbone organique nécessaire à la croissance des végétaux ? Bref nous avons de nombreuses questions, mais de quels moyens disposerons-nous pour ces travaux ?

L’unité de méthanisation de Gramat est l’une des plus importantes du Lot, mais que pensez-vous des projets de méthaniseur « à la ferme » qui se développent ?

Il y a ces grosses unités comme Gramat ou Mayrac, mais en effet les « petits » méthaniseurs posent aussi question, notamment face à leur multiplication. Nous réfutons d’emblée l’argument d’énergie verte. Car il faudrait des centaines de méthaniseurs comme celui de Gramat pour produire l’équivalent énergétique d’une tranche nucléaire. Nous serons donc loin de couvrir les besoins en électricité de la société avec ces projets.

*deux inspecteurs généraux du Conseil général de l’Environnement et du Développement durable ont été mandatés par le ministère de la Transition écologique et Solidaire à Gramat pour produire un rapport restitué en novembre 2019.

La Dépêche a sollicité la sous-préfecture de Gourdon, pour obtenir plus d’informations, mais elle n’a pas donné suite à notre démarche.

Le méthaniseur de Gramat est l’un des plus importants sur le département du Lot./Photo DDM Archives.
Le méthaniseur de Gramat est l’un des plus importants sur le département du Lot./Photo DDM Archives.

« Nous serons acteurs, en toute transparence »

Fabien Haas, directeur général adjoint de Fonroche Biogaz, représentant l’entreprise BioQuercy qui exploite l’unité de méthanisation de Gramat.
« Nous regardons avec beaucoup de bienveillance la création de cet observatoire, ainsi que tout ce qui permettra de consolider le travail engagé depuis de nombreuses années sur la méthanisation. Et cela en toute transparence, en communiquant nos résultats ».

« Nous sommes dans une démarche d’amélioration continue »

Fonroche Biogaz sera représentée au sein des groupes de travail de cet observatoire par deux de ses membres. « Nous serons acteurs aux côtés des autres, encore une fois en toute transparence, afin de rassurer ceux qui sont encore inquiets ».
Cette démarche inédite en France doit notamment permettre à l’Etat de collecter des données d’impacts et de suivi. « Avoir de nouvelles données, c’est toujours intéressant, argumente Fabien Haas. Mais, n’oublions pas que la méthanisation est un procédé qui a déjà 15 ans en France et qui existe depuis plus de 40 ans au Danemark avec des unités comme celle de Bio Quercy à Gramat ; ou même en Allemagne, où là aussi ils ont beaucoup de recul. »
Il rappelle par ailleurs que la mission ministérielle : « a relevé que le site BioQuercy était exemplaire dans sa gestion. Nous sommes dans une démarche d’amélioration continue. Cela a a été le cas avec les aménagements réalisés pour le traitement olfactif des odeurs ».

Laetitia Bertoni La Dépêche